1922
Les rues de Brest
par Ollivier LODEL
- Article 23 -
Auteur : Ollivier Lodel (*)
Sources : La Dépêche de Brest 20 juillet 1922
RUE VOLTAIRE
La rue Voltaire, ainsi appelée depuis 1792, portait autrefois le nom de Saint-Sébastien, qui est resté gravé dans le granit de la maison sise 4, rue Voltaire.
Elle avait été tracée, en effet, le long d'un chemin qui, commençant dans l'ancienne ville,
au quartier des Quatre-Vents (rue Neptune), longeait la rade, passait en se courbant vers la gauche, sous la traverse voûtée du bastion de Daoulas (au nord de l'ancienne, poudrière du cours Dajot) et aboutissait à l'avenue de Kéroriou, après avoir traversé un cimetière, sur le glacis au milieu duquel s'élevait la chapelle Saint-Sébastien.
En 1803, la sous-préfecture fut, installée au n° 5 de la rue Voltaire et, jusqu'en 1867, la poste aux lettres se trouvait, au n° 4, à l'encoignure des rues Voltaire et Jean Macé.
C'est de là que partait, tous les jours, à 7 heures du matin, la malle-poste pour Paris, par Landerneau, Morlaix,
Saint-Brieuc, Rennes, Laval, Alençon, Dreux et Versailles, avec 41 relais.
Le voyage de Brest à Paris s'effectuait en 53 heures et le retour en 48.
La malle-poste comprenait trois places d'intérieur, mais, le mardi et le samedi, on ne pouvait accorder que deux places pour Paris, la troisième étant réservée pour le bureau de Rennes.
Le poids du bagage de chaque voyageur ne pouvait excéder 25 kilogrammes et les malles ne devaient pas mesurer plus de 0.70 de longueur, 0.40 de largeur et 0.35 de hauteur.
Le prix des places était, tarifé à raison de 1.75 par myriamètre (*), ce qui portait le prix du voyage Brest-Paris à 108 francs.
(*) Le myriamètre (abrégé « myr. », de myriade = 10 000) est une ancienne unité de mesure adoptée sous la Révolution.
D'une valeur de dix mille mètres (10 km), elle correspondait approximativement à trois lieues.
Elle était d'un usage assez courant au XIXe siècle, par exemple dans les guides de voyage ou les descriptions géographiques.
Le bureau de la poste fut transféré, en 1867, au n° 17 de la rue Voltaire ;
puis, en 1878, au n° 15, de la rue Traverse, où il demeura, jusqu'en 1890,
date de son installation dans l'ancien hôtel Lamarque, à l'angle des rues du Château et d'Aiguillon.
Dans la rue Voltaire était l'institution Faure, fondée le 15 octobre 1833, par M. Faure, licencié ès sciences.
Elle devint, la pension Roudaut et, plus tard, le premier collège Joinville.
On sait que grâce à l'activité de M. Lettré, maire de Brest, une ordonnance royale du 29 janvier 1839 créa dans notre ville, un collège de première classe qui fut placé sous le haut patronage du prince de Joinville, fils du roi, et à cette époque capitaine de vaisseau dans la marine française.
L'inauguration solennelle eut lieu, le 7 octobre suivant, dans les bâtiments de la pension Roudaut, dont l'une des façades occupait l'emplacement des maisons n° 1 à 7 de la rue Traverse actuelle qui, avant la construction de l'escalier, se terminait à un parapet.
L'autre façade donnait sur le cours Dajot et, à l'intérieur, une grande cour rectangulaire, plantée d'arbres, servait pour la récréation des élèves.
Une porte-cochère, au-dessus de laquelle brillait, en lettres d'or l'inscription :
« Collège Joinville », clôturait, sur la rue Voltaire, l'impasse de la rue Traverse qui formait une sorte de cour d'honneur au collège.
Cet établissement était insuffisant et n'avait, du reste, été acquis par la ville, qu'à titre provisoire.
Elle acheta, en 1844, pour 32.500 francs, une partie des terrains militaires dits du « Petit Couvent » et l'inauguration du nouveau collège devait avoir lieu pour la rentrée, des classes d'octobre 1848 en présence, du prince de Joinville, quand, au mois de février, éclata la Révolution qui renversait Louis-Philippe et instaurait, la seconde République.
La municipalité profita des événements pour obtenir la transformation de son collège en lycée ;
elle fut accordée par décret du 28 septembre 1848, et le 3 octobre suivant, une imposante cérémonie marquait l'inauguration du lycée de Brest.
Le Palais de Justice de la rue Voltaire fut édifié en 1845.
C'est dans le logement affecté au tribunal révolutionnaire — dans une maison de la rue de Siam portant aujourd'hui le n° 24 — que le tribunal civil siégea jusqu'en 1830, « un indigne galetas » (*), écrit le procureur du roi de Keranflech, au maire de Brest, le 6 février 1829.
« Les membres du tribunal sont enfin décidés à faire tout ce qui dépendra d'eux pour obtenir la construction
d'un Palais de Justice, car je ne saurais dire combien la dignité de la justice a à souffrir de l'indécence de ce local. »
(*) Galetas : nom masculin (de Galata, nom d'une tour, à Constantinople, qui dominait la ville)
Littéraire. Logement situé dans les combles ; logement misérable, sordide.
La municipalité partage l'avis des juges et, dans sa séance du 1er mai, affirme :
« qu'il y a une sorte de honte à confesser à l'étranger qui vient visiter notre ville et son grand port
qu'il n'y a pour Palais de Justice qu'une chambre, garnie sans décence ».
Bien qu'elle n'y soit pas obligée — le tribunal devant être construit aux frais du département — elle décide, de concourir pour un tiers dans la dépense et désigne comme terrain, propre à l'emplacement, du palais de justice, l'ancien jardin des Vêpres (rue Foy) comportant une façade de 25 mètres sur la rue Voltaire.
D'autres projets furent mis à l'étude, entre autres celui d'édifier le tribunal dans le Petit-Couvent,
à l'angle de la rue d'Aiguillon et de la rue du Château.
Un seul fut retenu et le Palais de Justice, dû aux lignes sévères de l'architecte Bigot, fut construit sur le terrain dit
« jardin de l'Observatoire » qui avait fait retour au domaine, après avoir été acheté par la marine, en 1783, pour y établir, un observatoire de la marine.
Entre temps, le tribunal avait, été transféré de la rue de Siam « en face les Portes » dans la maison Holley.
RUE DE LA VOUTE
La rue de la Voûte, fut ouverte vers 1691 sous le nom de Petite rue vers la Corderie.
C'était un étroit passage qui conduisait à la Corderie, établie entre les rues Kéravel et Louis Pasteur actuelles, depuis l'endroit occupé par l'horloge du port jusqu'à l'angle de la rue et de la place Marcellin Berthelot.
Nous avons vu que ce bâtiment appelé Vieille Corderie, lors de la construction en 1687 de la corderie basse dans l'intérieur de l'arsenal, fut consumé par un incendie le 30 janvier 1744.
La corderie passait au-dessus de la ruelle, où on construisit un escalier voûté, en 1687, pour mettre en communication la ville basse et le quartier Kéravel.
L'escalier fut reconstruit en 1719, et c'est depuis cette époque que, comme la rue et le prolongement de celle-ci jusqu'à la rue de l'Égout, il a pris le nom qu'ils portent l'un et l'autre.
LE COURS DAJOT
Ce fut au mois de juillet 1769 qu'on commença, sur la proposition et les plans de M. Dajot, directeur des fortifications, l'établissement de la belle promenade qui porte son nom.
Des carrières qui appartenaient aux dames religieuses du Petit-Couvent et à un nommé Labiche, des jardins et des champs en friche, en occupaient, l'emplacement.
Les rochers sur lesquels sont percées les rues d'Aiguillon et Traverse déclivaient jusqu'au rempart.
À l'extrémité de la fortification, là où se, trouve l'ancienne poudrière, était une vaste pépinière appelée,
la Pépinière du Roi, ce qui fit donner au corps de garde du haut du cours le nom de poste de la Pépinière.
Les soldats de la garnison, les pauvres de la ville, les forçats coopérèrent, aux travaux de remblai et d'aplanissement, et, en 1771, on commença la plantation, mais la disette des finances municipales fit suspendre tous travaux en 1775.
La promenade s'arrêtait alors au niveau de l'extrémité de la rue Voltaire et plusieurs années devaient s'écouler avant qu'on ne la terminât.
Ce n'est, en effet, qu'en 1800 que le maire Pouliquen, soucieux d'embellir la ville « et de procurer à ses concitoyens des promenades où ils puissent aller se défatiguer de leurs travaux journaliers et y respirer un air pur et serein »,
décida que le cours de la Réunion (ainsi appelé depuis 1793) serait prolongé, d'après les plans de Dajot, jusqu'au mur du Château.
La municipalité avait, d'ailleurs, obtenu le gracieux concours de la marine.
Le citoyen Caffarelli, préfet maritime à Brest, avait mis à la disposition de la ville plusieurs couples de forçats avec les garde-chiourmes nécessaires à leur garde, et le citoyen Laurent, directeur du jardin botanique, avait offert de s'occuper du choix des arbres et de leur plantation.
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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel
Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003
Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.
En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.
Jusqu'en 1939
Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.
Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.
Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.
Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »
Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.
En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.
Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.
Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».
Conférencier remarquable
Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.
Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.
Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .