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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 24 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

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Sources : La Dépêche de Brest 3 août 1922

 

Le Cours Dajot (Suite)

 

Dans sa sollicitude pour les embellissements de la cité, le maire Pouliquen avait sollicité du gouvernement consulaire deux statues ou groupes qui pussent ajouter à la décoration de la promenade.

Le ministre Chaptal, désireux de propager les arts en province, accueillit favorablement cette demande, et, le 4 avril 1801, il faisait savoir qu'il mettait à la disposition de la ville de Brest deux statues en marbre, de Coysevox, retirées du musée des monuments français.

« L'une d'elles, disait-il, est un Fleuve assis sur un cheval marin, et l'autre une Rivière qui féconde la terre et provoque la végétation, exprimée par l'Amour enfant, tenant une corne d'abondance arrosée des eaux qui coulent d'un vase sur lequel cette figue est appuyée. »

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Antoine Coysevox

 

Au mois de septembre suivant, le ministre, sur les instances tant de son collègue Forfait que des députés du Finistère, accorda à la ville deux nouveaux groupes :

une Amphitrite assise sur un dauphin, sur lequel est appuyé un Amour et un Actéon poursuivant un cerf.

 

Ces statues, qui ornaient la grande cour du château de Versailles et la cascade de Marly, furent transportées au Havre et embarquées sur un navire à destination de Brest, mais on n'attendit pas leur arrivée pour en préparer le placement.

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La première pierre du piédestal de la statue du bas du Cours Dajot fut posée le premier vendémiaire au X

(23 septembre 1801), anniversaire de la fondation de la République.

 

Ce jour-là, M. Caffarelli, Préfet maritime, l'Amiral Villaret-Joyeuse, les généraux et les autorités civiles se réunirent, à l'Hôtel-de-ville, près du Maire qui les avait invités à la cérémonie.

 

À dix heures, un imposant cortège sortit de la mairie et son arrivée sur la promenade fut saluée par l'ouverture de la Bataille de Marengo, à laquelle succédèrent des discours patriotiques et l'Hymne de la Liberté, chanté par les artistes du théâtre.

 

Puis, le préfet maritime déposa sous la première pierre du piédestal de la statue de la Rivière une boîte en plomb qui renfermait, avec la constitution de, l'an VIII et diverses pièces de monnaie du type républicain, une table en cuivre portant l'inscription suivante :

 

Donné par le gouvernement à la Ville de Brest.

Bonaparte, Cambacérès, Le Brun, consuls de la République.

Chaptal, ministre de l'Intérieur.

Rudler, Préfet du Finistère.

La Paquerie, Sous-Préfet de Brest.

Pouliquen, Maire.

Guilhem Ainé, Lamartinière, Le Breton, Adjoints.

 

Et sur le revers :

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La première pierre a été posée par le citoyen Joseph Caffarelli, conseiller d'État, Préfet Maritime à Brest,

le 1er vendémiaire an X de la République française.

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Deux mois après, le 18 brumaire (9 novembre 1801), jour de la fête de la Paix, la première pierre du second piédestal, au haut du Cours, fut posée avec le même cérémonial, par le général Gravina, commandant l'armée navale, espagnole, mouillée sur notre rade.

 

La boîte en plomb contenait .comme la précédente une table de cuivre ; sur le droit, se lisait la même inscription que sur la première, mais sur le revers étaient, gravés les titres du général Gravina et la date du 18 brumaire.

Au lieu de la Constitution de l'an VIII, on y avait renfermé les traités de paix conclus entre la République française, l'Angleterre, la Russie, la Sublime-Porte (*) et le Portugal.

 

(*) Wikipédia

En 1536, l'ambassade envoyée par le roi de France François 1er, passe sous cette porte appelée par les Ottomans « la porte élevée » ou « noble », nom qui, par le truchement des drogmans, devient en français la Sublime Porte.

Le français étant alors la langue diplomatique internationale en Europe, ce terme est repris tel quel (donc dans sa forme française) par toutes les chancelleries et sera par la suite souvent utilisé en langage diplomatique et dans les traités pour désigner le gouvernement ottoman, mais aussi, par métonymie, la ville de Constantinople, gardienne des détroits, et l'Empire ottoman lui-même en tant qu'État.

La ville sera renommée Istanbul dans les autres langues après 1936 et le transfert du siège du gouvernement turc à Ankara fera que la désignation de Sublime Porte tombe dès lors en désuétude.

 

Les statues arrivèrent à Brest peu de temps après.

La Rivière et Neptune furent placés aux extrémités du Cours.

 

Quant à l'Actéon, qui devait orner le Champ de Bataille et être posé près de l'Arbre de la Liberté, il fut réclamé par les habitants de Recouvrance qui voulaient avoir leur part de la munificence du gouvernement, et demandaient que la statue fût élevée, sur la place Saint-Sauveur.

 

Déposé provisoirement dans la cour de l'atelier de charité, en face l'église, l’Actéon y resta jusqu'en 1810, époque où il fut transporté sur le marché Saint-Louis, au-dessus de la fontaine, que la vasque en pierre de taille, dans le bâtiment, central des Halles, a remplacée.

 

Dès 1820, le sculpteur en chef de la marine Collet signalait « l'état affreux de la statue et sa restauration impossible ».

 

Actéon, privé de ses bras, de ses jambes, de son nez, se trouve actuellement, dans le vestibule de la bibliothèque municipale ; il ne présente plus qu'un torse, suffisant néanmoins pour donner une idée de la beauté de l'œuvre de celui qui avait tant ajouté à l'ornement des jardins de Marly, de Versailles et des Tuileries.

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La quatrième Statue, Amphitrite, fut mise, par, la ville, à la disposition de la marine, en témoignage de la reconnaissance qu'elle devait au préfet, maritime Caffarelli qui lui avait épargné une dépense de 8.000 francs, en faisant exécuter les fondations, les piédestaux et la restauration des statues du Cours.

 

Elle fut érigée, en l'an VIII, sur la place du Magasin général de l'Arsenal.

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La fontaine de la rue du Cours Dajot fut établie, en 1801, « pour que les enfants puissent s'y désaltérer et, au besoin, offrir un secours prompt dans cette partie de la ville, contre les incendies que fait craindre le voisinage de la poudrière, placée à l'extrémité de la promenade ».

 

La même année, le maire obtient du commandant de la place le service quotidien, « du Coup de canon du matin à celui du soir », de deux hommes de la Compagnie des vétérans, qui avaient, pour mission d'empêcher toutes dégradations à la promenade et, pour cette surveillance, la ville octroie à la Compagnie une gratification mensuelle de 40 livres.

 

« Ces citoyens sont armés d'une hallebarde afin de pouvoir être reconnus du public.

Ils doivent se promener en tous sens, sur le Cours, s'opposer aux dégradations qu'on voudrait, commettre, arrêter les personnes qui s'y livreraient et les conduire aux postes les plus voisins. »

 

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Nos grands-parents jouissaient, il y a quelque soixante ans, d'un concert quotidien sur le cours Dajot, ce qui portait préjudice aux études des lycéens, s'il faut en croire les doléances exprimées dans le journal « l'Armoricaine »

du 4 novembre 1845 :

« Tous les jours, de 3 à 4 heures du soir, les musiques exécutent des morceaux d'harmonie, sur le cours Dajot,

en face des classes et salles d'études du collège Joinville.

Plusieurs pères de famille nous prient de signaler l'inconvénient qui résulte pour les élèves d'une distraction aussi puissante : les devoirs ne se font pas, l'attention ne peut être soutenue, et, bien certainement nos airs populaires :

Vivent le vin, l'amour et le tabac, ou Au plaisir, à la folie, etc., doivent l'emporter en attraits sur de froides dissertations grecques ou latines.

Puisque des considérations futiles ont seules motivé l'envoi des musiques sur le cours Dajot, ne serait-il pas au moins utile qu'on les plaçât sur le plateau faisant face au Gymnase ?

Il ne résulterait plus de perturbations dans les études de nos enfants, et cette mesure nous ferait plus patiemment attendre l'époque plus éloignée où l'on assignera de nouveau aux musiques militaires la place du Champ-de-Bataille comme point beaucoup plus central et, sous tous les rapports, infiniment plus convenable pour obtenir des effets d'harmonie. »

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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