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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 29 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

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Sources : La Dépêche de Brest 5 octobre 1922

 

Le jugement des vingt-six administrateurs ne laissait aucun doute sur le sort de ceux qui, comme eux, avaient provoqué à Brest le mouvement fédéraliste.

De ce nombre étaient ces trois accusés qui comparurent le 13 juillet :

Le Bronsort, greffier de la municipalité et juge au tribunal du district ;

Rideau, ex-administrateur de l'Indre et Toullec, administrateur de l'hospice et du district de Brest.

 

« Le verdict n'ayant été rendu qu'après le souper des juges », l'exécution eut lieu à la lueur des torches et nulle,

parait-il, ne fut plus émouvante.

 

Au moment où les aides du bourreau abattent Toullec sur la bascule, soudain un coup de vent éteint plusieurs flambeaux.

« Je n'y vois plus », dit Ance.

Saisissant une des torches, Toullec se tourne vers l'exécuteur :

« Regarde-moi bien, lui dit-il : tu ne me verras pas pâlir. »

Et, pour le prix de cette fermeté, Ance eut le soin raffiné de laisser le fatal couteau tomber jusqu'à trois fois sur la tête de Toullec.

Mérienne, l'un des vingt-six, avait subi la même torture.

 

Le neuf thermidor n'arrêta pas, à Brest, le fonctionnement du couperet national.

 

Le 30 juillet, trois jours après le coup d'État, il y eut ce que Donzé-Verteuil appelait une « fournée ».

Douze femmes de Morlaix furent amenées ce jour-là à la barre du tribunal avec un vieux capucin, Yves Mével, âgé de 65 ans, qu'elles étaient accusées d'avoir caché pour le soustraire aux Comités.

 

Le P. Mével et quatre des « conspiratrices » furent condamnés à mort, et l'une d'elles, Mlle de Forsanz, âgée de 27 ans, qui « se caractérisait par l'agrément de ses traits et l'élégance de sa taille », subit — assure-t-on — la souillure d'un supplice posthume.

Aussitôt après l'exécution, son cadavre, porté à l'amphithéâtre de l'hôpital de la marine, fut, profané par le chirurgien Palis, un des juges du tribunal révolutionnaire.

 

Le 31 juillet, Gabriel Moreau, ancien juge du district de Morlaix, le père du célèbre général républicain qui commandait alors une division de l'année du Nord, était, amené sur le banc des accusés.

On établit « qu'il avait correspondu avec les ennemis du peuple et qu'il avait fait passer des secours en argent à plusieurs émigrés, dont les intérêts lui avaient été confiés. »

 

La mort fut prononcée contre Moreau, bien que, très peu de jours, auparavant, la ville entière de Morlaix, heureuse et fière des succès de son fils, se fût rendue près de lui pour le féliciter du passage de la Sambre, si heureusement opéré par l'ancien prévôt de l'école de droit de Bennes.

 

Ce même jour, le tribunal révolutionnaire recevait, la notification officielle de la mort, de Robespierre et des événements du 9 thermidor, mais les juges ne suspendent pas leur corvée sanglante et, le 4 août,

« la hache de la justice nationale » frappe Sébastien Malescot de Kérangoué, homme de loi à Morlaix, coupable d'avoir fait passer des secours en urgent aux émigrés.

 

Le 6, Charles Delaporte Belval sous-chef des bureaux civils de la marine, neveu du maire de Brest, Berthomme, est condamné à la peine capitale pour avoir favorisé l'évasion des députés girondins.

Belval était l'un des fondateurs et des membres les plus ardents de la Société populaire :

il avait été député à Rennes, au mois de janvier 1789, pour y porter l'adhésion de la jeunesse Brestoise au pacte d'union formé dans cette ville pour l'extinction de la noblesse bretonne.

 

Mais la nouvelle des événements qui se déroulent à Paris effraie Donzé-Verteuil et, le 9 août, il écrit à l'administration du district :

« Citoyens, je suis convaincu que je ne fais que m'accorder avec vos intentions en vous rappelant qu'il est de toute convenance que l'instrument des vengeances nationales disparaisse, dès ce soir, avant le coucher du soleil. »

 

Et on démonta enfin la guillotine qui se trouvait en permanence sur la place du « Triomphe du Peuple » depuis de si longs mois.

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La place du Château servit de lieu des exécutions capitales jusqu'en 1839 ;

la guillotine était fournie par le bagne et le bourreau était alors un forçat.

 

Sur réclamations de l'administration de la marine et d'hommes de loi qui trouvaient « monstrueux que l'on ouvrît, les portes de la ville aux forçats, pour leur permettre de prendre possession de la place du Château — terrain militaire —

d'y porter l'échafaud du bagne, d'escorter et d'exécuter un condamné civil », on fit appel au bourreau de Rennes qui, avant « Monsieur de Paris », opéra rue de l'Égout.

 

La dernière exécution, place du Château, fut celle de Marsaud, coupable de piraterie :

elle eut lieu le 11 mai 1839, à trois heures de l'après-midi.

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Le Château de Brest, construit sur un rocher escarpé, à l'entrée du port et de la rade, est encore un type remarquable de l’architecture militaire du moyen-âge, malgré les grands changements qu'il a subis, surtout depuis la disparition des toits coniques du donjon et des tours, rasés par ordre de Vauban qui fit établir les plates-formes pour y placer de l'artillerie.

 

Le Château est bâti sur les fondements d'une forteresse gallo-romaine.

 

À la base des courtines qui défendent l'entrée, sur toute la face qui regarde la ville, se montre l'appareil romain, tranché horizontalement ; de distance en distance, par des cordons de briques.

Dans cette partie des murailles, on distingue, en outre, certaines coupures verticales d'une maçonnerie moderne, où l'on a reconnu les arrachements de fours demi-cylindriques, supprimées par Vauban en 1689.

 

L'histoire et la légende attestent l'existence de la forteresse de Brest depuis le IVe siècle.

 

D'après la légende de Saint-Rioc, d'Albert Le Grand, Bristokus régnait à Brest en l'an 350 et le prince Even y tenait sa cour en 537 ; c'est pourquoi il était appelé roi de Brest, dit la légende de Saint-Budoc.

Ce prince de Léon était le père de la belle Azénor dont l'histoire est une des plus jolies et des plus gracieuses légendes de la « Vie des Saints », d'Albert Le Grand.

 

Azénor, fille unique Even, issue du sang des anciens rois de Bretagne, « était de riche taille, droite comme une palme, belle comme un astre, et cette beauté extérieure n'était rien en comparaison de son âme ».

Elle épousa un comte de Goëlo, vers l'an 537, et, les jeunes époux choisirent pour demeure un beau château, assis sur une petite colline, « lequel pour avoir été bâti autrefois par le roi Audren, en a retenu le nom de Châtelaudren, situé justement entre les deux comtés de Tréguer et Goëlo ».

 

Moins de deux ans après, Even devint veuf, « épousa une dame de grande maison, mais qui avait l'esprit malicieux, noir, sombre et malin ».

Elle avait juré la perle d'Azénor et l'accusa d'adultère.

 

Le comte de Goëlo crut à cette calomnie et la pauvre Azénor fut enfermée, par son père dans une tour du château, en attendant qu'on lui fît son procès.

 

Des juges, gagnés sans doute, la condamnèrent, quoiqu'elle fût, innocente, à être placée dans un tonneau et jetée à la mer.

 

Le tonneau, livré au gré des vents et, des dois, errait à l'aventure, chaque jour, un ange visitait la fille du prince de Léon et lui apportait le nécessaire pour sa nourriture et son entretien.

Au bout de cinq mois de sa périlleuse navigation, elle accosta au rivage de Beauport, en Irlande, et donna naissance à un fils qui reçut le nom de Budoc « sauvé des eaux » et devint un grand saint.

 

Les panneaux de la chaire de l'église de Plourin-Ploudalmézeau retracent des scènes de la vie d'Azénor et de son fils, Saint-Budoc.

La tour où fut emprisonnée la malheureuse princesse conserva son nom et l'a transmis à celle qui l’a remplacée, au XIIIe siècle :

La jolie tour d'Azénor, si élégante avec sa gracieuse couronne de créneaux et de mâchicoulis, qui fait partie du Donjon.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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