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1921

Les rues de Brest

par ollivier LODEL

- Article 4 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

3 novembre 1921.jpg

 

Sources : La Dépêche de Brest 24 Novembre 1921

 

RUE DU CHÂTEAU

 

La rue du Château, tracée par Vauban, pour avoir l’étendue qu'elle présente aujourd'hui fut ouverte en plusieurs tronçons :

En 1702, elle est ouverte depuis les remparts jusqu’au Petit-Couvent (rue Jean Macé), et forme la rue Neuve du Château.

En 1712, elle est prolongée sous le nom de rue de Plœuc (*), jusqu'à la rue d'Aiguillon ;

puis, en 1748, jusqu'à la rue Traverse.

 

Enfin, en 1783 et 1796, le Génie, ayant cessé de considérer le bas de la rue du Château, comme faisant partie de la zone militaire, des maisons s'élevèrent dans cette dernière partie de la rue.

 

(*) René de Plœuc, capitaine de vaisseau, décédé à Brest, le 27 novembre 1739, était propriétaire d'un terrain dans cette rue.

 

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La première maison de la rue actuelle du Château, fut construite vers 1690, par Jean Gaillard, sieur de Portarieu, écrivain du Roi, dans le champ appelé la Grange de Quilbignon, bordé au sud par le chemin menant à la chapelle Saint-Sébastien (rue Voltaire) et au nord par le Champ-de-Bataille qui n'existait point encore.

 

Cette propriété et ses dépendances furent acquises, en 1695, par Mme de Penfeunteun, qui venait de fonder une communauté « pour donner une éducation chrétienne aux petites filles pauvres, leur apprendre à lire, écrire et travailler, et offrir un asile aux femmes et aux veuves de qualité sans fortune ».

 

Cette communauté qui occupait alors une maison de la rue de Siam « peu convenable pour servir de refuge à des jeunes filles, en raison de sa situation au cœur d'une ville de guerre et dans la plus grande foule du monde », vint s'établit dans le logis de M. de Portarieu « endroit reculé qui était une espèce de solitude ».

 

Les terrains et édifices des « Dames de l'Union chrétienne » appelés Petit-Couvent, par opposition au Grand couvent des Carmes, prirent une telle extension qu'en 1789, la communauté possédait tout l'îlot compris entre les rues du Château, Voltaire, Rampe et Aiguillon.

 

Devenu propriété nationale, le couvent fut converti, en 1792, en hôpital militaire, puis remis, en 1801 au génie militaire.

 

Un nouvel arrête consulaire de 1803 décida qu'une portion des terrains de l'ancienne communauté serait accordée à la marine pour y établir les bureaux de l'inscription maritime, l'école d'application du génie et celle d'instruction des aspirants, mais la marine n'en fit jamais usage.

C'est sur ce terrain des anciens jardins du couvent que le Lycée a été construit de 1845 à 1848.

 

Quant aux vieux bâtiments donnant sur le champ-de-Bataille — toujours appelés le Petit-Couvent — ils furent longtemps réservés aux logements du directeur du génie, du commandant de la place et de son état-major, ainsi qu'aux bureaux du génie militaire et de la sous-intendance.

 

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La chapelle contiguë au Petit-Couvent date de 1736.

Tous les dimanches, une messe y était dite, à 11 heures et demie, après le défilé des troupes de la garnison sur le Champ-de-Bataille.

 

Elle fut concédée, en 1801, au commerce de Brest, pour y établir la Bourse au-dessus de laquelle ont été édifiées, à deux reprises, les parties de ce corps de bâtiments à l'usage du Tribunal et de la Chambre de commerce.

 

La Bourse, c'était l'unique salle de réunion que possédait Brest.

Ses murs séculaires ont connu, ces dernières années, les plus jolies expositions, les plus brillants concerts et aussi les vives clameurs des réunions publiques.

 

Et sous des dalles de l'ancienne chapelle, convertie aujourd'hui en Restaurant municipal, repose le corps de Mgr de la Bourdonnaye, évêque de Léon, qui y fut inhumé le 23 février 1747.

 

Cet honneur, d'être enterré dans la chapelle du Petit-Couvent dut être également réservé aux sept supérieures qui dirigèrent la communauté.

 

Quant aux religieuses qui étaient toujours au nombre de vingt et qui se succédèrent de 1694 à 1789, elles eurent pour lieu de sépulture la cour actuelle (sur le Champ-de-Bataille) des anciens bâtiments du Génie, dont le terrain fut béni par l'évêque, en 1708.

 

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Le bâtiment de l'hospice civil dont le pignon (entre les rues Traverse et Neptune), porte la date de 1749, est la maison la plus ancienne de la rue du Château.

Tous les autres sont de construction relativement récente.

 

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Parmi les établissements particuliers et publics que cette rue renfermait, au siècle dernier, nous citerons :

La maison de bains installée dès 1776, au n° 5 de la rue du Château.

 

Autrefois, du temps des corporations, les perruquiers possédaient, en outre des droits inhérents à leur profession, ceux de baigneurs et étuvistes.

Seuls, ils étaient en possession de pouvoir élever, soit à Brest, soit à Recouvrance, des maisons de bains publics.

 

En 1776 — antérieurement, il n'y avait à Brest aucun établissement de ce genre (*) — un sieur Courtois, musicien de marine, « sollicité par plusieurs officiers », conçut l’idée de cette création, et la communauté des perruquiers lui accorda l'autorisation de « tenir pendant neuf ans, bain et étuves, moyennant paiement entre les mains du trésorier de la communauté, de la somme de 90 livres par an.

 

(*) On ne prenait, sans doute, des bains qu'à la mer, sur les grèves de Porstrein et de La Ninon, ou aux cales du Passage.

Sur une curieuse estampe de 1750 (collection du Dr Corre), des hommes prennent des bains au niveau du passage de Brest à Recouvrance ; plusieurs qui s'apprêtent à se jeter à l'eau, sont nus, sans la moindre vestiture : cela n'offusquait alors personne.

 

Courtois installa son établissement, rue du Château, dans une maison dont « il a grand’peine à défendre les approches contre la malpropreté des voisins ».

Il n'eut d'abord que quelques baignoires, alimentées d'eau que l’on transportait à bras ;

l'année suivante, il obtint de la municipalité, la concession d'un filet d’eau.

 

Le premier établissement de bains subsista jusqu'en 1880.

Il était concurrencé, depuis 1825 par les bains publics Huyot, au n° 15 de la même rue.

 

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La Caisse générale du Trésor s'installa, vers 1820, dans l'hôtel de la sous-préfecture actuelle, et fit place, en 1860, à la succursale de la Banque de France.

 

L'immeuble actuel de la « Société Bretonne », ancien hôtel du « Comptoir du Finistère », fut édifié en 1865.

Il occupe l'emplacement d’une maison dont le rez-de-chaussée était habité, en 1836, par le vicomte de Proteau, maréchal de camp en retraite.

Dans la cour, était le Temple protestant.

 

Notre lycée de jeunes filles fut, pendant de longues années, le pensionnat des Religieuses de la Mère de Dieu.

Il devint succursale du lycée de garçons en 1882 et lycée de filles, en 1898, date de l'achèvement du Petit lycée de la rue d'Aiguillon.

 

Le n° 28 de la rue du Château (au coin de la rue Jean Macé), fut le siège de la sous-préfecture, pendant trente ans, de 1860 à 1890.

Quatorze sous-préfets, dont M. Paul Deschanel, habitèrent ce vaste immeuble.

Leurs vingt-deux prédécesseurs logèrent un peu partout :

aux numéros 34 et 40 de la rue du Château, rue Voltaire, rue de la Banque, rue Duguay-Trouin.

 

L'hôtel des Postes, transféré, en 1890, de la rue Traverse sur le Champ-de-Bataille, était autrefois l' « Hôtel de Nantes » qui prit le nom d' « Hôtel Lamarque », en 1866, lorsque Brest devint escale des transatlantiques.

 

Au n° 48 de la rue du Château se trouvait l'institution Goez, fondée en 1834, qui fut longtemps le seul établissement scolaire préparant aux écoles spéciales.

 

La rue du Château fut nommée pendant la Révolution, rue de l'Égalité.

 

CITÉ D'ANTIN

 

Cette rue a été tracée sur le terrain de l'ancien Observatoire de la Marine, acheté par le roi, en 1783, aux Dames de l'Union Chrétienne, pour la somme de 40 000 livres.

 

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L'observatoire, suivant les vœux de l'Académie royale de marine, devait réunir d'autres établissements scientifiques, mais, après dix ans d'attente, on se borna, en 1797, à construire un kiosque en bois, et, pour empêcher l'éboulement des terres sur lesquelles il était assis, la marine établit les murs de soutènement et la rampe qui met en communication la rue d'Aiguillon et le cours Dajot.

Ce kiosque ne servit que très peu de temps.

On ne tarda pas à reconnaître qu'on n'y obtenait point la stabilité voulue pour opérer avec précision, et il fut remplacé par un cabinet situé dans l'orangerie de la Préfecture maritime.

 

L'observatoire fut installé, en 1819, sur le pavillon central de la caserne Fautras.

Tous les jours, autrefois, du haut de l'observatoire, on signalait l'heure de midi à la rade et à la ville, au moyen d'un pavillon mâté pendant trois minutes et subitement abaissé.

 

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Le terrain de l'observatoire a été vendu par le Domaine, le 10 novembre 1853, au prix de 133.000 francs, à une société dont l'un des acquéreurs, M. Camille Michel, dressa et publia un plan d'après lequel on aurait élevé sur ce terrain d'élégantes constructions dont l'ensemble eût fait de cette cité, le plus beau quartier de la ville.

 

Plusieurs années s'étant écoulées sans que ce projet se fût réalisé, les acquéreurs aliénèrent à diverses personnes des portions de ce terrain dont l'une a servi à la construction du Temple protestant, en 1858.

 

Et, à l'instar de Paris qui donna, au plus élégant de ses quartiers le nom du plus raffiné courtisan de Louis XIV, cette rue fut appelée Cité d'Antin.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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