1940 - 1944
Chroniques d'occupation
17 juillet 1940
Jour 29
Réfugiée à Brest, une fermière normande s'étonnait de la rareté des oies dans les basse-cours de notre région :
— Je suis surprise de ne pas voir vos fermiers se livrer à cet élevage, disait-elle.
En Normandie, on en élève beaucoup moins que dans le Midi, bien sûr, mais suffisamment pour en tirer un appréciable profit, puisque l'oie se suffit à elle-même et demande peu de soins.
C'est une vagabonde.
Elle aime les grands espaces, les prairies, les chemins où elle peut pâturer à volonté.
Son élevage ne coûte rien.
Elle n'est pas difficile.
Elle se contente du maigre gazon des talus, des plantes de sarclage, des épis glanés dans les chaumes et se délecte des restes de cuisine dédaignés par les poules ou le chien.
L'oie est d'un excellent rapport.
Son grand poids, sa chair estimée, le prix élevé de son duvet et même de sa peau, rendent très productif son élevage.
Le poids moyen d'une oie est de 8 kilogrammes, poids qu'elle atteint facilement à l’âge de cinq à six mois.
La ponte a lieu vers mars.
Elle est d'une vingtaine d'œufs, énormes.
On peut les employer dans la pâtisserie ou les « fars », mélangés à des œufs de poules.
Le mâle (le « Jars »), ne doit guère avoir plus de quatre femelles.
Elles ne le quittent jamais et le suivent pas à pas.
Pour obtenir des œufs bien fécondés, il faut donner, autant que possible, au troupeau, l'accès d'une petite pièce d'eau ou d'un ruisseau.
L'oie est une bonne couveuse, mais une mère médiocre.
Je fais couver ses œufs par des poules.
Vers le trentième Jour, les oisons tentent briser la coquille de l'œuf.
Ils n'y parement pas toujours cette coquille étant paisse et résistante.
Il faut les aider.
J'emploie un procédé très simple :
J'humidifie les œufs avec de l’eau tiède et je les replace dans le nid.
La coquille sèche rapidement, mais elle infiniment plus facile à briser qu’auparavant.
Je n'ai jamais eu de mécomptes en pratiquant ainsi.
Après avoir, pendant une dizaine de jours, donné aux oisons une pâtée à laquelle j’ajoute un jaune d'œuf cuit dur.
Je cesse de m'occuper d'eux.
Ils vont rejoindre le troupeau de leurs aînés, trottant toute la journée, mangeant de l'herbe et rentrant le soir dans leur abri.
Confit d'oie et foie gras
La chair de l'oie est très savoureuse.
Il y a mille façons de l'accommoder.
D'une oie Moyenne on fait un plat pour 15 convives à l'appétit robuste.
On peut aussi conserver la chair enrobée dans la graisse.
C'est le confit d'oie, dont les habitants du Sud-Ouest sont si friands.
La recette en est simple :
Vous découpez la volaille en morceaux.
Après avoir enlevé la graisse, vous mettez la viande à macérer dans le sel pendant 24 heures.
Vous faites ensuite fondre la graisse dans une marmite et vous y plongez la viande salée que vous laissez cuire 3 ou 4 heures.
Les viandes cuites sont ensuite disposées dans un pot de grès.
On y verse la graisse, qui doit recouvrir la chair d'une couche assez épaisse pour assurer la conservation.
Il ne reste plus qu'à fermer hermétiquement le pot de grès.
Le confit d'oie, cuit à la poêle, servi avec des pommes de terre, ou mêlé aux haricots du cassoulet, est un des mets les plus délectables qui soient.
En Alsace et dans le Midi, on gave les oies.
Cette alimentation artificielle et forcée a pour effet d'engraisser rapidement les volailles et d'augmenter le poids du foie qui, normal, ne dépasse pas une centaine de grammes et atteint, grâce à ce procédé assez barbare, de 500 à 800 grammes, ce qui permet d'en faire les succulents pâtés dont ces pays ont la spécialité.
Duvet d'oie et peau de cygnes
Le duvet d'oie est de tous les duvets le plus employé dans l'industrie de la literie, pour la confection des édredons et des couvre-pieds.
Il se vend cher.
On peut aussi tirer parti de la peau de l'oie qui, vendue sous le nom de « peau de cygne », sert à fabriquer des houppes à poudre et autres accessoires de la toilette féminine.
L'oie peut s'accommoder de nombreuses façons.
Tout simplement rôtie :
à la parisienne, farcie de marrons ;
à la bordelaise, entourée d'olives ;
à la champenoise, avec une sauce au Champagne ;
à l'allemande, avec des raisins secs et des pommes reinettes, etc…
Il n'y a pas de bon réveillon sans l'oie grasse traditionnelle et, l'an dernier, pour Noël, j'ai vendu chacune de mes oies plus de 100 francs la pièce.
Conseillez donc à tous les fermiers d'élever des oies ;
je suis certaine qu'ils ne le regretteront pas. »
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Les marchands de bois et les exploitants de coupes de bois se sont réunis à Châteaulin, dimanche, sous la présidence de M. le préfet.
Après un exposé très documenté de M. Ducos de La Haille, attaché d'intendance, M. le préfet a demandé à tous les commerçants présents de s'organiser.
Il les a mis en présence des réalités pour la mauvaise saison et de la nécessité qui s'impose à eux d'approvisionner en bois de chauffage leurs concitoyens, qui risquent d'être dépourvus de charbon. Il importe, a précisé le préfet, que chacun s'élève au-dessus des considérations personnelles ou locales et s'efforce de tout mettre en œuvre pour que soient exploitées à fond et sans attendre l'automne, les ressources en bois du département.
Le cultivateur devra faire passer l'abatage de ses arbres au premier rang de ses préoccupations au lieu de ne l'entreprendre qu'après avoir terminé ses autres travaux.
Les propriétaires de bois devront accepter contre une rémunération raisonnable l'exploitation des coupes partout où elles pourront être faites, afin d'éviter le recours à la réquisition.
Les marchands passeront des commandes beaucoup plus importantes que par le passé aux exploitants, pour permettre à ceux-ci d'entreprendre hardiment des abatages massifs sachant que la vente en sera assurée.
Les commerçants présents ont désigné pour les représenter :
MM. Morvan, Le Faou ;
Burel, Le Relecq-Kerhuon ;
Le Gall, Rosporden ;
Abgrall, Brest ;
Corcuff, Morlaix ;
Souêtre, Morlaix ;
Guillou, Locmaria-Berrien ;
Georges Petton, Saint-Pierre-Quilbignon ;
Tanguy, Quimper ;
Vacheron, La Forêt-Landerneau ;
Mer, Lesneven ;
Millou, Crozon ;
Ménez, Rosnoën ;
Mme Jégoud, Morlaix.
Ceux-ci sont convoqués pour le Jeudi 25 Juillet, à la préfecture de Quimper, à 14 heures ;
un laissez-passer leur sera adressé à cet effet.
Pour permettre aux membres de ce bureau de prendre des décisions utiles, tous les commerçants en bois de chauffage voudront bien faire parvenir avant cette date à la préfecture (2e division), la réponse au questionnaire qui leur sera adressé.
Ceux qui n'auront pas reçu ce questionnaire, en demanderont copie au maire de leur localité qui va le recevoir.
L'absence de réponse ou des réponses tardives exposeraient les intéressés à ne pas bénéficier des avantages que l'organisation est seule susceptible de procurer à tous.