1922
Les rues de Brest
par Ollivier LODEL
- Article 15 -
Auteur : Ollivier Lodel (*)
Sources : La Dépêche de Brest 13 avril 1922
RUE DE LA MAIRIE
La municipalité est chargée, concurremment avec le sénéchal, de la police de la ville.
De ce chef, elle est astreinte à payer un certain nombre de fonctionnaires.
Le plus rétribué est celui de ses membres à qui elle délègue ses pouvoirs judiciaires ;
elle commence en 1777 par lui verser 1.200 livres, portées l'année suivante à 1.400 livres, et à partir de 1779 à 1.800 livres par an.
Pour assurer l'ordre la Communauté dispose de quatre sergents de police, aux gages annuels de 200 livres, de ses quatre archers et de deux gardes-quais qui ont pour mission d'empêcher le déchargement des marchandises
« sujettes à immondices » à moins de six pieds du bord des quais, et de dresser procès-verbal à quiconque
« jette immondice » dans le port, infraction punie de 100 livres d'amende.
M. Guesnet, procureur syndic de la Communauté qui occupa les fonctions de commissaire de police de 1776 à 1789, était assez mal secondé par ses archers et sergents.
Le service des billets de logement, des réquisitions de toutes sortes, absorbait, d'ailleurs, une bonne partie de leur temps ; mais leur conduite n'était pas toujours exemplaire.
En 1785, l'intendant écrit à la Communauté :
« Il n'y a qu'un archer de ville et deux sergents du police qui remplissent bien le service, tous les autres sont des ivrognes qu'il faudrait renvoyer ».
La municipalité promet qu'ils s'amenderont, mais en vain.
L'intendant formule les mêmes observations en 1787 et se déclare « disposé à les faire expulser s'ils ne changent pas de conduite ».
Enfin, la Communauté se résout avec peine à destituer « le nommé Bazile, archer de la ville qui ne cesse de s'enivrer et s'est ainsi rendu incapable de faire son service ».
Un vaste édifice, connu sous le nom d'École des Mécaniciens, s'élève en face de l'hôtel de ville.
La porte d'entrée est ornée d'un fronton représentant, avec leurs emblèmes, la Justice et la Religion, groupe en tuffeau, attribué au célèbre sculpteur Bouchardon.
Il fut construit à la fin du XVIIe siècle, quand les jésuites obtinrent, par lettres-patentes de mars 1686, l'autorisation de fonder à Brest un séminaire, où devaient être « instruits, logés et nourris, les prêtres séculiers qui serviraient d'aumôniers sur les vaisseaux de l'État. »
La construction du séminaire ne coûta pas moins de 300.000 livres au Trésor royal et nous avons vu les intrigues de ces turbulents religieux qui, après avoir accaparé l'église Saint-Louis, ne consentirent à la rendre à la ville — elle en avait fait cependant tous les frais — que moyennant 50.000 livres, somme qui fut employée, en 1740, à la construction de la chapelle de la Marine (*), aujourd'hui disparue.
(*) La Chapelle de la Marine sur Retro29 - À Lire ici
On connaît les agissements de la société de Jésus, les procès scandaleux qui mirent en évidence des faits d'une immoralité profonde, l'arrêt du Parlement de Paris du 6 août 1761, déclarant la doctrine enseignée par les jésuites,
« meurtrière et abominable », et ordonnant que leurs livres seraient « lacérés et brûlés, en la cour du palais, par le bourreau, comme séditieux et destructifs de tous les principes de morale chrétienne. »
À l'instar de la plupart des Parlements du royaume, le Parlement de Bretagne déclara, le 27 mai 1762, que « la règle des jésuites était injurieuse à la majesté divine, à la majesté souveraine des Rois, à l'Église et à tous les corps de l'État, contraire au droit naturel et divin. »
Il prononça la dissolution de l'institut et ordonna aux jésuites d'évacuer, le 2 août suivant, les collèges qu'ils tenaient à Rennes, Vannes et Quimper, ainsi que leur résidence à Nantes et le séminaire de Brest.
Louis XV céda et interdit la société de Jésus en France, par arrêt du conseil du mois de novembre 1764.
Le séminaire de Brest, devenu propriété de l'État, fut remis à la marine.
Le séminaire servit de caserne aux gardes de la marine jusqu'en 1776, puis d'hôpital jusqu'en 1834.
Après avoir été affecté à divers services, il devint, en 1863, l'établissement des Pupilles de la marine.
Le décret impérial du 15 novembre 1862, qui avait fondé cette institution, pour ouvrir un asile aux orphelins de nos matelots, morts pour l'honneur du pavillon, et qui devait les préparer à suivre la noble carrière de leurs pères, excita, à Brest, un véritable enthousiasme.
En moins de deux jours, les souscriptions ouvertes pour hâter la création de l'établissement, s'élevèrent à plus de 3.000 francs.
La France entière voulut participer à l'œuvre et, de tous les points du territoire, affluèrent des dons.
Le chiffre qu'ils atteignirent permit d'acheter, au mois de juin 1863, une inscription de rente de 2.000 francs, qui assurait l'avenir d'une institution, à laquelle nous devons le meilleur recrutement de l'école des mousses, la vraie pépinière de la maistrance et des équipages de la flotte.
L'établissement des Pupilles de la marine fut transféré, en 1883, à la Villeneuve, merveilleusement située dans une anse de la Penfeld, sur les deux versants d'un vallon ombragé.
C'était l'emplacement d'une ancienne usine, construite, de 1767 à 1770, par l'industriel Richard-Duplessis, et achetée par la marine, en 1772, pour servir à la transformation en fers neufs, des résidus de travaux de l'arsenal.
L’ancien séminaire devint alors l’École des mécaniciens, nom sous lequel ce bâtiment est toujours désigné.
Il retrouva, pendant la guerre, l'une de ses premières affectations en hôpital.
Ce vaste édifice ne sert plus aujourd’hui qu’au logement de quelques mutilés, aux bureaux des services de T. S. F et au garage des automobiles de la marine.
La pharmacie centrale, dont le long mur s’étend dans la dernière partie de la rue de la Mairie, conduisant à l'hôpital était autrefois la manufacture de toiles à voiles, construite par Frézier, en 1763.
Adossée au mur de clôture du bagne, elle fut convertie, en 1825, en caserne des gardes-chiourmes et ce fut après la fermeture du bagne que M. Riou-Kerhalet, ingénieur des travaux hydrauliques, l'appropria à sa nouvelle destination.
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Le marché couvert de la rue de la Mairie fut construit de 1844 à 1845.
Depuis longtemps on projetait de l'établir sur cette place Saint-Louis, mais l'état des finances et surtout les entraves apportées par la plupart de nos anciens édiles, qui ne voulaient pas marché masquât l'église, en retardèrent la construction.
Les idées s’étant modifiées sur ce point et un excédent de recettes de 30.000 francs sur le budget de 1843, permirent à l'administration de M. Lettré d'effectuer les travaux.
Le marché fut édifié suivant les plans de M. Pouliquen qui rachetaient, par des perrons de hauteurs variées les différences de niveau existant sur l'ancien terrain de Tronjolly, entre l'église et la rue de la Mairie.
Ses deux corps de galeries couvertes étaient, autrefois, séparées par une cour pavée et plantée, au centre de laquelle se trouvait la vasque, alimentée par une fontaine, qui servait au lavage des légumes.
Cette cour fut elle-même recouverte en 1896.
Le bâtiment de l'école communale, situé au n° 16 de la rue de la Mairie, était autrefois une grande maison d'aspect sévère, presque lugubre :
Fenêtres à petits carreaux, très éloignées les uns des autres, et celles du rez-de-chaussée, garnies de lourdes barres de fer au centre, une haute et large porte s'ouvrant sur la rue.
On pouvait se demander en la voyant, si c'était une prison ou un hospice.
Cette maison était celle que l'on désignait encore, il y a quelque vingt ans, sous le nom de « Bureau des marchands ».
Elle avait été construite, en 1772, par la puissante corporation des marchands de drap, merciers, quincailliers et joailliers, dont nous avons parlé, lors de sa première installation dans la rue Kéréon
Le bureau était ouvert de sept heures du matin à midi et de deux heures à six.
Toute tes marchandises de draperie, mercerie, joaillerie, quincaillerie, épicerie et droguerie qui étaient apportées à Brest et Recouvrance, tant pour les marchands de la ville que pour les forains, étaient obligées de passer au bureau pour y être vues, visitées et marquées par les gardes assermentés, comme « en bon état et bien fabriquées ».
À la dissolution des corporations, en la maison fut déclarée bien national et donnée à la ville.
On y installa d'abord les juges du bureau de commerce et de conciliation, le bureau de paix du district, ainsi que les écoles d'hydrographie et de dessin, créées en 1791.
En l'an II, on y déposa les 26.000 volumes provenant de l'abbaye de Saint-Mathieu, du couvent des Carmes de Brest et des Capucins de Recouvrance qui constituèrent la bibliothèque du district.
La bibliothèque « nationale », dirigée par MM. Duval Le Roy, professeur de mathématiques aux écoles du port et l'abbé Béchennec, bibliophile fort instruit, resta intacte jusqu'en l'an IX.
Mais, à cette époque, des dons de livres faits par le préfet du Finistère à l'école centrale de Quimper et à diverses administrations civiles et maritimes, réduisirent, les collections à environ 2.000 volumes.
Ils ont formé le noyau de la bibliothèque municipale actuelle qui en compte, aujourd'hui, près de 100.000.
Après l'an X, le bureau des marchands fut rendu aux écoles publiques et fut occupé en même temps, par l'administration des douanes, puis par les prétoires des justices de paix.
Les sœurs de la Providence y tinrent ensuite leurs classes jusqu'en 1880, date de l’exécution, à Brest, des décrets concernant l’expulsion des Congrégations.
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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel
Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003
Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.
En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.
Jusqu'en 1939
Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.
Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.
Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.
Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »
Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.
En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.
Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.
Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».
Conférencier remarquable
Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.
Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.
Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .