1922
Les rues de Brest
par Ollivier LODEL
- Article 22 -
Auteur : Ollivier Lodel (*)
Sources : La Dépêche de Brest 6 juillet 1922
RUE TRAVERSE
Nommée rue de l'Hôpital, sur le plan de 1694, la rue Traverse commençait à la rue de Siam et se terminait rue du Château, au mur de clôture de l'hôpital.
Son prolongement jusqu'au cours Dajot ne fut effectué que beaucoup plus tard, vers 1770, lors du comblement des carrières et l'établissement d'une promenade le long du rempart qui borde la rade.
La rampe qui conduit de la rue de Siam à la rue Suffren, aboutissait à un escalier permettant d'accéder au vallon de la Villeneuve, là où se voit aujourd'hui la maison n° 68, de la rue Louis Pasteur.
Désignée sous le nom de rue Traverse-de-l’Hospice, par arrêté du 5 messidor an II, et de rue Traverse-de-l’Hôpital, en 1811, elle ne tarda pas à être appelée par abréviation : rue Traverse.
C'est dans la rue Traverse, près de la porte d'entrée actuelle de la Maternité, que fut établi, en 1827,
« le tour pour les enfants trouvés et abandonnés ».
Le tour qui ne devint obligatoire en France qu'en 1811, existait à l'hospice de Brest, dès 1696, dans la rue Saint-Yves, près de l'ancienne porte de l'hôpital.
Il consistait en une petite fenêtre, percée dans le mur et garnie de deux portes, l'une extérieure, et l'autre intérieure.
Entre ces deux portes et dans l'épaisseur du mur, se trouvait un berceau.
Dès qu'une personne, venant déposer un enfant, ouvrait la porte extérieure, le mouvement même qu'elle lui donnait agitait une sonnette et ce bruit appelait la religieuse, de garde qui devait toujours se tenir dans la chambre intérieure.
Le vieux tour de la rue Saint-Yves fut maçonné en 1827 et transféré dans la rue Traverse.
Considérés par beaucoup d'économistes comme immoraux, les tours ne survécurent pas, dans la plupart des départements, à la grande enquête de 1861 et celui de Brest fut définitivement fermé le 1er août 1864.
On y avait recueilli, depuis 1820, 12.720 enfants.
On trouva alors, pendant quelque temps, nombre de ces petits êtres abandonnés à la pitié et à la charité publiques, sous le porche des églises, sur les marches de l'hospice, dans des entrées de maisons et même dans la guérite du factionnaire qui, depuis 1859, était de garde chaque nuit près du tour, et avait pour consigne de dire à la personne qui venait pour déposer un enfant, d'aller le porter au bureau d'admission établi à l'hospice.
L'aventure arriva un soir de septembre 1864 (le tour était fermé depuis un mois) à un factionnaire qui, s'étant éloigné, quelques instants, de son poste pour voir passer la retraite dans la rue du Château, trouva, à son retour, un nouveau-né dans sa guérite.
Il fut inscrit à l'état civil sous le nom de Danguérite.
Le nom de l'enfant trouvé, quand il ne portait sur lui ni billet, ni marque distinctive, était laissé au choix de l'employé chargé de ce soin et M. Cuzent a, dans son « Histoire de l'hospice civil » relevé sur les matricules quelques-uns de ces noms fantaisistes, tels :
Marie Peca et Joseph Dille (Pécadille) ; Jean Bla, Léon Gados (Blagados) ; Emmanuel Droma, Aline Daire (Dromadaire) ; Marie Troisi, dont les langes étaient marqués I.I.I. ; Armand Qautrem, le linge marqué M. M. M. M. ;
Marie Deuxcroix, le linge marqué de deux croix ; Sophie Dixmille, inscrite sous le n° 10.000 :
Julien Dimitun, inscrit sous le n° 10.001, etc.
À lire sur Retro29 : 1872 – Les enfants assistés
Enfants abandonnés et orphelins entretenus par l'hôpital, étaient autrefois employés à diverses besognes que nous croyons devoir relater, car elles apportent leur contribution à l'histoire de nos anciennes coutumes locales.
Jadis, quand une famille perdait un de ses membres, elle faisait bannir, annoncer à tous les carrefours de la ville, par des garçons de l'hospice, munis de clochettes, les noms et qualités du défunt.
Sur la demande de l'autorité municipale cette publication des décès, fut supprimée en 1848.
Les enfants des deux sexes assistaient également aux convois funèbres et leur nombre variait selon le désir des familles, ou la classe plus ou moins luxueuse de la cérémonie ;
les filles, vêtues de capes noires, étaient dites pleureuses.
Après chaque cérémonie funèbre et au retour du cimetière, les enfants se rendaient à la maison mortuaire, où on leur donnait à chacun un morceau de pain blanc beurré, qu'ils devaient rapporter intact à l'hospice.
Plus tard, le pain et le beurre furent directement envoyés à l'hôpital et, quand cet usage tomba en désuétude, on se borna à payer les enfants qui assistaient aux enterrements :
C'était un revenu annuel, pour l'hospice, d'environ 3.000 francs.
Une autre coutume, qui datait de près de deux siècles, quand elle disparut, en 1870, était celle d'employer les enfants de l'hospice, comme crieurs dans les ventes publiques.
Le garçon en permanence devant la porte de la maison où s'effectuait la vente, attirait l'attention des passants par ses annonces monotones et modulées, sur un ton bien connu de la population d'alors.
C'est en 1826, sur l'emplacement des baraques dont l'une servait, de morgue et à travers lesquelles un étroit passage donnait accès à l'hospice, du côté de la rue Traverse, que fut édifié le pavillon servant aujourd'hui d'entrée principale et où se trouvent réunis les bureaux de l'administration.
La même année, furent achevés les bâtiments de la Maternité et du Dispensaire, édifiés sur le vaste terrain compris entre les rues Traverse et Neptune, que la commission hospitalière avait eu l'autorisation d'acquérir avec le produit de la vente de l'ancien jardin des Carmes.
Au n° 1 de l'impasse de la rue Traverse qui se terminait autrefois à un parapet dominant le cours Dajot,
était l'institution Saint-Georges, qui fut, converti en ambulance pendant la guerre de 1870.
La pension Lacombe et Goëz était, installée au n° 13 ; elle devint l'institution Goëz, de grande réputation, pour ses succès dans la préparation aux grandes écoles et particulièrement à l'école Navale.
Le cercle maritime se trouvait au n° 25 (aujourd'hui 39) et au n° 23, était l'un des deux seuls cabinets dentaires que Brest comptait en 1835.
Il était tenu par Mme Soutanie, chirurgien-dentiste, dont l'adresse dans l'annuaire était suivie de l'annonce suivante :
« Elle prévient, MM. les habitants qu'elle fait toutes les opérations relatives à l'art du dentiste.
Elle extrait, cautérise, plombe les dents ; nettoie, la bouche et pose des dents artificielles.
Jalouse de mériter les suffrages, elle mettra tous ses soins à satisfaire les personnes qui l'honoreront de leur confiance.
Elle extrait gratis les dents aux indigents, depuis 3 heures jusqu'à 4 heures ».
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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel
Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003
Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.
En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.
Jusqu'en 1939
Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.
Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.
Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.
Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »
Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.
En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.
Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.
Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».
Conférencier remarquable
Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.
Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.
Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .