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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 31 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

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Sources : La Dépêche de Brest 19 octobre 1922

 

Les deux mariages de la duchesse Anne avec Charles VIII et Louis XII, et celui de sa fille Claude avec François 1er avaient préparé l'incorporation de la Bretagne au royaume de France et la réunion devint définitive en 1532.

 

À dater de ce jour, Brest est mis sous la protection du roi, mais il n'en aura pas moins à lutter sans cesse contre les Anglais.

 

En 1558, pour se venger de la perte de Calais, la reine Marie d'Angleterre donne l'ordre à l'amiral Clinton de surprendre Brest et de le détruire.

 

Une flotte formidable de 140 voiles, auxquelles s'étaient joints 30 vaisseaux flamands, arrive devant St-Mathieu,

le 29 juillet à 8 heures du matin et débarque un corps de six mille hommes dans la baie des Blancs Sablons.

 

Le Conquet et les villages environnants sont pris ; tout est mis à feu et à sang.

Mais Guillaume du Châtel, gouverneur de Brest, rassemble en douze heures, neuf mille hommes, tant d'infanterie que de cavalerie, la plupart gentilshommes et habitants des villages voisins.

Il tombe sur les Anglais dispersés dans la campagne, en tue cinq cents, fait plus de cent prisonniers et les force à regagner leurs navires dans un grand désordre.

 

Si Brest échappa encore une fois aux Anglais, son salut coûta cher aux habitants de la côte.

Sur 450 maisons de la commune de Plougonvelin, 438 furent brûlées ;

des 450 du Conquet, il ne resta que huit ;

37 navires mouillés dans ce port et 50 maisons de la paroisse, de Lochrist furent aussi la proie des flammes ;

l'abbaye de St-Mathieu fut saccagée ;

les dégâts s'élevèrent à plus de deux cent mille livres.

 

Nous arrivons à la Ligue.

La France entière est troublée par les guerres religieuses.

Le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne et descendant des anciens ducs, aspire à reconquérir le duché de Bretagne.

À l'avènement d'Henri IV, notre province se trouve partagée en deux camps, celui du Roi et celui de la Ligue ou de Mercœur.

En Léon et Cornouailles, Brest, Pont-l'Abbé et Concarneau sont pour le Roi ;

Morlaix, Saint-Pol et Quimper pour la Ligue.

 

Les ligueurs font une première tentative sur Brest en 1592 et, au nombre de six mille, l'attaquent du côté de Recouvrance.

Ils sont vigoureusement repoussés par les troupes de Sourdéac, gouverneur de la place, mais s'arrêtent et dressent ;

leurs tentes à St-Pierre Quilbignon, car on leur a dit que la place était dépourvue de vivres et ne pouvait pas tenir plus de quinze jours.

 

En fait de capitulation, Sourdéac sort une nuit à la tête de ses hommes et massacre une grande partie des troupes du duc de Mercœur qui s'étaient tranquillement enivrées... et endormies.

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René Rieux de Sourdéac illustration

 

Bien convaincus, désormais, que Brest serait imprenable tant qu'il pourrait être ravitaillé par mer, les ligueurs se décidèrent, au printemps de 1594, à lui enlever cette ressource.

 

Des troupes espagnoles, qui avaient renforcé l'armée du duc de Mercœur, viennent occuper la presqu'île de Quélern et, à son extrémité, jettent les premières bases d'un fort destiné à défendre l'entrée de Brest.

De cette importante position, les Espagnols étaient les maîtres du goulet ;

aucun vaisseau ne pouvait entrer ni sortir, sans passer sous les feux de leurs canons.

 

Mais le maréchal d'Aumont, commandant l'armée royale en Bretagne, forte de trois mille Français et de deux mille Anglais, cédant aux appels réitérés de Sourdéac, se présente le 15 octobre 1594 devant le fort inachevé et seulement, défendu par quatre cents Espagnols, sous les ordres du capitaine Praxède.

 

Le siège dura un mois.

Des combats acharnés se livrèrent.

Tous les Espagnols furent passés au fil de l'épée,

à l'exception de quatre qui furent pendus « pour les punir de ne s'être pas fait tuer ».

 

Mais cette action — l'une des plus sanglantes de la Ligue — avait coûté aux royalistes plus de trois mille morts.

 

Dès le lendemain de la prise du fort, Sourdéac le fit raser.

La pointe sur laquelle il était élevé a conservé depuis, le nom de Pointe Espagnole.

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Portrait équestre de Jean VI d'Aumont, musée Condé

 

Tous ces efforts de Sourdéac en faveur de la cause royale furent couronnés d'un plein succès et les ligueurs du Léon, réunis au Folgoat, décidèrent, le 9 août 1594, de faire leur entière, soumission à Henri IV qui, d'ailleurs, s'était converti à la religion catholique depuis un an.

 

Pour récompenser les Brestois de leur fidélité, Henri IV leur avait octroyé, par lettres-patentes du 31 décembre 1593, « le droit de bourgeoisie ».

La ville de Brest est définitivement créée et, à l'abri du Château, la cité va maintenant s'accroître, en même temps que le port prendra une importance chaque jour plus considérable.

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Avant de quitter le Château, nous allons en donner une description sommaire.

 

La porte d'entrée fut construite en 1464, sous le duc François II ;

elle était autrefois à plein cintre et, tout à côté, se trouvait un guichet en ogive.

Une herse et des ponts-levis défendaient le passage.

Porte charretière et poterne ont été remaniées, mais conservent les rainures des bras des ponts-levis.

 

Les deux grosses tours, encore ornées de leur mâchicoulis et surmontées de leurs toits pointus servaient jadis de logement à la garnison.

 

Du portail partent les courtines ; celle de droite, menant au Donjon, est du XVIIIe siècle ;

celle de gauche, aboutissant à la tour de la Madeleine est du XVIe.

Toutes deux renferment de remarquables débris de constructions romaines, et la trace des petites tours dont elles étaient munies.

 

Au nord de la, courtine de droite se trouve, avons-nous dit, le Donjon, véritable forteresse que son pont-levis rendait indépendante du Château et où les assiégés pouvaient encore résister et se défendre après la reddition des autres parties de la place.

 

Cette citadelle, paraît, avoir compris au XVe siècle, comme aujourd'hui, trois tours, réunies par des courtines autour d'une petite cour, munie de son puits :

 

La tour d'Azénor qui remonte au XIIe ou XIIIe siècle ;

la tour de la Duchesse-Anne, du XVe siècle, ainsi sans doute appelée parce qu'elle servît de demeure

à la « Bonne Duchesse », lors de son séjour à Brest, en 1505 ;

enfin, la puissante tour du Donjon, bâtie par Sourdéac, en 1597, sur l'emplacement d'une vieille tour romaine, sous laquelle il avait été trouvé, dit le chanoine Moreau, une plaque de cuivre à l'effigie de César.

 

C'est dans le donjon proprement dit, que se trouvaient les appartements des anciens gouverneurs.

On y voit, encore la salle d'honneur, la chapelle particulière des ducs, la salle à manger et les cuisines seigneuriales.

 

Sous le donjon, de vastes souterrains conduisent, par une pente assez rapide, aux « oubliettes » du Château, gouffre profond, dans lequel on descendait avec des cordes les malheureux condamnés.

Une pierre plate, glissant dans une rainure, fermait, autrefois l'unique orifice sur les ensevelis vivants dans ce cachot, où ils attendaient une mort lente, au milieu de toutes les horreurs du désespoir et de la faim.

 

« On ne peut douter que plus d'une victime n'y ait terminé son existent, écrit M. de Fréminville, car lorsqu'on 1824,

M. Legentil de Quélern, directeur des fortifications de Brest, fit nettoyer et déblayer toutes les parties souterraines du Château, on trouva dans l'oubliette des cheveux et les ossements blanchis de deux squelettes humains. »

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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