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1921

Les rues de Brest

par ollivier LODEL

- Article 6 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

9 décembre 1921.jpg

 

Sources : La Dépêche de Brest 9 Décembre 1921

 

RUE DE L'EGOUT (suite)

 

L’affaire Castel se déroula devant la cour d’Assises du Finistère, en janvier 1841.

 

Castel était un serrurier de la Grand’Rue qui mourut empoisonné par sa femme, sa fille et le nommé Bescond, amant de la femme Castel.

Son cadavre fut trouvé enfoui dans le jardin de la maison de Bescond, à Kéroriou.

Vol, avortement, double adultère, empoisonnement, parricide, rien ne manquait à ce drame sanglant.

 

Bescond et sa maîtresse furent condamnés à la peine de mort et la fille Castel, âgée de 15 ans, à dix ans d'emprisonnement.

 

L'expiation eut lieu le 13 avril suivant, sur la place de l'Égout.

 

Les condamnés, arrivés la veille de Quimper sous l'escorte de la gendarmerie départementale, et accompagnés de MM. Le Bras et Naissaut, aumôniers des prisons, avaient été incarcérés au Château.

 

On avait fait appel, pour la circonstance, aux trois exécuteurs de Quimper, Rennes et Saint-Brieuc.

 

« De bonne heure, lisons-nous dans un journal de l'époque, la foule était si nombreuse que sans les sages précautions prises par M. le commandant de la place, qui avait fait occuper les deux côtés des rues aboutissantes, et entouré d'un triple, rang de soldats la place de l'Égout, où était dressé l'échafaud, le trajet des condamnés eût été impossible.

 

« Toutes les boutiques étaient fermées sur leur passage, ce qui donnait un aspect de deuil à la ville.

 

À onze heures et demie, ils ont quitté la prison du Château et sont montés dans une voiture découverte, chacun accompagné de son confesseur.

 

« La femme Castel avait sollicité la faveur de conserver, jusqu'à l'échafaud, le mantelet qui est le vêtement ordinaire des femmes de sa classe, en priant de le remettre, après sa mort, à une personne qu'elle a désignée.

 

« Ils ont ainsi traversé le quai de la Mâture, le quai Tourville, la rue Royale, la rue Saint-Louis et la rue Kéravel.

 

« Après avoir franchi sans aide et d'un pas ferme les marches de l'échafaud, la femme Castel s'y est agenouillée pour recevoir l'absolution, s'est relevée avec le même calme, et pendant qu'on faisait les derniers préparatifs, n'a cessé de prêter l'oreille à son confesseur.

Enfin, elle a embrassé une dernière fois le crucifix et a livré sa tête au bourreau.

 

« Le couteau s'est relevé ensanglanté.

Bescond a invité les exécuteurs à ne pas mettre dans leurs préparatifs une lenteur aussi cruelle et, après avoir embrassé à plusieurs reprises son confesseur et le crucifix, a remplacé sa complice.

 

«  Lorsque le cadavre de la femme Castel a été retiré de l'échafaud, le sang qui en a jailli a couvert un gendarme et un jeune soldat qui s'est trouvé mal !

 

« Spectacle horrible et qui, cependant, ne produit pas tout le bien qu'on devrait en attendre ». conclut notre gazetier.

 

RUE ÉMILE ZOLA

 

Dès 1500, du temps de la, reine Anne, on voyait, dans le faubourg de la ville de Brest, une petite église dédiée à Saint-Yves.

L'hospice, dont elle dépendait, était aussi placé sous l'invocation de ce saint breton.

 

La rue où s'élevait cette église portait, en 1603, le nom de Monsieur Saint-Yves.

Elle menait, en 1670, des glacis du Château à la rue Traverse et la « porte secondaire de ville », qui conduisait au Château et, disparut en 1691, se trouvait à peu près en face de la sacristie de l’église des Carmes.

 

Vauban donna, en 1694, à la rue Saint-Yves, son étendue actuelle :

de la place du Château à la rue de l'Abreuvoir (Colbert).

 

Nommée rue de la Liberté en l'an II, la rue Saint-Yves recouvra, en 1811, son nom primitif, et depuis 1907, elle est appelée rue Émile Zola.

 

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L'hospice et l'église de Saint-Yves existaient depuis plus de deux siècles quand, en 1650, des religieux de l'ordre des Carmes déchaussés sollicitèrent l'autorisation de venir à Brest établir un couvent.

 

Le chapitre de l'évêché de Saint-Pol de Léon et les habitants de Brest hésitèrent d'abord à accorder aux Carmes l'autorisation qu'ils demandaient ;

mais M. de Castelneau, gouverneur du Château, ayant manifesté le désir de voir s'établir à Brest un couvent de cet ordre, les difficultés se trouvèrent bientôt levées.

Le gouverneur n'avait été que l'interprète des volontés du Roi.

 

Trois Carmes irlandais « chassés de leur pays par Cromwell », dit l’abbé Tresvaux, prirent possession de l'église et de l'hospice, le 12 décembre 1652, sous condition de « faire bâtir une chambre proche le couvent, pour servir d'hôpital aux pauvres et nécessiteux de la ville ».

 

L'église de Saint-Yves ou des Carmes tombait en ruines quand elle fut rebâtie, en 1718, sur les plans de M. Robelin, directeur des fortifications de Bretagne, et placée sous le vocable de Notre-Dame du Mont-Carmel.

 

Il paraît que de l'ancien édifice on ne conserva que le clocher ;

le style et la pierre de ce clocher, très différents de ceux de l'église moderne, nous semblent confirmer ces conjectures.

 

L'église fut affectée, en 1793, à la tenue des assemblées de section, puis servit de magasin aux approvisionnements de la guerre.

 

En 1801, elle fut mise à la disposition de notre allié, l'amiral espagnol Gravina, pour permettre à son armée navale, qui séjourna pendant près de trois ans sur la rade de Brest, d'assister aux services religieux que célébraient quelques prêtres insermentés et, en 1803, la ville obtint la réouverture définitive de l'église des Carmes, qui devint succursale de l'église Saint-Louis, jusqu'en 1857, date où un décret impérial l'érigea en paroisse.

 

Le Couvent des Carmes et ses dépendances occupaient, au moment de la Révolution, presque tout l'Ilot actuel compris entre les rues Traverse, Amiral Linois, Monge et Émile Zola.

 

L'emplacement où s'élève maintenant l'ancienne Halle, sur la place Sadi Carnot, était un superbe jardin à terrasse, avec un puits au milieu.

 

En outre de ce vaste enclos, les Carmes possédaient sur la route de Brest à Guipavas une fort belle maison de campagne appelée « le Mont-Carmel ».

 

Supprimé le 15 juillet 1790, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale, le Couvent fut affecté à la détention des prêtres qui refusèrent de prêter le serment constitutionnel, puis il servit de casernement aux gardes nationaux.

 

Il est demeuré, depuis lors, établissement militaire et porte, le nom de caserne d'Aboville.

 

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Nous avons vu que les Carmes, en s'établissant à Brest, en 1650, s'étaient, engagés à recevoir les pauvres de la ville dans leur couvent.

Quatre ans plus tard, ils se trouvèrent dégagés de cette obligation en rétrocédant à la ville deux petites maisons de la rue Neuve-des-Sept-Saints, que leur avait données « honorable femme Pochard, veuve Jacolot, moyennant une rente viagère de 24 livres et la célébration de trois messes à notes, après le décès de la donatrice et à perpétuité ».

 

Ces maisons furent converties en hôpital en 1655, mais elles ne remplissaient pas le but qu'on s'était proposé et, en 1664, la ville, « pour réfugier ses pauvres », achète, « en haut de la rue Saint-Yves, près la rue Traverse, une maison avec jardin derrière », au prix de 250 livres tournois.

 

La maison est incendiée, en 1667, par l'imprudence des soldats du duc de Beaufort, qui y étaient hospitalisés, et, sur son emplacement, on construit un édifice dont la première pierre fut posée, le 4 mai 1686, par la duchesse de Portsmouth.

 

C'est ce bâtiment, vieux aujourd'hui de 235 ans, que nous voyons toujours derrière le mur de l'hôpital qui borde la rue Émile Zola.

Il vient d'être affecté à la chapelle de l'hospice, depuis l'effondrement, il y a quelques mois, de la vieille chapelle qui lui était contiguë et qui avait été édifiée en 1708.

 

Plus que centenaires sont, d'ailleurs, la plupart des édifices de l'hôpital qui avait été construit autrefois dans le faubourg de la ville, mais qui se trouve maintenant en plein centre de notre cité, et, dont le déplacement est projeté depuis soixante ans.

 

Le bâtiment intérieur de la salle Saint-Jean, qui a pignon sur la rue du Château, porte la date de 1749.

 

L'aile affectée au grand dortoir des garçons et à l'ancienne salle Saint-Augustin, occupée maintenant par le service radiographique, fut élevée en 1769.

 

L'édifice le plus récent est celui qui borde la rue Duguay-Trouin.

 

C'était, autrefois, la maison dite des « Quatre-Vents », achetée, en 1767 pour y mettre les filles publiques atteintes du mal vénérien.

Elle tombait, en ruines, quand, en 1842, on édifia, sur son emplacement, le bâtiment situé entre les rues du Château et Émile Zola.

 

Le Mont-de-Piété, prescrit par ordonnance du 12 janvier 1827, y fonctionna jusqu'en 1872.

Puis, un commissariat de policé fut établi à l'encoignure de la rue Saint-Yves, en 1885.

Ce local est actuellement occupé par les bureaux de l'Assistance publique.

 

Le vieux Brest - La rue du Petit Moulin.jpg

 

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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