1922
Les rues de Brest
par Ollivier LODEL
- Article 33 -
Auteur : Ollivier Lodel (*)
Sources : La Dépêche de Brest 9 novembre 1922
LA PLACE MARCELLIN BERTHELOT
Cette place était autrefois très fréquentée :
Située au milieu de la principale artère de la ville, elle était le rendez-vous des flâneurs et des commères, d'où lui vint le nom de place Médisance ou de la Médisance.
L'arrêté du 5 messidor an II l'appela place des Fontaines, et elle reprit son ancien nom en 1811, qu'elle conserva jusqu'en 1907.
C'est sur cette place, à l'encoignure de l'ancienne rue Saint-Louis, que fut élevée, en 1748, l'une des premières fontaines de la ville.
L’approvisionnement en eau potable d'une cite comme Brest, dont, l'accroissement était rapide, fut l'une des grandes préoccupations de nos municipalités du XVIIIe siècle.
Alors que Brest ne se composait que de son château-fort et de quelques maisons éparses au pied du bastion Sourdéac, l'eau servant à la garnison et aux habitants était prise dans deux puits creusés à l'intérieur de la forteresse et à la fontaine du quai, mentionnée dès 1676 :
La fontaine du quai Tourville, rebâtie en 1783, « avec les armes de la ville sculptées, du côté des maisons ;
celles de l'intendant du côté de la mer et des inscriptions gravées sur les deux autres faces ».
Armoiries et inscriptions, œuvre, du maître sculpteur Lubet, furent martelées en 1791, et la fontaine du Quai, inutilisée aujourd'hui, est le dernier vestige de la partie la plus ancienne du Brest d'autrefois.
Marcelin Berthelot ( 1827–1907 )
Apothicaire
Harry Herman Salomon
Huile sur toile - 107 x 76 cm
La fontaine de la place Médisance fut réédifiée, en 1752, au centre de la place, sur la lisière de la Grand'Rue, et c'est au pied de ce monument — un bel obélisque, de Kersanton, dont le plan avait été dressé par le sculpteur du port Caffieri — que, les jours de marchés, l'huissier, assisté de ses deux témoins et du tambour de ville, donnait, connaissance au peuple des arrêtés municipaux et des autres actes de l'autorité.
La fontaine fut une nouvelle fois démolie et déplacée en 1708, époque du premier pavage de la Grand'Rue, car on n'avait pas tardé à reconnaître les inconvénients de sa situation :
La boue pendant l'été, la glace, pendant l'hiver, la rendaient souvent impraticable ;
puis, lorsque le vent soufflait fortement, l'eau éparpillée de tous côtés, en rendait l'accès fort incommode.
On l'adossa au muretin du bas de la rue de la Rampe, et elle vient de disparaître, il y a quelques années.
LA PLACE DES PORTES
Pendant plus d'un siècle, Brest et Recouvrance, enfermés dans leur cercle de pierre, n'eurent que deux issues :
La porte de Landerneau, dans le haut de la rue de Siam, et la porte du Conquet.
L'ouverture d'une seconde porte, contiguë à celle de Landerneau, fut autorisée par décret impérial du 25 mars 1808, mais — faute d'argent — les travaux, exécutés par le génie, ne commencèrent qu'en 1820.
La porte, inaugurée le 25 août 1821 — jour de la fête du Roi — fut placée sous le vocable de Saint-Louis.
Jusqu'en 1833, les ponts-levis étaient levés et les portes fermées chaque soir, une heure et demie après la retraite.
De sept ou dix heures du soir à quatre ou sept heures du matin, suivant les saisons, ni voitures, ni piétons, ne pouvaient rentrer en ville, ou sortir de Brest.
La municipalité obtint, en 1833, la faveur d'un guichet aux portes de Landerneau et du Conquet, pour la libre circulation des piétons.
Il était bien gardé.
Placé près d'un corps de garde de vingt-cinq hommes, on ne le franchissait qu'un à un, sous l'œil vigilant d'une sentinelle, d'un garde de la mairie, d'un employé de l'octroi et d'un agent du bagne.
Les ponts-levis et les portes de Landerneau et de Saint-Louis ont disparu en 1889.
Une belle grille, en fer forgé, ferme actuellement la large percée pratiquée dans l'enceinte des fortifications.
La place des Portes s'appela tout d'abord place de la Porte.
On y voyait autrefois, au n° 1, la meilleure, hôtellerie la ville :
l’Hôtel de l'Empereur, où le duc de Chartres descendit pendant son séjour à Brest, en 1772.
La maison changea d'enseigne vers la fin du XVIIIe siècle, prit le nom d'Hôtel du Grand Monarque, et la place de la Porte devint la place du Grand Monarque.
C'est dans le magasin et les écuries de cet immeuble que s'installèrent les premières « Messageries nationales ».
Dès 1796, une diligence à quatre roues parlait tous les deux jours du « Grand Monarque », pour Paris.
Le voyage durait huit jours, avec arrêt à Rennes, dans la nuit du 4e au 5° jour.
L'auberge et une petite maison y attenant, du côté de la Grand'Rue, tombaient en ruines, quand M. Halligon en devint acquéreur, en 1826, pour la somme de 34.900 francs, et un long procès s'engage alors avec la ville.
La municipalité, conformément à la loi de 1807, avait, dressé, un nouveau plan régulateur, sanctionné par ordonnance royale de 1822, et ce plan prévoyait le rescindement de l'hôtel du Grand Monarque « pour donner à la place une régularité et une beauté dignes de l'aspect, monumental des deux portes de ville ».
Le propriétaire Halligon soutenait, de son côté, que la Charité avait, abrogé la loi de 1807 ;
que la place, dans son état actuel, était assez spacieuse pour servir de stationnement,
aux voitures — l'un des motifs invoqués par la ville — et il demandait la modification du plan régulateur ou le remboursement du prix de son acquisition.
M. Hallingon eut gain de cause, sous réserve de réédifier l'immeuble, avec façade dont le plan lui serait fourni.
Le Grand Monarque, place des Portes, n° 1, était l'un des cinq hôtels que Brest comptait en 1830 :
l'Hôtel de France, rue d'Aiguillon ;
l’Hôtel de la Tour d’Argent, rue du Bois d'Amour (Colbert) ;
l’Hôtel de Provence, rue de Siam, n° 20, et le Grand Turc, au coin de la Grand'Rue et de la rue Algésiras, d'où partaient les voitures pour Landerneau, Lesneven et Argenton.
Quelques années plus tard, l'enseigne du Grand Monarque fut transportée au n° 18 de la rue Saint-Yves, et on voyait établis au n° 1 de la place des Portes :
Une cabaretière, un boulanger, un sellier-carrossier et, un perruquier.
Le Tribunal civil occupait, le premier et le deuxième étage de l'immeuble :
au troisième se trouvait la direction des Télégraphes.
Après de multiples démarches de M. Sanquer, adjoint-maire, président de la commission des travaux, la municipalité obtint, en 1888, l'élargissement de la voie d'accès de la porte de Landerneau, ce qui supprimait, le pont-levis et l'étroit tunnel conduisant à la place, de la Liberté.
L'année suivante, le ministre de la Guerre autorisait la démolition des deux portes et du rempart qui les reliait, à condition que la voie soit barrée par une grille, « recouverte sur une hauteur de deux mètres, d'une tôle de deux millimètres d'épaisseur, de façon à pouvoir résister aux balles ».
Un petit square a été planté dans l'ancienne avancée de la porte de Landerneau et le monument aux soldats et marins bretons morts pour la Patrie qui y a été élevé, fut inauguré par le général André, ministre de la Guerre, le 1er novembre 1900.
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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel
Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003
Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.
En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.
Jusqu'en 1939
Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.
Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.
Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.
Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »
Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.
En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.
Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.
Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».
Conférencier remarquable
Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.
Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.
Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .