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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 30 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

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Sources : La Dépêche de Brest 12 octobre 1922

 

En l’an 792, le prince Mélard s'enferme dans le château de Brest pour échapper aux poursuites de son oncle Rivod, qui veut régner à sa place.

 

La « Chronique de Nantes » rapporte qu'en 856 le roi de Bretagne, Salomon, est assassiné près du château :

Apud oppidum quod dicitur Bresta.

 

En 1064, Conan II fait restaurer la cité de Brest et ériger une chapelle dédiée à la Sainte-Trinité.

 

L'église de la Trinité fut la seule paroisse de Brest jusqu'à la construction de celle des Sept-Saints, et sa fréquentation demeura commune aux habitants et au personnel du château jusqu'en 1790.

Cette chapelle, restaurée en 1742 par le directeur des fortifications Frézier, a été démolie en 1819 ;

elle était située entre la caserne de Plougastel (bâtie sous Henri III) et la courtine longeant la rade, sur l'emplacement actuel des cuisines.

 

En 1197, André de Dinan se réfugie au château de Brest avec le jeune et malheureux Arthur pour le dérober aux fureurs de Richard roi d'Angleterre.

 

Le Château, jusqu'alors propriété des comtes de Léon, est cédé, en 1240, pour cent livres de rente, au duc de Bretagne Jean 1er, et l'histoire de Brest va maintenant se rattacher à celle de la Bretagne, car la citadelle va être l'objet de nombreuses convoitises et jouer un rôle important dans la réunion de la Bretagne à la France.

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Arthur et Hubert de Burgh son geôlier, par William Frederick Yeames (1882).

 

En 1341, le château de Brest, défendu pour Charles de Blois par Garnier de Clisson, avec seulement, trois cents hommes, mais tous braves et déterminés, est assiégé par Montfort, qui s'en empare.

 

Dès que Montfort se vit maître de la forteresse, il s'occupa d'enclore les quelques maisons du village qui paraissaient bien basses au pied des tours orgueilleuses du château féodal, mais qui pouvaient, en cas d'attaque, servir de logements aux assiégeants et couvrir leurs travaux.

La muraille suivait à peu près le tracé actuel des rues Monge et Amiral Linois ;

cette enceinte de Brest, au milieu du XIVe siècle, marque, le noyau de notre cité.

 

Le comte de Montfort augmenta également, les fortifications du château.

Sa défense devint telle, qu'un conseiller du duc Jean IV disait :

« N'est pas duc de Bretagne qui n'est pas sire de Brest », et que la comtesse de Montfort, après la mort de son époux, fit choix du château de Brest pour y déposer ses effets les plus précieux.

Charles de Blois, fait prisonnier en 1347, à la suite de la bataille de La Roche-Derrien, y fut enfermé avant son transfert en Angleterre.

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Charles de Blois, duc de Bretagne, est fait prisonnier pendant la bataille de la Roche-Derrien (1347).

Chroniques de Jean Froissart.

 

La France visait ouvertement, à s'emparer de la Bretagne, et Jean IV, trop faible pour lui résister, se ligue avec les Anglais et leur abandonne le château, à la charge pour eux de le défendre et de le lui remettre à la paix.

 

Duguesclin, pour le roi de France, en tenta inutilement le siège (1373), et quand la paix fut conclue, les Anglais, au mépris de la foi jurée, se refusèrent à se dessaisir de la place.

 

Jean IV demanda alors l'assistance de Charles VI, qui lui envoya une armée, en 1382, avec des capitaines fameux, tels le vicomte de Rohan et les sires de Laval et de Beaumanoir, mais l'expédition échoua.

 

Deux nouvelles tentatives, en 1386 et 1387, ne furent pas plus heureuses.

Ce ne fut qu'en 1397, après bien des négociations et, des subterfuges, que le duc de Bretagne rentra en possession de sa puissante forteresse occupée par les Anglais depuis cinquante-six ans.

 

En 1403, nous voyons la guerre se rallumer, encore une fois, entre la France et l'Angleterre.

Douze mille Bretons, commandés par les sires Guillaume du Châtel et de Penhoët, s'embarquent à Roscoff sur trente vaisseaux et rencontrent la flotte ennemie à hauteur de Saint-Mathieu.

Après un combat acharné, ils emmènent à Brest quarante vaisseaux anglais et mille prisonniers.

 

Quelques mois plus tard, une deuxième armée navale anglaise prend sa revanche à Saint-Mathieu.

 

Une nouvelle attaque est dirigée contre Brest en 1405 et les troupes débarquées mettent les environs à feu et à sang, quand elles sont taillées en pièces par le duc Jean V, à la tête de deux mille hommes, et des paysans rassemblés en toute hâte par Tanguy du Châtel, qui n'avaient pour armes que des arbalètes, des fourches el des fléaux.

 

À la nouvelle de cet échec, Jean de Penhoat, amiral de Bretagne, sort de Roscoff avec une flotte dont il préparait l'armement, atteint les Anglais près de Saint-Mathieu et leur livre un combat, dans lequel ils perdent deux mille hommes et quarante navires.

 

Les Anglais ne réapparaissent sur nos côtes que cinquante ans plus tard, en 1453 ;

ils sont à  nouveau défaits et se vengent de leur revers en allant piller et brûler Crozon.

 

Enfin, en 1489, le vicomte de Rohan s'emparait de Brest au nom de Charles VIII, qui, en signe de souveraineté, fit placer l'écusson de France au-dessus de la porte du ravelin de la forteresse.

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Le Château reçut en 1505 la visite de la reine Anne, en pèlerinage à Notre-Dame du Folgoët.

« Après ses oblations et oraisons faites, dit un chroniqueur du temps, lui prist volonté d'aller voir son Chasteau de Brest, lequel est situé sue la mer, environ six lieues du dit lieu de Folgoat ; la dame ne tarda pas longuement, car il n'y avoit pas lieu pour y soutenir un tel train comme estoient les nobles hommes de sa compagnie... »

 

La reine Anne voir la Cordelière, Le plus beau vaisseau de la flotte bretonne qui lui avait coûté « un gros argent ».

 

La Cordelière « étoit armé de 1200 hommes de guerre ; de 200 pièces d'artillerie, desquelles il y en avoit 14 à roues, tirant grosses pierre de fonte et boulets serpentins, et avoit voiles tant à gré qu'en mer, n'étoient pirates ni écumeurs qui devant elle tinssent vent ».

Elle portait deux châteaux, l'un à l'avant, l'autre à l’avant, l’autre à l’arrière, et, dans sa masse imposante,

« était merveille à voir ».

 

Il était réservé à la Cordelière qui venait de s’illustrer contre les Turcs, de sombrer dans le combat fameux du 10 août 1512.

 

Ce jour-là, le capitaine Hervé de Portzmoguer natif de Plouarzel,  « ne pouvant plus résister à l’indignation qu'il ressentait devant les ravages commis par les Anglais », sort de Brest avec la Cordelière, suivie de dix-neuf autres bâtiments.

 

Il rencontre à Saint-Mathieu la flotte ennemie forte de 80 voiles disent les historiens français, de 45 affirment les Anglais.

 

Après un combat acharné, la Cordelière se trouve aux prises avec la Régente, aussi puissante qu'elle.

Elle va succomber, quand dans un suprême désespoir, le capitaine anglais Thomas Kernevet qui vient d'être abordé par Portzmoguer, fait jeter des fusées d'artifice et des brandons sur le vaisseau breton.

 

L'incendie gagne bientôt toutes les parties de la Cordelière et la Régente fait de suprêmes efforts pour se dégager de l'étreinte de feu qui va l’étouffer, car les deux nefs « brûlent comme chèvenottes (*) ».

(*) (de chènevis) - Partie ligneuse du chanvre, qui subsiste après qu'on a enlevé la filasse.

 

Mais Portzmoguer et son second Dholo, jugeant que tout est perdu, restent accrochés :

l'un de la grand'hune, l'autre de la hune de misaine, inondent la Régente de soufre et de poix.

Des combat corps à corps se livrent sur les ponts des deux navires.

 

Tout à coup éclate une formidable explosion.

C'est la Cordelière, dont le feu a atteint les poudres, qui saute, entraînant avec, elle dans l’abîme, la Régente attachée à son flanc.

 

La tradition a transformé le nom de Portzmoguer en Primauguet et le combat de la cordelière a fourni au peintre brestois Gilbert ancien professeur de dessin à l'école navale et élève d’Ozanne, le sujet d’une des meilleures toiles du maître conservées au musée de Brest.

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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