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1937

Ce que fut l'ancien hospice de Brest
de 1506 à nos jours
par Charles Léger

 

 

Source : La Dépêche de Brest 3 novembre 1937

 

Fort des Fédérés, vélodrome de Kerabécam, route de Kerinou, qui s'y retrouverait aujourd'hui ?

Le sol a subi un total et complet bouleversement.

Comblements, creusements, aplanissements, il ne subsiste plus rien de l'ancien profil du terrain.

Et cependant, des pelles automatiques œuvrent encore, des grues électriques dressent leur fine dentelle vers le ciel.

En tranchées larges et profondes s'inscrivent dans le sol les soubassements du futur hôpital.

 

Approximativement, vers l'aboutissement de la nouvelle route de Kerinou sur l'ancienne, une dalle de béton a été placée en bout de tranchée.

Elle va représenter la première pierre de l'établissement.

Une logette rectangulaire y est aménagée pour recevoir le tube de plomb renfermant le parchemin qui doit, dans l'avenir, évoquer symboliquement la cérémonie de pose.

 

Il y a deux siècles et demi qu'une cérémonie du même genre se déroulait sur les bases de l'hospice actuel.

Elle était présidée, le 4 mai 1636, par Mme la duchesse de Portsmouth.

Il ne s'agissait encore que de la construction d'un bâtiment s'ouvrant sur la rue Saint-Yves, à hauteur de l'extrémité du petit square actuel.

 

Cependant, l'origine même de l'hôpital était plus ancienne, puisqu'en 1506 il existait déjà une maison louée 90 livres par des personnes charitables pour soigner les nécessiteux.

 

Le 17 février 1664, on avait acheté, dans la même rue Saint-Yves, pour 520 livres, une autre maison.

 

Certes, vers cette époque, quand l'hôpital s'élevait aux abords des fortifications, qui suivaient alors la rue Traverse, il jouissait d'une excellente situation au point de vue sanitaire; mais cette situation ne s'est guère améliorée, au contraire.

 

Tout alentour, la ville s'est étendue, a dressé des façades là où s'élevaient des arbres, a repoussé ses remparts, les a même dépassés au loin, tant et si bien que l'hôpital est demeuré enserré entre ses bâtiments vétustés, insuffisants, inconfortables.

 

Aucune organisation complète ne présida à la constitution de cet hôpital.

Des dons, de vagues subventions, quelques privilèges plus ou moins heureux et cela on dressait un mur, on s'efforçait de créer une nouvelle salle ou d'agrandir une ancienne ; on construisait parfois une maisonnette ou un hangar, selon les disponibilités.

Aurait-on voulu faire de l'hôpital de Brest un musée de l'habitation à travers les âges qu'on n'eût pas mieux réussi.

 

Il est vrai que la situation financière de l'établissement fut de tout temps des plus pénibles, tant qu'il n'eut pas de ressources propres.

 

En 1657, la maison qui servait d'hôpital était incendiée par les soldats que M. le duc de Beaufort y avait placés.

Avec des fonds provenant d'aumônes, on tentait de la rebâtir.

Mais ces fonds absorbés,

« il n'y avait de terminé, dit Levot, qu'un très petit bâtiment faisant face à la rue Saint-Yves et aboutissant à la rue Traverse ; encore n'était-il qu'à moitié couvert et se trouvait-on réduit à placer dans les chambres, du côté qui l'était, les lits des malades ».

 

La première pierre de l'hospice actuel avait été posée, avons-nous dit, en 1636 mais le bâtiment qui devait former l'angle des rues Saint-Yves et Traverse n'était achevé qu'en 1708.

 

Diverses donations permirent, seules, d'agrandir encore certaines ailes, mais dans quelles pauvres proportions !

N'était-on pas encore souvent contraint de placer trois individus dans le même lit !

 

Bien qu'on eût acquis successivement d'autres immeubles qui se trouvaient en bordure ou dans l'enclos même de l'hôpital, les enfants malades, comme « les bien portants », étaient entassés dans les mêmes salles et décimés par le scorbut.

Les soldats de la garnison n'y pouvaient tous être reçus, faute de place.

 

La ville, en 1783, cédait à l'hôpital un terrain situé devant l'église des Carmes, puis demandait à lui attribuer le produit d'un droit d'octroi perçu sur le vin et l'eau-de-vie vendus par les marchands forains.

 

Cependant, lors de la Révolution, la dette s'élevait à 148.872 livres.

Les dépenses annuelles étaient de 100.000 livres et comme la plupart des privilèges étaient supprimés, les recettes n'étaient plus que de 27.000 livres.

Les seuls revenus certains n'étaient constitués, en 1800, que par les droits de place payés par locataires de 58 échoppes situées en divers points de la ville.

 

La dette de l'hospice s'élevait à 81.653 fr. 35 en 1815.

Il est vrai qu'il s'y trouvait alors plus de 700 enfants trouvés.

Cinq ans plus tard, le chiffre était passé à 105.780 fr. 48.

 

Le conseil municipal résolut, vers cette époque, d'assurer dans la mesure de ses moyens le fonctionnement normal d'un établissement aussi utile et il consentit au versement de subventions importantes.

D'autre part, pour rétablir la situation, l'hôpital vendit diverses propriétés.

 

Cependant, en 1866, P. Levot écrivait déjà :

« Les bâtiments de l'hospice, insuffisants et tombant, en partie, de vétusté, ne sont pas appropriés à ses besoins.

L'absence de salles de bains n'est pas la seule lacune regrettable qu'on y remarque.

Aussi l'administration de la ville et celle de l'établissement se sont-elles maintes fois préoccupées des moyens de remédier à ce fâcheux état de choses.

Les uns s'appliquaient à la reconstruction de ces bâtiments sur les terrains qu'ils occupent ;

d'autres avaient en vue la vente de ces terrains, dont la situation assurerait un prix permettant, ou peu s'en faut, de construire tout à la fois un hospice et un hôpital avec leurs annexes actuelles, dans la nouvelle ville où ils pourraient être convenablement isolés et recevoir tous les développements que commande la diversité des besoins auxquels ils ont réciproquement à satisfaire.

Quelle que soit la décision qui sera prise, elle ne saurait être différée. »

 

La décision ne saurait être différée !

Combien de fois l'a-t-on répété depuis l'époque où l'écrivait Levot ?

 

Certes, l'hôpital a reçu, depuis, bien des aménagements et des équipements de premier ordre, mais il demeure toujours dans ses limites, surtout composé de vieux bâtiments intransformables.

 

C'est pourquoi il convenait de marquer par une cérémonie, aussi simple fut-elle, le début des nouvelles constructions.

La pose de la première pierre de l'hôpital moderne, à présent en période de réalisation, aura lieu cet après-midi, à 16 heures.

 

Après le geste rituel, la commission administrative offrira un vin d'honneur sur le terrain de l'ancien fort des Fédérés.

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