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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


1 août 1940

Jour 44
 

 

Dès le 16 juin, des marins et des soldats du 2e R. I. C, commandés par le lieutenant Desnoyers, vinrent organiser le secteur de résistance, à Guipavas, sous la direction du chef de bataillon qui avait procédé à l'installation de celui de Landerneau.

 

Malgré les protestations des habitants et une démarche du maire, M. Goux, près du préfet maritime, une pièce de 75 fut mise en batterie en plein milieu du bourg, sur le champ de foire, au-dessus de la bascule municipale.

Son tir devait prendre en enfilade la route de Landerneau.

 

Des chevaux de frise, hâtivement construits à l'arsenal, pendant la nuit furent amenés par camions.

Ils étaient constitués par un trépied de fers à V surmonté de cornières assemblées à la soudure électrique, formant des pyramides à trois côtés, hautes d'environ un mètre.

 

Les trois pieds étaient profondément assujettis dans le sol au moyen de longues pointes de fer.

Une dizaine d'éléments semblables, étaient réunis par un gros câble d'acier passant dans l'ouverture de l’U, du plus grand côté des trépieds.

Ce câble était fixé à des piquets enfoncés dans les talus.

L'ensemble barrait complètement la route dans toute sa largeur.

 

Deux barrages semblables, distants de quelques mètres l'un de l'autre, furent établis en avant du village du Conte à environ 400 mètres des premières maisons du bourg.

 

Dans le jardin de la première maison du Conte, surplombant la route et appartenant à M. Mézou, le caporal-chef Georges Caraboulis, du 2e colonial, avec six hommes, mit en position, sur son trépied, un fusil-mitrailleur qu'il dissimula entre deux cyprès.

 

Deux mitrailleuses furent aussi braquées dans la direction de la route de Landerneau.

 

Sur la route de Ploudaniel, deux canons de 37, deux mitrailleuses et des fusils mitrailleurs prirent position.

 

Dès le point du jour, le 19 juin, tout le monde était à son poste.

Le village fut évacué, à part une vingtaine de personnes qui tinrent à rester.

Les autres habitants s'éparpillèrent dans les fermes et les champs environnants.

 

Vers 19 heures, les premiers éléments motorisés — motos, autos-blindées, tanks légers — venant de Landerneau, débouchent au haut de la côte.

 

Le fusil mitrailleur du caporal-chef Caraboulis, ouvre le feu.

Les Allemands ripostent.

Les balles de leurs mitrailleuses s'abattent sur les toits de cinq maisons, en face la mairie, dont elles arrachent les ardoises et retombent sur les arbres du champ de foire.

 

Les canons des tanks entrent en action.

Un obus tombe sur la bascule municipale, derrière laquelle se trouve la pièce de 75 que les servants viennent heureusement d'abandonner.

 

Le caporal-chef Caraboulis, voyant l'inefficacité de son tir, quitte son abri et installe son fusil-mitrailleur, sur le bas-côté de la route, devant le mur du jardins surélevé de M. Mézou et abrite ses hommes derrière des fagots de bois.

 

L'ordre de cesser le feu a été donné, mais ne lui est pas parvenu.

Un obus éclate au milieu de la route, à quelques mètres en arrière de l'arme automatique.

La maison voisine porte la trace des éclats et l'on voit un pan de la rampe en ciment de l'escalier du perron, arraché.

 

Un éclat blesse grièvement à la tête le caporal.

Ses hommes l'emportent dans la maison de M. Mézou, en enfoncent la porte, prennent du linge et font un pansement à leur chef de pièce.

 

Quelques soldats allemands arrivent, entrent dans la maison, mais, voyant un blessé, se retirent sans inquiéter les soldats qui le soignent.

 

M. Alphonse Calvez qui, imprudemment, se tenait sur la porte de sa maison, derrière la Place aux vaches, est légèrement blessé à la cuisse par un éclat d'obus.

 

Tout cela n'a duré que quelques minutes.

La plupart des défenseurs ont pu se replier avant d'être encerclés.

 

En effet, les Allemands se sont ouvert un passage au milieu des barrages.

Cinq tanks se sont engagés dans le chemin de terre qui, passant devant le village de Ribouze, contourne le bourg de Guipavas.

 

Devant une ferme de Ribouze, une des chenilles du premier tank se détache, immobilisant les quatre autres, dont des mécaniciens descendent, réparent rapidement l'engin en panne.

Les véhicules reprennent leur marche.

 

LES PRISONNIERS

 

La plupart des hommes composant le détachement chargé de la « résistance », ont eu le temps de s'égailler à travers champs.

Les troupes allemandes ne cherchent pas à les poursuivre et se contentent de faire prisonniers le commandant, le lieutenant et les six hommes restés avec le caporal blessé.

 

Le commandant a soif.

On lui apporte un bock.

 

— Peu importe le sort qui m'est réservé, dit-il en remerciant, puisque mes hommes ont pu se sauver.

 

Sous escorte, les prisonniers étaient emmenés à pied, quelque temps après, dans la direction de Landerneau.

 

Le caporal-chef Georges Caramboulls, soldat de carrière est marié.

Des soldats allemands l'avaient transporté chez M. Thoer, à Kerivin, où il passa la nuit.

Le lendemain matin, une voiture de la marine venait l'y chercher pour le conduire à l'hôpital maritime de Brest où il dut subir l'opération du trépan.

Son état est aujourd'hui aussi satisfaisant que possible.

 

La colonne allemande avait poursuivi sa route vers Brest et sa tête arrivait à hauteur des établissements Citroën, à 7 h. 45.

Par Lesneven et Gouesnou, une autre colonne, quelques instants plus tôt, était arrivée à la Porte du Conquet.

 

(À suivre)

 

La réduction des moyens de transport augmente de jour en jour les difficultés du ravitaillement.

M. l'ingénieur Fayolle, directeur de l'artillerie navale, s'est, on le sait, proposé, dans le double but de rendre service à la population et d'éviter le licenciement d'un grand nombre de ses ouvriers, de procéder à la remise en état du matériel et des voies de ce « petit train ».

 

On réclame aujourd'hui sa remise en marche.

Le préfet et le Conseil général vont avoir à examiner si le projet est réalisable.

 

Les ouvriers de l'artillerie navale procèdent actuellement au désherbage des voies, envahies par les ronces, pour permettre à des spécialistes d'examiner l'état des traverses et des rails.

 

Des ingénieurs ont constaté que sur quatre locomotives trois devaient subir d'importantes réparations, mais deux machines pourraient, en attendant, être louées à une entreprise de travaux maritimes, dont les travaux sont interrompus.

 

Avant la fin de la semaine, un devis sera établi par l'artillerie navale et, après entente avec le service des Ponts-et-Chaussées, sera présenté à Quimper au préfet du Finistère.

 

Le premier tronçon mis en service sera celui reliant Landerneau à Lesneven, prolongé ensuite jusqu'à Saint-Pol-de-Léon.

Il est probable qu'il sera nécessaire de rétablir aussi la ligne Landerneau-Lambézellec pour permettre d'acheminer par le train le matériel réparé par l'arsenal.

 

Il sera indispensable de remplacer les traverses en mauvais état par d'autres empruntées aux voies dont jusqu'ici la mise en exploitation n'est pas envisagée.

 

D'autre part, le syndicat des fabricants de conserves de Bretagne demande le rétablissement des lignes Douanerez-Audierne-Rosporden-Concarneau et Quimperlé-Pont-Aven.

Voici d'ailleurs la pétition adressée à M. Guillemot, secrétaire général du syndicat :

 

Monsieur le secrétaire général,

 

J'ai l'avantage de vous rappeler ci-après la conversation que nous avons eue dernièrement au sujet du rétablissement de la ligne départementale du chemin de fer allant de Saint-Guénolé à Pont-l'Abbé.

 

Il serait absolument nécessaire de remettre en état les quelques tronçons de voies qui ont été enlevés sur cette ligne et de rétablir une circulation régulière du petit train, ce qui me semble ne devoir être ni très coûteux, ni très long à faire.

 

Cette ligne assurerait non seulement le ravitaillement de notre port, ainsi que des ports du Guilvinec, de Kerity et de Lesconil, mais encore permettrait l'expédition régulière de tous les produits de la pêche (crustacés ou poissons frais), ainsi que les conserves.

 

Actuellement, les chalutiers de Saint-Guénolé, de Kerity ou d'ailleurs ne sortent plus, parce que faute de moyens d'expédition, ils ne pourraient assurer l'écoulement de leurs pêches.

Le manque d'essence, d'une part ;

l’impossibilité d'obtenir des renseignements par le téléphone et la lenteur des correspondances, vont d'ici peu arrêter toute activité économique dans notre région.

En plus des intérêts des pêcheurs, il y a lieu de signaler que ceux de la culture ne sont pas moins importants.

 

Je vous serai donc obligé de faire auprès des autorités compétentes tout votre possible pour obtenir le rétablissement du petit train.

Je me suis permis de demander à plusieurs personnes spécialement intéressées par la question de joindre leurs signatures a la mienne.

 

Dans l'espoir que vos efforts aboutiront, et en vous remerciant à l'avance de votre peine, je vous prie d'agréer, monsieur le secrétaire général, mes salutations distinguées.

 

Nous ne pouvons que publier cette lettre en souhaitant que l'initiative prise par M. l'ingénieur général Fayolle soit couronnée de succès dans le plus court délai possible.

 

Pour procurer du travail à ses ouvriers, l'artillerie navale avait offert aux cultivateurs ne pouvant se procurer de pièces de rechange pour leurs batteuses, faucheuses, etc..., avant les moissons, de s'adresser à ses services.

 

Elle a eu la satisfaction de recevoir déjà plusieurs commandes, qu'elle s'efforce d'exécuter aux prix les plus réduits.

Il suffit d'adresser un croquis coté des pièces nécessaires.

 

*

**

 

Enfin, toujours pour parer au manque d'essence, l'artillerie navale prévoit l'adaptation aux camions, et même aux automobiles, de gazogènes fonctionnant au charbon de bois ou au bois.

Ce projet est à l'étude.

L'artillerie navale pourra procéder sous peu à la transformation des véhicules.

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