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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


19 juillet 1940

Jour 31
 

 

Sur le désir qui lui en avait été exprimé par le préfet du Finistère, le général Hanicke a accepté que soit réunie, le 11 juillet, une conférence à l'hôtel de ville de Quimper.

 

Étaient présents :

Le général Hanicke, commandant en chef les troupes du Finistère ; le colonel Berendes, commandant du secteur départemental, ainsi que les chefs des différentes Kommandanturs du département.

 

Les autorités civiles françaises étaient représentées par le préfet, les sous-préfets, différents chefs de services et maires du département.

 

M. le général Hanicke et M. le colonel Befendes, qui est chargé du commandement du secteur départemental, ont déclaré leur intention de faciliter la tâche de l'administration départementale dans la mesure où les circonstances militaires le permettront.

Le préfet a remercié les autorités allemandes et les a assurées qu'avec ses collaborateurs il appliquerait loyalement les clauses de l'armistice dans l'administration du département.

 

De courtois échanges de vues ont eu lieu ensuite afin de coordonner les efforts pour la bonne marche des affaires administratives et la reprise économique.

L'autorité militaire allemande a répondu favorablement à de nombreuses demandes faites par le préfet.

Certaines questions ont été réservées pour des raisons d'ordre militaire.

 

Le rôle des maires.

 — Le préfet a particulièrement appelé l'attention des autorités militaires allemandes sur le rôle des maires et sur leurs rapports avec les chefs des Kommandanturs.

Le colonel Berendes a déclaré qu'il avait autorité sur toutes les Kommandanturs et qu'il veillerait à assurer l'unité de vues dans le département.

 

La monnaie.

— Au sujet de la monnaie, il a été entendu que le mark avait cours légal et que les caisses publiques seraient tenues de le recevoir sans qu'elles soient toutefois obligées de faire le change.

Une réserve a été faite pour permettre à l'administration des postes de ne recevoir que des versements en francs pour les mandats émis à destination de la zone libre

 

Une autre réserve a été faite permettant aux percepteurs de ne recevoir de marks pour le paiement des impôts que jusqu'à concurrence de la moitié de la somme due par les contribuables.

 

Ces deux réserves vont faire l'objet d'un examen attentif de la part des autorités allemandes.

 

Essence et charbon.

— Le préfet a précisé le degré de pénurie dans lequel se trouve le département en matière d'essence et de charbon et les graves difficultés qui en résulteront.

Le colonel Berendes a promis d'examiner toutes ces questions avec le plus grand soin, de même que la question de la répartition des denrées alimentaires actuellement stockées à Brest.

 

Téléphone et télégraphe.

— Le préfet a vivement insisté pour obtenir le rétablissement des communications téléphoniques et télégraphiques dont l'arrêt a complètement suspendu la vie économique du département.

Le colonel Berendes a déclaré qu'il s'efforcerait d'améliorer la situation dès qu'il lui sera possible.

 

Les réfugiés.

— La question des réfugiés a également fait l'objet d'un examen.

L'autorité allemande est disposée à faciliter les départs.

Le préfet interviendra auprès de la S.N.C.F. pour que soient augmentées les possibilités de transports à destination des départements quand le gouvernement français déclarera être en mesure de recevoir les réfugiés qui les ont quittés.

 

Les pardons religieux.

—  À la demande du préfet, les pardons religieux habituels seront autorisés.

 

Les prisonniers de guerre.

— Le préfet a également demandé la libération aussi prochaine que possible des prisonniers de guerre, en même temps qu'il a proposé de mettre à la disposition de l'autorité militaire allemande de nouveaux locaux.

 

Le colonel a répondu favorablement en ce qui concerne les locaux, mais a fait toutes réserves en ce qui concerne la libération.

 

Défense passive.

— Le colonel Berendes a également demandé au préfet de faire appliquer les mesures de défense passive précédemment édictées.

Le préfet rappellera aux maires les instructions antérieures et veillera à leur stricte application.

​

 

Tous les fermiers de Bretagne, tous les propriétaires de maisons de campagne devraient élever au moins un cochon.

Le porc est, en effet, animal utile entre tous.

Il est vorace, se contente de brouets dont ne voudraient pas des chiens errants et s'engraisse facilement.

Il ne manque pas dans notre région de races sélectionnées, de sujets à chair délicate, peu exigeants et qui prennent rapidement du poids.

 

Le porc est sans doute l'animal le plus vorace de la création.

Rien ne rebute son robuste appétit.

Il mange aussi bien de la chair que des végétaux.

Son estomac digère tout :

les eaux grasses, les déchets de toutes sortes, les barbotages semi-liquides les plus divers qui font ses délices, il y plonge, avec satisfaction, semble-t-il, son groin gourmand, pousse des grognements de plaisir et aspire rapidement le contenu de son auge.

Le porc en bonne santé n'est jamais rassasié.

 

Chez un éleveur

 

Nous avons visité un vaste établissement spécialisé dans l'élevage des porcs.

 

L'installation est moderne.

Les procédés employés, consacrés par une longue expérience, permettent d'obtenir d'excellents et rapides résultats.

 

Un porcher habile donne ses soins éclairés à un troupeau nombreux qui ne comprend pas moins de deux cents sujets de toutes tailles et de tous âges.

 

Petits et gros connaissent leur porcher dispensateur de la manne bi-quotidienne.

Ils répondent à son appel, se bousculent pour le suivre car c'est lui, et lui seul, qui distribue chaque jour, avec équité, la nourriture nécessaire à tous ces gloutons.

 

Chaque famille — la truie et ses petits — dispose d'un « dortoir » et d'une cour.

Le « dortoir », d'une superficie de deux mètres carrés environ, au sol cimenté incliné, est couvert.

Dans la cour close de murs en béton armé hauts de 1 m. 50, une auge large et massive, permet à la mère et aux petits, déjà sevrés, de barboter à leur aise, en plein air.

 

Toutes ces petites habitations s'alignent dans une aire, à l'extrémité de laquelle sous un hangar, les mêmes dispositions ont été prises pour les truies nourrissant encore de jeunes porcelets.

 

Quand nous pénétrons dans cette porcherie moderne, les porcelets sont seuls.

Ils sont étendus, les uns près des autres, dans leur maison couverte et sombre, car ils aiment la chaleur et la tranquillité.

Il faut les en chasser pour qu'ils consentent à venir dans leur cour.

Après un galop apeuré, qui les fait se bousculer, ils s'entassent dans un angle de la cour avant de regagner, dans le même désordre, dès que la route est libre, leur logis où, en l'absence de leur mère, ils se croient plus en sécurité.

 

Insatiables, ils téteraient à longueur de journée.

Pour ne pas fatiguer les mères on les conduit, en dehors des heures de tétées, réglées comme celles des bébés, dans un vaste verger où elles prennent librement leurs ébats, sous le petit œil placide des reproducteurs, deux verrats énormes et pansus.

 

— Pas trop de scènes de Jalousie ? demandons-nous.

— Non, répond le porcher.

Les truies ont de l'espace pour courir.

Quand elles se battent, la plus faible prend prudemment la fuite.

Ce n'est jamais qu'un court échange de coups de boutoirs, sans gravité.

 

« Les truies ne font que deux à trois portées par an, mais chaque portée est de 12 à 16 petits.

Je dois m'assurer alors que chacun des porcelets peut disposer d'un pis et si celui-ci donne suffisamment de lait.

 

« Le temps de la gestation est d'environ 115 jours, pendant lesquels il faut que la truie soit bien nourrie et jouisse d'une parfaite tranquillité.

 

« Au bout de six semaines nous sevrons les porcelets.

On les habitue petit à petit à un régime mixte :

petit lait et résidus divers de la laiterie.

Un peu plus tard, on leur donne des pommes de terre cuites écrasées en purée, de la farine d'orge, du son, pour qu'ils engraissent vite.

 

« Les mâles sont châtrés et vendus.

Nous gardons quelques beaux sujets pour la reproduction.

 

« Avant de les conduire et de les laisser en liberté dans la prairie,

nous les soumettons à l'opération du « bouclement ».

 

« Cela consiste à passer un morceau de fer entre les deux narines, à travers l'extrémité inférieure du boutoir prolongeant le museau, pour les empêcher de fouir et de diviser la terre. »

 

— Mais comment faites-vous pour rassembler tout ce troupeau en ordre dispersé et faire rentrer tous vos cochons, si éloignés les uns des autres ?

 

— Très simple.

Vous allez voir.

Saisissant un bâton, le porcher frappa alors, à une cadence régulière et connue des cochons, sur la porte de tôle fermant le verger.

 

Au galop de leurs courtes pattes, leur tête longue et lourde, au cou court, en avant, oreilles pendantes, verrats et truies accoururent.

Ils se rangèrent autour du porcher, le guettant de leurs petits yeux plissés ;

quand ils voient qu'il s'agissait d'une fausse alerte, que l'heure de rentrer au bercail n'était pas encore sonnée.

Ils tendirent le mufle, d'un petit air réprobateur.

Tandis que les uns se frottaient le dos, qui les démangeait, aux arbres, les autres retournèrent paisiblement chercher dans la prairie une problématique herbe apéritive.

 

... La porte ouverte, poursuit le porcher, chacune rejoint sa nichée.

Aucune ne se trompe de case.

Chaque truie se prête complaisamment à l'assaut que lui fait subir sa douzaine d'enfants et se couche sur le côté pour livrer ses pis à la succion goulue de ses petits.

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Tous ceux qui le peuvent doivent élever des porcs.

Le cochon est comestible depuis l'extrémité de ses pieds jusqu'au bout de son groin.

Ses entrailles même servent à faire, comme à Lesneven, de succulentes andouilles et de délicieux boudins.

Sa graisse fondue produit le saindoux, qui a un rôle si important dans la cuisine.

 

Il faut garnir de viande de porc tous les saloirs.

Le porc est un animal utile entre tous.

Plus que jamais, il faut intensifier sa production.

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