1922
Les rues de Brest
par Ollivier LODEL
- Article 34 -
Auteur : Ollivier Lodel (*)
Sources : La Dépêche de Brest 16 novembre 1922
En 1820, la ville acheta à l'hospice, moyennant 50.000 francs, le terrain dit des Carmes, un superbe jardin à terrasses sur lequel fut bâtie la halle aux blés.
La première pierre de cet édifice fut posée le à novembre 1828 par le vice-amiral Duperré et la halle fut ouverte au public le 15 septembre 1833.
L'étalage y était obligatoire pour le pain, le blé, les farines, légumes et fruits secs ; pour la bourrellerie, la verrerie, la faïencerie, le lin, le fil, la toile et les cuirs.
C'est dans la grande nef de cette halle, présentant une surface couverte de 1.600 mètres, qu’eut lieu, en 1842, le bal offert par la ville au duc et à la duchesse de Nemours, bal splendide, mais d'une magnificence bien inférieure au bal vraiment féerique auquel assistèrent l’empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie le 10 août 1858.
L’édifice de la halle avait été transformé, pour cette réception, en une immense salle, de bal splendidement décorée, qui reçut près de quatre mille invités.
Au fond, sur une estrade, le trône impérial s’élevait sous un dais de velours rouge et de chaque côté étaient aménagés un salon d'été avec cascade, au milieu des plus jolis parterres, et un salon d'hiver orné des plus beaux meubles et des plus riches tapisseries.
L'accueil fait aux souverains à leur entrée dans la salle fui, une véritable ovation.
« À neuf heures, rapporte M. Bizet, maire de Brest, dans son compte moral de l'année 1858, Leurs Majestés furent annoncées.
Après avoir été reçues, à leur descente de voiture, par le maire et les commissaires du bal,
Elles entrèrent dans la salle.
Oh! Alors, l'élan de la joie, de l'allégresse publique n'eut plus rie bornes ;
la musique puissante qui exécutait l'air de la Reine Hortense était complètement couverte par la grande voix de quatre mille personnes.
« L'empereur portait l'uniforme de général de division et le grand cordon de la Légion d'honneur.
L'impératrice, dont la grâce et la beauté modeste sont si vivement admirée, portait une robe bleue à paillettes d'argent et, sur le front, un diadème en diamants, au milieu duquel le Régent se faisait remarquer par son énorme volume et son vif éclat.
L'impératrice s'était parée pour la première fois de ce précieux bijou : elle en faisait les honneurs à la ville de Brest.
« Derrière Leurs Majestés se tenaient les grands dignitaires, Mmes de Lourmel et de Labédoyère.
Leurs Majestés donnèrent le signal de la danse, en descendant du trône, pour prendre place au quadrille impérial composé de :
l'empereur et Mlle Bizet, fille du maire ; l'impératrice et M. le maire ; le ministre de la Marine et Mme de Labédoyère ; le préfet maritime et Mme Richard, femme du préfet du Finistère ; le préfet du département et Mme Laplace, femme du préfet maritime ; le général commandant le département et Mme Pénaud, femme du major général de la marine ; le député de Brest et Mme Gasson, femme du receveur général ; le major général de la marine et Mme Gouin, femme du président du tribunal civil.
M. Chic qui, le matin, avait eu l'insigne honneur d'être décoré de la main de S. M., et, M. Tréguier étaient, les chefs d'orchestre.
« Après le quadrille impérial, cinquante jeunes couples bretons, se tenant par la main, firent, leur entrée dans la salle, précédés du hautbois et du biniou ;
ils portaient les costumes les plus riches et les plus élégants du Finistère.
En passant devant Leurs Majestés, les couples s'inclinaient, puis exécutaient leurs danses nationales.
Cet intermède parut faire plaisir à l'impératrice qui, du geste, encourageait l'expansion de la joie répandue sur les physionomies de nos Bas-Bretons.
L'empereur lui-même sourit à plusieurs reprises à certains passages de ces danses primitives.
« Avant de remonter en voiture, l'impératrice voulut bien accepter un élégant album que lui présenta le maire de Brest ; il contenait les portraits à l'aquarelle des paysans bretons, en grand costume traditionnel, dessinés par le peintre brestois, M. Caradec.
« Le maire accompagna le cadeau artistique de la ville de l'hommage poétique suivant :
Madame,
Sous le poids des grandeurs, si votre âme affaissée,
Parfois cherche un repos qu'exclut le décorum,
Aux bords armoricains portez votre pensée ;
Revenez parmi nous en ouvrant cet album.
De nos francs Bas-Bretons revoyez les visages,
Aux ardeurs du soleil, brunis dans leurs travaux.
La gloire du pays les vit à tous les âges.
Travailleurs dans les champs, braves sous les drapeaux.
Quand le soir, du labeur a fermé la barrière
Et les ramène heureux au chaume hospitalier,
Votre nom vénéré se mêle à la prière
Qui, pour monter au ciel, part de l'humble foyer.
Vous êtes du logis l'auguste protectrice :
Ils bénissent, les dons tombés de votre main ;
Tous, le cœur plein d'amour, voient en l'Impératrice
L'ange consolateur qui les suit en chemin.
À leur pieux respect laissez une espérance ;
Celle qu'ils revivront dans votre souvenir :
Vous aimer... c'est avoir de l'amour pour la France !
Vous aimer... c'est aimer le Dieu qu'il faut bénir !
« Pendant le bal, les rues, les places, les édifices publics et les habitations particulières s'étaient illuminés ;
dans les quartiers les plus retirés, l'empressement des citoyens à satisfaire aux invitations municipales, se montrait digne des plus grands éloges ;
toutes les croisées avaient leurs lampions, leurs verres de couleur ou leurs lanternes vénitiennes.
Les splendeurs des « Mille et une nuits » renaissaient en réalité pour la ville de Brest. »
La Bibliothèque municipale fut installée, en 1853, dans une des galeries du premier étage de la halle.
Les premières collections de cet important dépôt furent constituées par la bibliothèque de la vieille abbaye de Saint-Mathieu, transportée en l'an II, rue de la Mairie, au « Bureau des Marchands », et par les ouvrages provenant du couvent des Carmes de Brest et des Capucins de Recouvrance.
Ce ne fut que vers 1843 que la Bibliothèque communale prit un certain essor.
En 1849, elle comptait cinq mille volumes et, sur la proposition du maire, M. Bizet, elle fut aménagée dans les combles de l'hôtel de ville, puis ouverte au public le 9 octobre 1850.
L'année suivante, la ville acquit plus de quinze mille volumes appartenant à M. Le Hir, jurisconsulte distingué, qui avait laissé, en mourant, de riches collections, et un nouveau local, plus spacieux, fut alors réservé, dans la halle aux blés, à la bibliothèque municipale, où le public fut admis, pour la première fois, le 5 juillet 1853.
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Le Musée installé, comme la Bibliothèque, dans les galeries de la Halle, fut fondé au mois de mai 1875 à la suite d'une exposition artistique, à laquelle tous les Brestois, propriétaires de toiles et de tableaux de prix, avaient participé en mettant leurs richesses à la disposition de la ville.
L'aménagement d'une salle des fêtes dans le bâtiment de la halle, projeté depuis plusieurs années, fut décidé en 1892 à la nouvelle que le président Carnot devait faire l'année suivante un voyage en Bretagne et s'arrêter à Brest.
La splendide décoration de la salle et de ses abords, confiée à M. Diosse, était terminée en juin 1893, quand on apprit que l'état de santé de M. Carnot l'empêchait d'effectuer son voyage en Bretagne.
La salle des fêtes fut inaugurée le 10 avril 1894 par un concert exceptionnellement brillant qu'organisèrent les réputés professeurs Allègre et Tréguier.
La place de la Halle prit en 1896 le nom de place Sadi Carnot.
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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel
Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003
Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.
En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.
Jusqu'en 1939
Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.
Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.
Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.
Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »
Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.
En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.
Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.
Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».
Conférencier remarquable
Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.
Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.
Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .