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1922

Les rues de Brest

par Ollivier LODEL

- Article 36 -


 

Auteur : Ollivier Lodel (*)

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Sources : La Dépêche de Brest 14 décembre 1922

 

II y a deux cents ans — et jusqu'au milieu du siècle dernier — toute l'activité commerciale de Brest et de Recouvrance se concentrait sur les deux rives de la Penfeld :

Le quai Tourville et le quai Jean Bart, où se trouvait le port marchand.

 

Il était d'un accès difficile, car les navires, après avoir doublé la Pointe, devaient éviter l’écueil de la Rose qui émergeait à l'entrée du chenal.

 

C'est sur la Rose que, de temps immémorial — quand les Brestois étaient sous la domination du gouverneur du Château — tout futur mari devait aller, en plongeant, arracher une. poignée de goémon pour prouver qu'il était bon marin.

 

Les premiers travaux de dérasement de cette roche, accomplis vers 1860, étaient insuffisants, car l'écueil formait, encore un plateau qui n'avait guère que cinq mètres à marée basse.

Le dérasement total, à l'aide d'appareils à air comprimé, fut terminé, en 1881, sous la direction de M. Villotte ingénieur des ponts et chaussées.

 

L'encombrement des quais du port, marchand fut, de tout temps, l'objet des plus vives doléances.

 

Dès 1740, les maîtres de navires se plaignent de ne pouvoir décharger leurs marchandises, « la plus grande partie des quais étant réservée, pour le service du Roy, et le peu de place qui reste étant employé, trois jours par semaine, aux marchés ou à la réparation des bateaux de passage ».

 

Et plus les années passent, plus s'accroît, pour les marines militaire et marchande, la gêne de se trouver réunies sur les rives de la Penfeld ;

les postes d'amarrage sont presque toujours occupés par les bâtiments de guerre.

 

En 1850, le port de commerce reçoit une moyenne de quatre-vingts navires par mois, et on met quinze à vingt jours avant de commencer le débarquement, de cargaisons dont, le transport, n'a souvent exigé que vingt-quatre heures.

Il n'est pas rare de voir une cinquantaine de navires sur rade qui attendent, un mois avant de pouvoir entrer dans le port.

 

C'est à partir de 1850 que municipalité et Chambre de commerce vont coordonner leurs efforts et, multiplier leurs démarches pour obtenir la création d'un port à Porstrein.

Le Porstrein 05.jpg

 

Deux siècles auparavant — M. de Clerville, en 1667 ;

Vauban, en 1683 ;

Desclouzeaux, en 1697, avaient demandé l'établissement d'un port de commerce distinct du port militaire, et choisi son emplacement dans, l'anse de Porstrein.

 

Trois anses découpaient autrefois ce rivage :

l'anse de Porstrein au-dessous du Château et des remparts du cours Dajot ;

l'anse Grivart au bas des rochers du Merle-Blanc

et l'anse Poullic-al-Lor sur l'emplacement de laquelle s'élève, l'usine à gaz.

 

« Faire le tour de Porstrein » était autrefois l'une des promenades favorites des Brestois.

 

Au sortir de la ville par la porte de Landerneau, on suivait un chemin — sur lequel a été tracée de l'avenue de la Gare — qui aboutissait aux guinguettes du « Petit Jardin ».

On longeait ensuite le pittoresque sentier de Porstrein qui dominait la rade et on rentrait à Brest par le bas du cours Dajot.

 

Chaque, fois que les circonstances provoquaient une grande activité commerciale ou militaire, on pensait à la création d'un port marchand.

 

C'est ainsi que lors de la guerre d'Amérique (1778) pendant laquelle on comptait sur notre rade jusqu'à 81 vaisseaux de haut bord et 60 frégates, l'encombrement de l'entrée de la Penfeld fit éclore de nouveaux projets.

 

En 1769, un plan de l'ingénieur de la marine Blondeau, plaçait le port marchand dans l'anse de Lanninon.

 

Son successeur, M. Trouille, le fixait à Porstrein et le reliait au port militaire par un canal, là où était construit le tunnel de la voie ferrée de l'arsenal.

Ce projet reçut un commencement d'exécution, en 1788, mais les événements politiques firent suspendre les travaux.

 

On trouve, en 1810, un nouveau projet de M. Trouille, alors ingénieur en chef des ponts-et-chaussées et directeur des travaux maritimes à Brest.

Il comprend un bassin de 10 hectares, avec 1.400 mètres de quais, trois formes de radoub dans les terre-pleins, et un canal de communication avec le port militaire par les fossés du Château.

 

Ce ne fut qu'en 1856 qu'une décision ministérielle admit, en principe, la nécessité d'un port à Porstrein, et cet emplacement fut alors vivement combattu par M. Aristide Vincent, ingénieur civil, qui demandait la construction du port à Landévennec, et surtout M. Leroy de Keraniou, ancien capitaine au long-cours qui mena une vigoureuse campagne pour l'établissement du port de commerce dans l'anse de Kerhuon.

 

Le port de Porstrein sortit enfin victorieux des longues épreuves qu'il avait eu à subir et fut décrété par décision impériale du 24 août 1859.

Le Porstrein 04.jpg

 

Les premiers travaux commencèrent en 1861 par l'excavation de la falaise de Poullic-al-Lor, la construction de la jetée ouest et des rampes de la gare.

Dès 1865, le port de commerce fut transféré des quais de la Penfeld à Porstrein, et la plupart des boutiquiers de l'ancien port marchand vinrent s'installer sur les terre-pleins des bassins en construction.

 

Les travaux coûtèrent environ vingt millions et ne furent entièrement terminés qu'en 1879.

 

Entre temps (1869), le génie militaire, cédant aux sollicitations de la ville, fit édifier, moyennant une subvention de 30.000 francs, l'escalier du cours Dajot et de 1865 à 1874, les transatlantiques français de la ligne de New-York firent escale à Brest.

 

Depuis cette époque, à chaque renouvellement de la convention postale entre la France et New-York, des ardents pionniers de Brest Transatlantique, tels les amiraux Réveillère et Galache, le sénateur Pichon, le président de la Chambre de commerce Martille, M. Casimir-Périer menèrent en vain la campagne la plus ardente pour l'adoption de Brest, tête de ligne entre les deux continents.

 

Une forme de radoub, dont la longueur atteint 225 mètres, indispensable au port d'attache d'une ligne de paquebots rapides, a été construite en 1903.

 

Pendant la guerre, les Américains ont démontré expérimentalement le bien-fondé de la cause Brest-Atlantique.

 

De mars à novembre 1918, notre rade reçut, chaque mois sans encombre, sans qu'on ait eu à signaler le moindre accident de mer, des trente et quarante paquebots amenant en France des centaines de mille hommes et des milliers de tonnes de matériel et de denrées.

 

Nous avons vu le Léviathan que Liverpool ne pouvait recevoir — parce qu'inaccessible, sauf par certaines marées, aux navires de 50.000 tonnes — arriver sur rade avec treize grands paquebots qu'escortait une nuée de patrouilleurs accourus à leur rencontre.

En six heures, 48.000 hommes étaient débarqués.

Et quarante-huit heures après, les navires avaient fait leur charbon, embarqué l'eau et les vivres ; tout le convoi, le Léviathan en tête, retournait aux États-Unis.

 

« Brest est le grand port de l'Europe » affirmait, en 1918, l'amiral Wilson, commandant en chef des bases navales américaines de l'Atlantique.

 

On le dit, hélas ! Depuis soixante ans.

 

À voir : Photos du trafic sur rade en 1919 lors du retour des soldats Américains vers leur pays

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(*) Olivier Lodel – Ollivier Lodel – Louis Delourmel

 

Source : Le Télégramme de Brest 7 mars 2003

 

Natif de Rennes en 1873, Louis Delourmel, après avoir satisfait à ses obligations militaires, devenait, en 1895, archiviste adjoint du département d'Ille-et-Vilaine.

En 1899, apprenant que le poste d'archiviste de la ville de Brest devient vacant suite à la démission du Dr Corre, il sollicite et décroche cette succession.

 

Jusqu'en 1939

 

Peu de temps après, le Dr Marion, bibliothécaire, décède.

Il brigue son remplacement et l'obtient contre la promesse d'achever l'histoire de la ville et du port commencée par P. Levot et de terminer l'inventaire du fond de l'Amirauté du Léon entamé par le Dr Corre.

Il est donc, à partir de 1900, archiviste bibliothécaire de la ville de Brest et le restera jusqu'en 1939.

 

Chroniqueur à « La Dépêche de Brest »

 

Outre ses nombreuses tâches que lui impose sa fonction, il présentera, pendant 40 ans, aux Brestois, dans les pages de la «Dépêche de Brest», sous le pseudonyme d'Olivier Lodel, de nombreuses études historiques.

En 1923, il publie « Une histoire anecdotique de Brest à travers ses rues », qui sera rééditée en 1946, sous le titre « Le vieux Brest à travers ses rues », illustrée par Pierre Péron.

Son œuvre maîtresse restera « Le Livre d'or de la ville de Brest », ouvrage inachevé mais imprimé.

Par ailleurs, il avait publié en 1909 un « Essai de bibliographie brestoise » et un « Brest pendant la Révolution ».

 

Conférencier remarquable

 

Secrétaire de la Société académique de Brest, il publie encore dans le bulletin de cette assemblée de nombreux articles et donnera aussi, lors de réunions, des conférences fort prisées.

Ses activités vaudront à Louis Delourmel, outre d'être devenu l'historien brestois, les décorations de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.

Il disparaît le 12 juin 1944 dans sa propriété de Portsall où il s'était réfugié pour fuir les bombardements .

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