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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


10 juillet 1940

Jour 22
 

 

Alors que la plupart des travaux ayant, trait à la marine nationale ont été brusquement interrompus, mettant en chômage des milliers d'ouvriers, il est agréable de constater que le service des ponts et chaussées a réussi à obtenir l'autorisation de laisser ouverts quelques chantiers.

S'ils ne permettent pas encore l'emploi d'un nombreux personnel, ces travaux occuperont cependant une centaine d'ouvriers.

 

On sait qu'à Ouessant l'importante entreprise parisienne Saintrapt et Brice continue, le bâtiment devant abriter la centrale électrique du grand phare du Créach et le logement de ses gardiens.

 

La même entreprise va poursuivre sur le terre-plein de La Ninon l'achèvement du bâtiment attenant aux subsistances de la marine.

 

Depuis lundi, au port de commerce, elle poursuit, à la Jetée  Est, le prolongement de l'appontement, commencé il y a huit ans, pour permettre l'accostage en eau profonde, par fond d'une dizaine de mètres au-dessous des basses mers, des grands cargos.

 

Il a fallut, lundi, dégager le chantier de tous les matériaux qui l'encombraient.

Le travail a réellement commencé hier matin.

 

Il s'agit de prolonger de 80 mètres l'appontement qui élargira de 25 mètres le quai existant.

 

Des pieux, longs de 20 ou 24 mètres, ont été construits et s'alignent à l'extrémité de la Jetée  Est.

Ils sont faits de huit barres d'acier de 30 millimètres de diamètre.

Ces barres sont ligaturées sur toute leur longueur par un gros fil de fer et noyées dans un béton à forte dose de ciment, que coule une bétonneuse dans des coffrages métalliques de forme octogonale.

Les pieux se terminent en pointe à l'une des extrémités.

Ils pèsent de 12 à 15 tonnes.

 

Une grue les soulèvent, les chargent sur un chaland qui en porte quatre et les conduit près du ponton d'une « sonnette » qui actionne, au moyen de la vapeur, un « mouton » du poids de neuf tonnes.

 

La grue dresse le pieu verticalement.

Le « mouton », à coups répétés, l'enfonce jusqu'à ce qu'il rencontre le plateau rocheux devant constituer à l'ensemble une base solide.

 

L'opération est menée avec précision sous la surveillance d'un agent des ponts et chaussées.

Parfois, le pieu rencontre une roche, les coups redoublés du « mouton » ne parviennent à le faire descendre qu'imperceptiblement.

On augmente sa course.

Tous les vingt coups, on mesure la descente du pieu et le chef de chantier annonce au surveillant qui l'inscrit des chiffres de l'ordre de 20 à 40 millimètres.

 

Puis, subitement, sous les chocs répétés, la roche sur laquelle la descente avait été arrêtée s'effrite, et le pieu trouvant une poche, poursuit sa course Jusqu'à ce qu'il arrive « à refus » et que le « casque » qui encapuchonne son sommet oppose une résistance aux heurts, prouvant que sa pointe s'est encastrée dans la solide assise recherchée.

 

Les pieux s'alignent à environ 8 mètres les uns des autres.

 

Quand ce travail sera terminé, on construira une charpente en béton armé qui les reliera entre eux et viendra s'accrocher à un muretin également en ciment armé construit sur le soubassement en pente, actuellement enduit d'une couche noire et grasse de mazout, de la Jetée  Est.

 

Sur cette charpente, sera coulée une plateforme en béton qui recevra la chaussée et terminera l'appontement.

 

C'est à M. Piquemal, ingénieur des ponts et chaussées, qu'incombe la direction des travaux confiés à l'entreprise Sainrapt et Brice, dont M. Bouillé, ingénieur-directeur, assiste de M. Labat, son adjoint, est le représentant à Brest.

C'est à leur Initiative et à leurs démarches que l'on doit la reprise de ces travaux.

 

Souhaitons revoir bientôt, accostés au quai en eau profonde, les grands cargos qui donneront à notre port de commerce une vie nouvelle.

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