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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 27 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

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Sources : La Dépêche de Brest 21 septembre 1922

 

Malgré toute son activité, le parquet ne pouvait fournir au tribunal une pâture journalière.

Il y eut vacation de treize jours et le 13 avril, deux prêtres réfractaires :

Jean-Marie Habasque et Guillaume Peton, arrêtés dans la nuit du 8 chez des cultivateurs de Kerlouan, furent immolés le lendemain, sur la place de Lesneven.

 

Deux jours après, c'est l'exécution, après un interrogatoire rapide constatant l'identité de l'accusé, de Jean-Marie Branellec, de Guissény, ex-curé du Minihy, à Saint Pol de Léon, Mme veuve Le Guen, de cette ville, qui l'avait caché chez elle, est condamnée à la déportation.

 

Le 17 avril, le soldat canonnier du 3e bataillon de Loir-et-Cher, en garnison à Concarneau, Jean-Pierre Hippolyte comparait devant le tribunal révolutionnaire.

 

Les propos qu'il a tenus chez Mme Galabert, débitante à Concarneau, sont ceux d'un fou ou d'un homme ivre.

 

Il aurait dit, en tirant de sa poche un assignat de dix sols :

« Je voudrais que celui qui l'a inventé fût brûlé »

 

Il aurait dit encore « qu'au lieu de s'enrôler dans le bataillon de Loir-et-Cher, il eut mieux fait de suivre la grand'route et d'aller rejoindre les brigands ;

qu'il em... la nation ;

qu'il s'était échappé de Paris avec un chevalier de Saint-Louis ;

qu'il était sorti de France avec onze ou douze mille livres en numéraire, pour aller à l'étranger, etc. etc. ».

 

Hippolyte, condamné à la peine de mort, la subit le même jour « comme auteur et complice d'une, conspiration tendant à anéantir le gouvernement républicain et à rétablir la royauté en France ».

 

Le 21 avril vit tomber la tête de deux-charpentiers, Jean Levée, du Havre et Joseph Algant, de Saint-Nazaire.

Ils avaient été condamnés la veille pour avoir dit « qu'il était plus avantageux d'être au service des Anglais qu'à celui de la République ».

 

Le 30, la charrette fatale amène sur la place du Château le caporal d'infanterie Fabien Croy.

Il a écrit au commandant de son bataillon, à Morlaix « qu'il désapprouve la nouvelle constitution et que refusant le grade de caporal, il demande la faveur de continuer à servir comme simple fusilier ».

Au crime d'avoir écrit cette lettre, Croy avait ajouté celui « d'avoir été trouvé nanti d'un Christ garni des deux côtés en nacre, de perles et de deux pièces, paraissant être de son écriture, qui respiraient partout le fanatisme religieux le plus absurde et renfermaient la critique la plus forte de la constitution civile du clergé ».

 

Les prêtres insermentés :

Jean Drevès, de Ploumoguer ;

Augustin Clech, curé de Plestin ;

Yves Mével, de Roscoff ;

Le Grall, curé de Lanhouarneau sont livrés au bourreau et plusieurs d'entre eux, nous apprend un procès-verbal,

« furent saisis dans une grande lande où on les fît traquer à l'aide de chiens qui les éventrèrent ».

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Le 15 mai, la guillotine de la place du Château fut expédiée à Morlaix, en vertu de la réquisition suivante adressée aux administrateurs du district de Brest :

« Citoyens, un jugement de mort doit être exécuté demain à Morlaix, et il ne se trouve dans cette commune ni exécuteur ni instrument ne supplice.

Le tribunal criminel du Finistère vous requiert de donner des ordres pour que sur-Ie-champ, il soit fourni une charrette attelée de deux chevaux, un voiturier pour la conduire, à l'effet, de transporter d'ici à Morlaix, pour cette exécution, la guillotine qui y est nécessaire, comme aussi de faire fournir pour le vengeur un cheval de selle. »

 

Deux jours après, guillotine et bourreau étaient de retour à Brest et on allait enfin s'occuper des administrateurs du Finistère, décrétés d'accusation le 19 juillet 1793 et pour la condamnation desquels le tribunal révolutionnaire de Brest avait été, en quelque sorte, ouvertement créé.

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Élus membres du conseil général du Finistère, le 7 juin 1790, ces administrateurs étaient entrés en fonctions le 12 août suivant et s'étaient résolument adonnés à tout ce qui pouvait établir ou faire triompher le régime nouveau.

 

Dans certaines circonstances, ils avaient même devancé les mesures les plus décisives de la Convention et, quand celle-ci délibérait à l'égard des émigrés ou des prêtres insermentés, elle les faisait surveiller, elle allait jusqu'à les faire arrêter, par mesure de sûreté.

 

Par deux fois, les administrateurs du Finistère avaient mérité d'être signalés comme ayant bien « mérité de la Patrie ».

 

À l'appel de la Convention qui, par le décret du 24 mai 1793, déclarait la patrie, en danger et mettait son indépendance et son intégrité sous la protection des départements, ils avaient répondu par l'organisation immédiate d'une « force armée de 400 hommes, à l'effet de se rendre sur-le-champ à Paris,

pour y protéger la sûreté de la Convention, celle des personnes, des propriétés et de la fortune publique ».

 

On sait le reste.

Les 31 mai et 2 juin 1793, les Girondins, dont Gomaire et Kervélégan, députés du Finistère, sont arrachés de leurs sièges et expulsés de la Convention.

 

Nos administrateurs, s'étayant du décret du 24 mai qui a fait appel à leur dévouement, décident la levée d'une nouvelle force départementale de 600 hommes qui fera route sur Paris « non pour combattre les citoyens de cette ville, mais pour s'unir à la saine portion de ses habitants, afin de cimenter ensemble l'unité de la République, la sûreté des personnes et des propriétés, la liberté, l'égalité sociale, le respect et l’inviolabilité des représentants du peuple ».

 

Mais la Montagne a vaincu la Gironde et, la Gironde vaincue, ses partisans doivent expier la défaite.

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Les trente administrateurs du Finistère, détenus dans les prisons de Landerneau, de Carhaix et de Morlaix, vont être traduits devant le tribunal révolutionnaire sous la terrible inculpation « d'avoir conspiré contre la République ».

 

Et cependant, leur crime était de ne pas avoir été assez fort pour contenir les factieux.

 

« Oui, écrivent-ils de la maison d'arrêt de Landerneau, nous avons conspiré jour et nuit,

mais pour le bonheur de la patrie ! »

 

Ballottés depuis de longs mois entre les illusions et le désespoir, les trente administrateurs du Finistère furent incarcérés, le 17 mai, dans les obscurs cachots du Château, qu'on appelait alors « le Fort la Loi ».

 

C'étaient :

François de Kergariou, ancien maréchal de camp ;

Brichel, de Landerneau, homme de loi ;

Aymez, de Brest, négociant ;

Moryan, de Pont-Croix, homme de loi ;

Guillier, de Douarnenez, marchand ;

Pierre de Bergevin, de Brest, homme de loi ;

Dubois, juge au tribunal du district de Landerneau ;

Poucin, homme de loi à Quimper ;

Derrien, de Saint-Thuriau, cultivateur ;

Portic, de Scaër, cultivateur ;

Cuny, négociant, à Quimperlé ;

Le Roux, marchand de toile à Landivisiau ;

Le Prédour, juge au tribunal de Châteaulin ;

Daniel Kersaux, de Penmarch ;

Expilly, de Brest, ex-curé de Saint-Martin de Morlaix, ex-évêque constitutionnel du Finistère ;

Herpeu, juge au tribunal de Pont-Croix ;

Merienne, sous-chef des vivres de la marine, à Brest :

Malmanche, chirurgien, ancien maire de Brest (1790-1791) ;

Banéat, marchand à Carhaix ;

Lepennec homme de loi à Carhaix ;

Le Thoux, juge au tribunal de Quimper ;

Déniel, marchand à Lannilis ;

Moulin, militaire réformé, demeurant à Quimper ;

Le Gac, homme de loi, à Plounévez-Porzay ;

Piclet, juge à Pont-Croix ;

Le Denmat-Kervern, homme de loi à Morlaix ;

Bienvenu et Descourbes, notaires à Quimperlé;

Pruné, marchand à Poullaouen et Le Cornec, président du tribunal de Carhaix.

 

*

**

 

(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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