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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 17 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

Les rues de Brest 11 mai 1922.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 11 mai 1922

 

RUE MONGE (Suite)

 

La Communauté se préoccupait, depuis plusieurs années de l'organisation d'une école publique et gratuite, quand cette initiative vint un vieil officier de marine, le lieutenant de vaisseau Jean-Louis de Hennot, qui, en 1740, sur le point de mourir, désireux d'accomplir une bonne œuvre, résolut de consacrer une partie de sa fortune à la création d'une, école des frères de la doctrine chrétienne, pour l'instruction des enfants du « menu peuple ».

 

Les frères de Saint-Yon, d'origine relativement récente, Jouissaient déjà d'une renommée très favorable ;

ils avaient des écoles fort appréciées en diverses villes du royaume ;

ils apportaient pour la première fois dans l’enseignement, primaire une règle, un programme systématique, nettement adaptés aux besoins des classes populaires, en même temps qu'ils lui donnaient une solide base éducative, celle des principes puisés dans l'idée chrétienne.

 

Les désirs de M. de Hennot ne pouvaient donc rencontrer dans l'opinion publique qu'un accueil enthousiaste et, la Communauté de ville lui d'autant plus à l'aise pour y satisfaire, que la vente des effets mobiliers du généreux légataire mit à sa disposition une somme de 6.075 livres.

 

Dès le mois de novembre 1743, elle fit l'acquisition, au prix de 3.813 livres, de la maison de la rue Charonnière « en face l'Escalier Neuf » et l’école des frères fut ouverte le 14 mars 1746.

 

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La Révolution entraîna, on le sait, la constitution civile du clergé.

Favorablement accueillie par la grande majorité de la population brestoise, elle le fut moins par nos frères des écoles chrétiennes qui ne voulurent plus assister à la grand-messe paroissiale, célébrée par des prêtres qui avaient juré fidélité au nouveau régime, et refusaient d'y conduire, suivant l'usage, les enfants confiés à leurs soins.

 

C’est alors que le Conseil général de la Commune, « considérant qu'il serait dangereux de confier plus longtemps l'éducation des enfants à des hommes dont le fanatisme se manifeste aussi publiquement », décida le renvoi des frères, dans sa séance du 26mars 1791.

 

En, en attendant les décrets de l'Assemblée nationale qui doivent fixer les bases de  l’enseignement public, la municipalité, soucieuse de « procurer à la jeunesse les premiers principes d'éducation d'un peuple libre », transforme l'école des frères en école publique, sous la direction des instituteurs Sabatier et Bourson, aux appointements de 1.200 livres.

 

Les frères redemandés à Brest en 1809, 1814 et, 1817 ne reprirent une existence officielle qu'en 1824.

 

Ils poursuivirent leur enseignement, jusqu'en 1880, date où M. Bergot prit la direction de l'école communale de la rue Monge.

 

RUE NEPTUNE

 

Cette rue, établie sur l'ancien quartier des Quatre-Vents qui n'était autrefois qu'un terrain inculte, bouleversé par des carrières, ne fut ouverte qu’à la fin du XVIIIe siècle et n'avait aucun nom.

 

Sur la demande des propriétaires des quelques maisons qu'on y voyait alors, le conseil municipal lui assigna, en 1802, celui de Neptune, pour commémorer le souvenir de l'une des statues du cours Dajot, dont la première pierre du piédestal venait d'être posée.

 

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Entre la rue Neptune et la rue Duguay-Trouin, s'élevait — il y a bien longtemps —

un rocher appelé la Pierre du Conseil.

Peut-être était-il ainsi nommé — dit Levot — parce que, placé sur un point culminant, il formait une sorte d'observatoire permettant aux marins de « prendre conseil » de l'état de la mer et de la direction des vents, avant de quitter le port.

 

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Le dispensaire de la rue Neptune fut construit en 1830, aux frais de la marine et de la guerre, sur le vaste terrain compris entre les rues Neptune et Traverse, acheté par la ville, en 1822, pour y établir la succursale de l'hospice.

 

Autrefois, les filles et femmes débauchées étaient reléguées et, traitées dans une maison bâtie dans la crique de Pontaniou, appelée La Madeleine ou Refuge royal.

 

La Communauté apporta toujours un soin particulier à sauvegarder l'apparence des bonnes mœurs, mais l'abondance des troupes à Brest favorisait l'industrie des filles de mauvaise, vie.

 

Dès 1683, les juges royaux signalent au Parlement que « la prostitution est montée à un tel point en la ville de Brest et aux environs, et le nombre des filles et femmes débauchées si multiplié, qu'outre celles-de la ville, elles vont parmi les genêts qui couvrent la plupart des champs d'alentour et mettent des enseignes aux hayes, le long des chemins pour se faire discerner à ceux qui les vont rechercher, pendant qu'elles sont cachées dans leurs retraites, occupées à leurs débauches infâmes... »

 

On les chasse de la ville, on les condamne au fouet, on les expose sons des écriteaux infamants, on les marque au fer rouge sur l'épaule, et l'on condamne ceux qui les hébergent, à trois mois de prison, « leurs lits, paillasses et accoutrements jetés sur le pavé et ensuite « bruslés » par les sergents de police, sans autre formalité. »

 

Les juges royaux obtiennent même de la Cour un arrêt, leur permettant de condamner au dernier supplice les prostituées qui n'ont pas gardé leur bannissement ou se trouvent en récidive, pour la troisième fois.

 

En entrant à la Madeleine, les femmes sont « rasées, châtiées, sur-le-champ, par le fouest et le carcan », puis mises au travail de la manufacture de toiles à voiles, établie par Seignelay, dans ce lieu, en 1684.

 

Mais, quelques rigoureuses que fussent ces mesures, elles ne réussirent jamais à conjurer le mal et à en arrêter le retour.

 

En 1732, les dames de Saint-Thomas de Villeneuve qui dirigeaient le Refuge firent construire sur le terrain, occupé par la direction et les ateliers des travaux hydrauliques, un grand corps de bâtiment à deux étages, donnant sur la rue du Carpont.

 

Cet établissement était disposé de manière à servir à la fois, de maison de correction, de retraite, d'éducation et de dispensaire.

Il fut entièrement consumé un dimanche gras, le 10 février 1782.

 

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Le feu fut mis, dit-on, par une détenue, nommée la belle Tamisier, bru du tambour de ville, que sa famille avait fait enfermer à la Madeleine, à cause de sa vie débauchée, et qui, à sa façon voulait fêter le carnaval.

 

À huit heures du soir, les recluses réunies dans la cour du Refuge, dansaient et chantaient le Port Mahon, chanson fort en vogue à cette époque.

Surexcitées par la danse et leurs rires, elles ne cessaient d'entonner d'un air provocateur :

« Le Port Mahon est pris, il est pris, il est pris ! … »

Et, en effet, le feu éclatait de toutes parts, réduisant bientôt en cendres l'établissement, les meubles et les vêtements de plus de cent pensionnaires.

 

Sur onze religieuses présentes, quatre périrent dans les flamines :

vingt-sept femmes y trouvèrent, la mort et plusieurs travailleurs furent grièvement blessés.

 

Après ce désastre, le personnel de la Madeleine fut transféré au lieu-dit de l'Armorique, dans une maison proche de la Cayenne, au fond de l'anse de Pontaniou, et ce nouveau Refuge fut supprimé, au mois de septembre 1792, par application de la loi sur les maisons religieuses.

 

Quant aux filles débauchées, on les interna au Château de Brest, où l'État payait leurs frais de traitement.

Lorsqu'elles devenaient trop nombreuses, on en dirigeait sur l'hôpital de Rennes.

 

Il en fut ainsi jusqu'en 1790, époque à laquelle un arrêté du conseil municipal prescrivit de les recevoir à l'hôpital civil.

 

Le dispensaire de la rue Neptune a été exhaussé d'un étage en 1889.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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