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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 19 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

Les rues de Brest 19.jpg

 

Sources : La Dépêche de Brest 1 juin 1922

 

RUE DU PETIT-MOULIN

 

Ce n'était, à l'origine, quand elle fut ouverte vers 1060, qu'une petite et courte ruelle qui s'étendait de la rue Monge a la place des Sept-Saints (carrefour actuel des rues du Petit-Moulin et Amiral Linois).

 

Elle s'appelait, rue Cariou, nom du médecin et ancien avocat au Parlement de Bretagne, Christophe Cariou, sieur de la Tour, qui était venu s'établir à Brest et y mourut le 30 décembre 1687.

 

De 1670 à 1680, elle fut prolongée jusqu'à la rue du Vieil-Escalier (du Couëdic), où se terminait alors la rue de Siam, mais ne tarda pas à être débaptisée.

 

Le nom de M. Cariou, en effet, était devenu antipathique.

On savait que, sans titre légal, l'ancien avocat était le conseil des PP. Jésuites, dans le procès soutenu par les religieux, en vue d'obtenir la réunion de l'église Saint-Louis à leur séminaire.

 

Les habitants nommèrent la rue Cariou : rue du Petit-Moulin.

 

Un vieux moulin datant, de 1550, s'élevait, alors, à l'entrée de la rue.

Plus tard, une maisonnette, connue sous le nom de « Petit-Moulin », fut construite sur son emplacement, et démolie en 1777.

Elle occupait, l'endroit portant actuellement le n° 101 de la rue de Siam.

 

Cette fraction de la rue du Petit-Moulin a été comprise dans la rue de Siam, lors de l'établissement, de la voie d'accès au pont national, inauguré le 23 juin 1861,

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Rue du Petit Moulin.jpg

 

L'arrêté du 5 messidor an II lui donna le nom de Basseville.

 

Hugon de Basseville était ce secrétaire de la légation française à Naples, sous la Convention, qui fut, chargé en 1793, de se rendre à Rome pour y protéger nos nationaux et de faire porter à tous les résidents français la cocarde tricolore.

Le lendemain, 13 janvier, à la vue des emblèmes républicains ;

la populace accueillit de ses huées Basseville, qui venait de sortir en voiture, avec sa femme, le poursuivit à coups de pierres et le força à se réfugier chez, le banquier Moulte dont la maison fut aussitôt assaillie.

Frappé d'un coup de rasoir au bas-ventre par un barbier, Basseville expira quelques heures après dans d'atroces souffrances.

 

À la nouvelle de ce tragique événement, la Convention décida qu'elle tirerait une vengeance éclatante de cette violation du droit des gens, et elle accorda à la veuve de Basseville une pension de 1.500 livres, réversible sur son fils, qu'elle adopta.

 

La rue du Petit-Moulin reprit son ancien nom, en 1811.

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Hugon de Basseville assassiné à Rome.jpg

 

RUE DE SIAM

 

Très peu de maisons bordaient la rue Saint-Pierre, quand son nom fut consacré par Vauban, dans son plan de 1694.

Elle devait son appellation à l'hôtel Saint-Pierre, construit en 1632 — aujourd'hui la préfecture maritime — dont nous reparlerons plus loin.

 

Mais, l'arrivée des ambassadeurs siamois à Brest, en 1686 et leur séjour à l'hôtel Saint-Pierre, furent un tel événement que le nom de Siam ne tarda pas à être employé et à alterner avec celui de Saint-Pierre.

Jusqu'en 1742, cette voie est mentionnée : rue de Siam, autrement dit de Saint-Pierre.

 

Un plan de 1762 divise la rue de Siam en trois parties :

1ère Siam, depuis la rue du Petit-Moulin, jusqu'à la rue Traverse ;

2° Saint-Pierre, jusqu'à la rue de la Rampe ;

3° rue de la Porte, jusqu'à la porte de Landerneau.

 

Le plan de Nicolin, de 1770, lui donne dans tout son parcours le nom de rue de Siam, mentionné exclusivement dans l'arrêté du 5 messidor an II qui l'appela : rue de la Loi.

 

C'est, en effet, dans la maison de cette rue, portant aujourd'hui le n° 24, que siégeait le tribunal du district, comme plus tard, le tribunal civil, jusqu'à son transfert, en 1820, dans la rue de la Rampe.

 

Le nom unique de Siam fut rétabli, le 5 novembre 1811, à l'ensemble de la rue qui aboutit au pont national.

 

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C'est le 18 juin 1686 que les vaisseaux l'Oiseau et la Maligne amenèrent à Brest trois ambassadeurs du roi de Siam, accompagnés de six mandarins, trois interprètes, deux secrétaires et une vingtaine de domestiques.

 

En dehors de nombreux présents, l'ambassade apportait la lettre du roi de Siam à Louis XIV.

Elle était écrite sur une lame d'or et renfermée dans trois boîtes :

La première était de bois verni du Japon, la deuxième d'argent et la troisième d'or.

Toutes ces cassettes étaient recouvertes d'un brocart d'or.

La « machine » ayant été endommagée dans le transbordement, les ambassadeurs ne, voulurent descendre à terre, que quand elle aurait été réparée, ce qui obligea l'intendant Desclouzeaux, à leur envoyer des menuisiers, des peintres, des sculpteurs et des doreurs.

 

La réparation terminée, ils furent reçus solennellement à l'hôtel Saint-Pierre et le premier ambassadeur ne fut pas plus tôt dans la chambre, qu'on lui avait destinée, « qu'il suspendit la machine, à une hauteur fort élevée au-dessus de, lui.

Aucun des Siamois, par respect pour la lettre, ne prit de chambre au-dessus de celle du premier ambassadeur. »

 

Louis XIV qui voulait, en les faisant venir à Paris par terre, rendre plus excessive et plus éclatante la mission dont ils étaient chargés, avait envoyé, pour les accompagner, deux gentilshommes de sa chambre, MM. Torf et de Silly. ,

 

Les ambassadeurs durent donc, à grand regret, se séparer de la machine dont le transport par terre eût été difficile et incommode.

Pour les y faire consentir, M. Desclouzeaux leur avait représenté, de la part de Seignelay, que ce mode d'envoi n'était pas séant, et qu’il convenait mieux qu'ils envoyassent la machine avec les présents et leurs bagages, par la voie du Havre ; que, quant à la lettre, ils pouvaient la porter eux-mêmes, et qu'à leur arrivée à Paris, où la machine, serait avant eux, ils la replaceraient pour la présenter au roi.

 

Partis de Brest le 9 juillet, ils trouvèrent à Lanvéoc des litières et des chevaux, et rien ne fut épargné pour faire la conquête des envoyés de Siam.

Partout où ils passèrent, les villes ouvraient leurs portes avec un pompeux empressement, elles avaient le mot d'ordre ; partout la foule se pressait pour les voir, les dames pour les faire danser, le magistrat pour les haranguer.

 

Les soins tout particuliers furent donnés à leur table par le zélé M. Torf ;

il avait, à cet égard, les prescriptions les plus formelles.

Il devait s'assurer chez les hôtes de la France, par le confort, et, le délicat, par la recherche et, l'abondance, par tous les moyens gastronomiques possibles, la reconnaissance de l'estomac, qu'on savait souvent la plus sûre et la plus durable.

 

Et à ce propos, M. Gallois reproduit, dans le Moniteur universel du 29 août 1861, le menu d'une journée ordinaire qui ne laisse aucun doute sur le zélé de M. Torf à remplir la partie gastronomique de sa mission.

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Service de table Ambassadeurs de Siam.jpg

 

Le total de la dépense de cette journée ordinaire s'élève, à la somme assez considérable pour l'époque,

de 262 livres 10 sols.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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