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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 16 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

Les rues de Brest 4 mai 1922.jpg

 

Sources : La Dépêche de Brest 4 mai 1922

 

RUE MARCHÉ POULIQUEN

 

M. Pouliquen, négociant, fut nommé maire de Brest, par arrêté consulaire du 13 juin 1800 qui, conformément à la loi du 17 février, organique des municipalités, les avait soustraites à l'élection,

 

Le maire et les adjoints étaient à la nomination du Premier Consul ;

les conseillers municipaux — au nombre de trente, pour Brest — étaient, choisis par le préfet, pour trois ans, et susceptibles d'être continués dans leurs fonctions.

 

M. Pouliquen avait demandé à plusieurs reprises d'être déchargé du fardeau de la mairie.

On finit par satisfaire à ses désirs et les regrets unanimes et mérités de ses concitoyens le suivirent dans sa retraite.

 

D'importants travaux furent accomplis pendant les huit mois de son administration :

l'achèvement et la plantation du cours Dajot, l’agrandissement du nouveau cimetière extra muros, la construction du mur de clôture du Pont-de-Terre, etc.

 

Fils d'un tailleur de pierres, M. Pouliquen était né 4 Brest, le 26 juillet 1763, où il mourut le 19 avril 1814.

Il s'était signalé, en 1793, par son dévouement en faveur des Girondins proscrits.

 

Son nom a été donné au quartier qu'il avait construit, en 1809, pour y établir les boucheries de la ville.

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Brest marché Pouliquen.jpg

 

RUE MONGE

 

La partie de la rue Monge qui s'étend de la rue Kléber à la rue Amiral Linois, s'appelait autrefois rue Charonnière et son prolongement, jusqu'à La rue Émile Zola (Saint-Yves), était désigné sous le nom de rue du Four.

 

C'est là, en effet, que se trouvait le four banal où les habitants allaient faire cuire leur pain.

 

Quant à la rue Charonnière, l'étymologie de son nom est restée très problématique.

 

Certains historiens brestois ont cru y voir l'ancien quartier des charrons, ce qui doit être une erreur, car en 1670, où nous trouvons déjà cette rue, la ville de Brest n'était ni assez grande ni assez peuplée pour qu'une rue, quelque courte qu'elle fût, pût être consacrée à une seule industrie, à moins qu'il n'y eût qu'un seul charron dans toute la ville.

 

M. Levot estime que la rue Charonnière pouvait devoir son nom au commissaire de marine Charonnier, qui résidait à Brest vers 1703, et qui, en 1712, servait à Toulon.

« L'habitude locale de fortement accentuer « l’r » final des mots nous suggère, dit-il, cette conjecture. »

Il est certain que l'usage était alors de donner aux rues les noms des hauts fonctionnaires de la marine.

Mais M. Charonnier ne devait pas être un bien grand personnage en 1670 !

 

Une troisième étymologie a été donnée par M. Kernéis :

il existait en cet endroit, dès 1595, un dépôt provenant des tueries, ce qui occasionnait une véritable infection.

 

La rue Charonnière était une ruelle fort étroite, surtout dans sa partie commençant à la rue Kléber.

Elle n'était guère accessible aux voitures qu'aux environs de l'église des Carmes, et ce premier alignement nous est montré par la maison, faisant face à l'église, qui porte la date de 1675.

 

L'élargissement de la rue avait été commencé en 1703, mais les travaux étaient depuis longtemps suspendus, quand, en 1746, l'intendant manifesta à la ville son désir d'ouvrir largement cette voie, pour mettre le bas de la Grand'Rue en communication avec l'église des Carmes.

 

Quelques mois plus tard, l'ordre est impératif.

On apprend, en effet, en juillet 1747 que le duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne, va venir à Brest au mois d'août et il faut que la nouvelle rue soit tracée et mise en état pour le 15, afin que le duc puisse y passer en carrosse, s'il le désire.

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Duc de Penthièvre.jpg

 

Toutes les maisons avaient été abattues et les murs des nouvelles façades commençaient à s'élever, quand le prince fit son entrée solennelle dans notre cité.

 

Il descendit à l'hôtel Saint-Pierre, occupé alors par le chef d'escadre de l'Estourmel qui était allé loger, en face, dans une maison dont les locataires furent indemnisés.

 

En exécution des ordres intimés à la Communauté, on avait loué des meubles et tapisseries pour garnir l'hôtel, établi des écuries et des hangars pour remiser 150 chevaux et 13 à 14 chaises ou carrosses.

 

On avait encore prescrit la construction d'une rôtisserie de 18 pieds de long, susceptible de recevoir deux rangs de broches, et la sollicitude pour les marmitons de Son Altesse, alla jusqu'à ordonner de construire, deux élévations destinées à les abriter pendant qu'ils tourneraient ces broches pantagruéliques.

Mais, en raison de ses faibles ressources, la Communauté se contenta de faire réparer l'ancienne Rôtisserie de l'hôtel Saint-Pierre.

 

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C'est dans la rue Charonnière, sur l'emplacement actuel de l'école communale de la rue Monge — désignée encore sous le nom d' « École Bergot », en souvenir de son premier et très distingué directeur — que les frères de la Doctrine chrétienne vinrent fonder à Brest, en 1743, la première école gratuite.

 

Jusqu'à cette époque, nous n'avons une très peu de documents sur les écoles et l'instruction publique à Brest,

 

L'instruction des enfants, dans les plus humbles couches, est très rudimentaire, relate le docteur Corre, dans son étude sur « l’instruction publique et les écoles à Brest, avant 1789 ». (*)

L'éducation est à peine ébauchée :

on peut dire que celle-ci se réduit à ce que le prêtre enseigne au cours du catéchisme et les leçons morales, passagères, accidentelles, n'ont que trop l'occasion d'être effacées par le mauvais exemple, au sein de maintes familles.

 

(*) Bulletin de la Société archéologique du Finistère. 1895.

 

Dans cette population brestoise, destinée, en si grande partie, à fournir à Sa Majesté d'excellents marins et soldats, les mœurs sont rudes et brutales ;

la famille est condamnée à vivre au contact presque permanent des militaires, à une dangereuse promiscuité avec des hommes de toute provenance, aux allures peu raffinées et aux sentiments d'ordinaire sans scrupules

— il n'y a point de casernes et des habitants sont obligés de partager avec les soldats leur logis, leur chambre, quelquefois leur lit unique !

 

Les petites filles restent à la maison, où elles grandissent sans être initiées à autre chose qu'aux menus travaux du ménage, heureux quand elles ne le sont aux habitudes du vice.

 

Les petits garçons vagabondent, crient, bataillent entre eux, en dépit des sévères ordonnances du lieutenant-général de police Avril :

« Trente livres d'amende contre les parents des enfants qui seront surpris à lancer des boules de neige ;

— ordre aux sergents de police de constituer prisonniers, à Pontaniou, les enfants qui seront trouvés se livrant à des jets de pierres ; — ordre aux sergents de police d'arrêter les enfants qui seraient trouvés faisant ordures autour de l'église de Saint-Louis, et de les conduire aux prisons de Pontaniou, où ils seront fouettés par trois différentes fois. »

 

L'audience de police du 16 mars 1723 nous apprend qu'il existe, à cette époque, plusieurs écoles à Brest, et nous révèle aussi qu'il y a déjà comme un germe de division entre classes, entre les bambins du commun peuple et ceux de la bourgeoisie,

 

Le substitut du procureur du Roi, Me Yves Millet, remontre, en effet, ce jour-là :

 

« Que les jeunes écoliers du quartier des Sept-Saints font une espèce de guerre à ceux de la haute ville, principalement aux sorties du catéchisme et des écoles publiques, ce qui fait que les enfants de la haute ville, poussés à bout par ceux du quartier des Sept-Saints qui sont, pour la plupart, mal élevés, sans éducation et de basse naissance, sont obligés de se défendre des poursuites importunes des enfants de la basse ville, tellement que, de part et d'autre on les voit tous les jours s'assembler, tant sur les glacis du Château, sur les remparts, au Champ-de-Bataille et dans différents autres endroits reculés de cette ville, pour se battre à coups de pierres qu'autrement ».

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Un enfant de onze ans a eu la jambe cassée d'un coup de pierre.

Il est temps de mettre fin à ces désordres.

 

Le bailli, M. de Kersauson, ordonne aux sergents de police d'arrêter et de conduire les batailleurs aux prisons de Pontaniou, aux parents et maîtres d’écoles de surveiller les enfants et d'empêcher qu'ils ne s'attroupent, sous peine de trois livres d'amende, au profit de l'hôpital.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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