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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 20 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

Les rues de Brest 20.jpg

 

Sources : La Dépêche de Brest 8 juin 1922

 

RUE DE SIAM (Suite)

 

La Préfecture maritime fut construite vers la fin du XVIIe siècle, sur le terrain de Parc-Bras, qui s'étendait de la place Sadi Carnot à la rue de la Rampe.

 

C'était alors l'une des plus importantes maisons de la cité ;

elle appartenait à Charles de Castel, seigneur de Saint-Pierre, aide de camp du maréchal Vauban, et était connue sous le nom d'Hôtel Saint-Pierre.

Vauban y descendait chaque fois qu'il venait à Brest et, quand, en mars 1695, il fut obligé de séjourner à Roscanvel, l'intendant, qui rendait compte au ministre de ce déplacement, ajoutait :

« Il ne trouvera pas en ce pays les agréments de la maison de Mme de Saint-Pierre ».

 

L'année suivante, M. de Saint-Pierre quittait Brest pour servir à la Cour et, à partir de ce moment, l'hôtel fut fréquemment loué par la Communauté de ville pour les officiers généraux, les commandants de la province et leur nombreuse suite, dont elle avait la lourde charge d'assurer le logement.

 

En 1746, la maison est la propriété du fils de M. de Saint-Pierre, le marquis de Crèvecœur, capitaine des vaisseaux du roi, premier écuyer de la duchesse d'Orléans, et est alors appelée : Hôtel Crèvecœur.

 

Quelques années plus tard, Mme de Crèvecœur, devenue veuve, offrait sa maison, pour 36.000 livres à la Communauté, qui recherchait un hôtel de ville.

 

Si les finances municipales avaient été plus prospères, l'affaire eût été immédiatement conclue ;

mais la ville atermoyait et, pendant ce temps, la marine qui, elle aussi, cherchait un immeuble, acquit l'hôtel Saint-Pierre, pour 40.000 livres, par acte, du 10 août 1752.

 

L'état des lieux comportait à cette époque :

1° Un grand corps de logis formé d’un rez-de-chaussée, deux étages et mansardes, de 120 pieds de face sur 33 de profondeur ;

2° Une cour située sur la rue de Siam ;

3° Des deux côtés de la cour : une cuisine, une écurie et un pavillon ayant au bas une remise et au-dessus une chambre et deux petits cabinets ;

 

4° De petites maisons situées au-devant de la basse-cour, dans laquelle sont : un appentis, une rôtisserie, une glacière et un four ;

5° Un jardin ou terrasse, au midi de l'hôtel, de 286 pieds de longueur sur 120 de largeur ;

6° Un jardin potager de 180 pieds de long sur 65 de profondeur.

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L'hôtel Saint-Pierre servit tout d'abord de caserne aux gardes-marine et, pour augmenter la place d'armes, on acheta, en 1756, le terrain sur lequel ont été élevés l'aile gauche et les bureaux de la préfecture maritime.

 

Les gardes-marine n'y restèrent pas longtemps, car l'hôtel Saint-Pierre dut être converti en hôpital, lors de la terrible épidémie de typhus de 1757.

 

Le 23 novembre 1757, l'escadre du comte du Bois de la Motte arrivait de Luisbourg avec 4.000 matelots atteinte du « mal contagieux ».

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Dans l'affolement général, tous les malades qui peuvent être débarqués sont transportés « sans précautions, en chemise seulement, par un temps froid et pluvieux, dans des chaloupes qui les conduisent à terre, sans qu'il y eût de dépôts pour les recevoir ».

 

D'accord avec la marine et la municipalité, il est décidé que, outre les hôpitaux, on mettra à la disposition des malades une partie des églises, les casernes de Recouvrance, la maison des Billards (en face de l'hospice civil), le couvent des Carmes, le séminaire des Jésuites et l'hôtel des gardes de la marine; des baraquements en bois sont construits dans le Petit-Couvent,

 

Les médecins discutent sur la nature de la maladie, mais, écrit, le maire Martret, « ce qu'il y a de certain, c'est que les pauvres malades meurent pour ainsi dire comme des mouches ».

 

L'épidémie gagne de plus en plus la population urbaine.

Pour ne pas alarmer le public, il est décidé « qu'on ne sonnera aucune cloche, tant pour accompagner le bon Dieu que pour agonie, annoncer la mort ou enterrement ; aucune tenture ne sera posée ni à la porte des morts, ni à celle des églises ».

 

On voudrait retirer les malades des maisons pour éviter une plus grandie extension de l'épidémie, mais les pauvres gens ont de l'hôpital une telle horreur qu'il faut faire des visites domiciliaires pour les arracher de leur grabat, et cependant « les voisins qui n'avertissent pas de la présence des malades sont condamnés à faire le service d'infirmier ».

 

Dès le début de l'épidémie, pour suppléer au manque d'infirmiers, on avait employé les forçats à qui l'on promit la liberté : il en mourut 109 en décembre, 290 on janvier.

 

« Les pauvres forçats, dit le docteur Fonsagrives, chargés de l'opération dégoûtante et périlleuse du nettoyage des cales des vaisseaux, au fond desquelles on devait trouver non seulement une pourriture infecte, mais encore un certain nombre de cadavres, étaient, considérés, par avance, comme des pestiférés, séquestrés dans un coin isolé de la chiourme ;

ils travaillaient à leur besogne méphitique avec des vêtements spéciaux qu'ils déposaient avant de rentrer au bagne, recevaient une nourriture particulière et obtenaient, à titre de préservatif hygiénique et d'allocation supplémentaire, une gousse d'ail par jour et une ration d'eau-de-vie ».

 

Huit cent cinquante de ces misérables furent atteints, en même temps, par le fléau.

 

Vers la fin de février 1758, le mal cessa : il était mort à Brest plus de dix mille malades.

 

À côté des médecins de marine et des chirurgiens, accourus en grand nombre de toute la Bretagne, à l'appel de l'intendant, le maire de Brest, Martret, auquel les États firent hommage d'une bourse de jetons et nos magistrats municipaux rivalisèrent, de zèle et d'abnégation dans la lutte contre le fléau.

L'un d'eux, le procureur-syndic Malassis, fut l'une des premières victimes de l'épidémie.

 

Deux conseillers : Mondenner et Le Coat, de Saint-Haouen, furent, les seuls qui, en s'abstenant d'assister aux séances de la Communauté et de prendra part aux visites domiciliaires, ne firent pas leur devoir :

Ils furent destitués et remplacés au sein du corps municipal.

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Vue de Louisbourg.

En 1757, Dubois de La Motte concentre une importante escadre à Louisbourg ce qui sauve provisoirement la ville d'un débarquement anglais.

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En 1769, les gardes-marine allèrent occuper l'ancien séminaire royal des aumôniers des vaisseaux, devenu libre par suite de l'expulsion des Jésuites, et le régiment de Beauce qui y était caserné fut évacué sur l'hôtel Saint-Pierre.

 

Deux ans plus tard, cette demeure fut attribuée au comte de Roquefeuil, commandant de la marine, et ce fut son successeur, le comte de Breugnon, qui y fit édifier une chapelle en 1773.

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Avec la Révolution, l'hôtel Saint-Pierre devient l’Hôtel de la République et sert de résidence aux Représentants du Peuple.

 

On rapporte que l'un d'eux, Prieur de la Marne, à la nouvelle des événements du 9 thermidor et de la mort, de son ami Robespierre, mutila, dans un mouvement de colère, le buste de La Motte-Piquet, dont le sculpteur Balingant avait fait don aux officiers du port de Brest, et qui, par ordre du ministre, avait été placé, en 1791, dans le salon Tourville de l'hôtel du commandant de la marine.

 

L'ancien hôtel Saint-Pierre est alors considéré comme propriété nationale, malgré les termes du décret du 12 mars 1791, qui « conservait, à la marine la jouissance des maisons et terrains qu'elle possédait », et la municipalité cherche à l'acquérir, en 1793, pour y réunir :

L'hôtel de ville, les tribunaux de district et de commerce, la justice de paix, l'arsenal de la commune, le dépôt des pompes à incendie et une maison d'arrêt.

 

Le tribunal correctionnel et le citoyen Mocaër, chargé de l'instruction contre les membres de l'ex-tribunal révolutionnaire, vinrent s'y installer en 1795.

Mais, l'année suivante, le premier étage de l'immeuble fut mis à la disposition du vice-amiral Morard de Galles, commandant des armes, et, le 23 septembre. 1797, l'hôtel Saint-Pierre fut définitivement réservé aux commandants en chef du port de Brest.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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