1937
Le 14 juillet 1790
à Saint-Pol-de-Léon
Source : La Dépêche de Brest 18 juillet 1937
Le 5 juillet 1790, le conseil général de Saint-Pol « arrêtait » de faire élever sur la grande place un autel à la patrie
« avec toute la décence possible pour le jour mémorable et si désiré du 14 », et d'y faire célébrer une messe par le R. P. Turquet, supérieur des Minimes, aumônier de la municipalité et de la garde nationale.
À la suite de la cérémonie religieuse, le conseil général devait renouveler son serment d'être fidèle à la nation, à la loi, au roi.
Étaient nommés commissaires de la fête :
MM. Le Gall de Kerven, procureur de la commune :
Figuières, Berdélo, officiers municipaux ;
Michel du Coin, Le Guével et Bolloré, notables.
Sollicité de donner son agrément à la célébration de la messe, Mgr de La Marche, évêque de Léon, envoyait au conseil une lettre signifiant son refus formel ;
refus motivé par les critiques qu'il faisait à la constitution civile du clergé (lettre du 11 juillet 1790).
Le 12, le sieur Le Hir, maire convoque le conseil à 8 heures du matin, pour délibérer sur les mesures à prendre.
L'assemblée est d'avis d'envoyer au père Turquet un « réquisitoire » pour qu'il célèbre la messe le 14, sur l'autel de la Patrie, comme il en a déjà pris l'engagement, mais le supérieur des Minimes doit s'excuser en communiquant au conseil la lettre qu'il vient de recevoir de l'évêque :
« On m'a dit, mon révérend père, que vous vous proposiez de dire la messe à l'autel, que MM. de la municipalité font dresser sur la place ;
pour éviter toute erreur de votre part, je crois devoir vous prévenir que je n'ai pas pensé pouvoir donner la permission d'y célébrer, et qu'en conséquence, aucun prêtre ne pourrait y dire la messe sans recourir à la suspense portée par les statuts du diocèse ;
instruit, soit par moi, soit par MM. de la municipalité que j'ai refusé cette permission, je suis bien assuré que vous vous excuserez de remplir les engagements conditionnels que vous pourriez avoir pris.
Je suis, avec un sincère attachement, mon révérend père, votre très humble et très obéissant serviteur. »
J. Fr. év. de Léon.
Le 13, à 8 heures du soir, la municipalité est de nouveau convoquée.
On décide d'envoyer sur le champ une invitation au R. P. Paulier, prieur des Minimes de Saint-Fiacre, près Morlaix (évêché de Tréguier), de venir remplacer son confrère.
Il accepte et arrive à Saint-Pol, le 14 Juillet, vers 9 heures du matin.
Le temps n'est pas des plus beaux, le vent souffle avec force.
Le R. P. Paulier fait observer qu'il ne pourra peut-être pas célébrer sur la place le saint sacrifice de la messe.
À sa demande, le conseil envoie au sieur Troërin, chanteur de la cathédrale, une députation de trois officiers municipaux, décorés de leur écharpe et précédés d'un héraut, afin d'obtenir l'agrément du chapitre pour la célébration de la messe dans la cathédrale.
Le sieur Troërin répond qu’il consultera le chapitre ;
comme à 11 heures, aucune réponse n’est venue, l’assemblée municipale envoie un héraut ;
on lui fait savoir que l’évêque a répondu « qu’il n’était pas décent qu’on fût allé de l’autel au théâtre. »
Il ne reste à la municipalité qu’à faire prendre toutes les précautions « pour célébrer, sans risque d’enlèvement de l’hostie, le saint sacrifice de la messe. »
Vers 11 h. 30. le conseil général, accompagné d'une garde d'honneur, de l'aumônier, du père prieur des Minimes et des autres religieux de sa communauté, se rend sur la place où a été dressé l'autel de la Patrie.
Dans une des délibérations du conseil général de la commune, on trouve de cet autel la description suivante :
« Un autel à la romaine, décoré de quatre colonnes, avec bases et chapiteaux, couvert d'un dôme, surmonté dans son endroit le plus élevé, d'une pyramide, avec une couronne garnie de lauriers et de fleurs, les colonnes garnies également, ainsi que les espaces, les quatre ouvertures de l'édifice surmontées d'arcs de triomphe garnis de lauriers, et les colonnes de pyramides d'une même hauteur aussi garnies de lauriers. »
L'autel est encadré du carré des troupes :
la garde nationale, les détachements Normandie et de Beauce, drapeaux en tête.
La messe est annoncée par un roulement de tambours, laquelle dite, l'officiant, le R. P. Paulier, prononce un sermon, dans lequel il s'attache à montrer les avantages de la nouvelle constitution, exhorte les pères à élever leurs enfants dans des sentiments d'attachement à leur religion, et à leur inspirer de bonne heure les sentiments à la Patrie, au roi, à leurs concitoyens.
Le maire prononce un autre discours, qu'il termine en prêtant le serment fédératif « de même que l'officiant et les religieux qui l'accompagnent à l'autel ».
Prêtent encore le serment fédératif :
les officiers municipaux, les notables, le procureur de la commune, le secrétaire greffier, MM. De Mazangeau, commandant le détachement de Normandie et de Beauce ;
puis les troupes, les « écoliers », et une foule de citoyens.
L’officiant entonne le « Te Deum », « en action de grâce de l’heureuse Fédération qui unit à jamais les Français ».
La fête se termine par une salve de 21 coups de canons et dans l’allégresse générale.