1940 - 1944
Chroniques d'occupation
24 août 1940
Jour 67
Article premier. — Sont interdites, à partir de la date du présent arrêté, les lundi, mardi et mercredi de chaque semaine, à l'exception des jours fériés, la vente, la mise en vente et la consommation dans les lieux publics, de la confiserie, de la biscuiterie et de la pâtisserie sous toutes ses formes.
Art. 2. — Pendant les quatre jours de chaque semaine pendant lesquels la vente et la consommation de la confiserie et de la pâtisserie sont autorisées, il est interdit de mettre en vente, de vendre et de consommer dans les lieux publics :
a) Les gâteaux dans la composition desquels entrent :
La pâte à choux glacée (religieuses, pont-neuf, éclairs glacés) ou non glacée ;
La pâte à biscuits (génoises fourrées) ;
Les crèmes au beurre ;
La crème Chantilly ;
Les meringues ;
La pâte aux amandes.
b) Les petits fours frais ou glacés.
c) Les diplomates-puddings, puddings de cabinet, puddings anglais.
Art. 3. — À partir du 31 août 1940, est interdite la fabrication industrielle ou autre des produits de confiserie contenant plus de 10 % de saccharose.
La vente, la mise en vente et la consommation dans les lieux publics des mêmes produits seront interdites à partir du 30 septembre 1940.
Sont exempts de l'interdiction visée à l'art, premier et au présent article, les produits pharmaceutiques autres que les gommes, présentées sous forme d'articles de confiserie en vente à la date de la publication du présent arrêté et qui contiennent, outre le sucre, des substances médicamenteuses.
Art. 4. — Sont interdites tous les jours la mise en vente, la vente et la consommation dans les lieux publics des glaces et sorbets dont la fabrication comporte l'utilisation de sucre associé à des produits laitiers ou à des œufs, ou simultanément à ces deux produits.
Art. 5. — À partir du 31 août 1940, est interdite la fabrication industrielle ou autre des produits de biscuiterie dont la pâte contient une proportion de corps gras ou de sucre supérieure à un pourcentage qui sera fixé ultérieurement par arrêté du ministre secrétaire d'État à l'Agriculture et au Ravitaillement.
À partir du 30 septembre 1940, seront interdites la vente, la mise en vente et la consommation dans les lieux publics des mêmes produits.
Les produits de la biscuiterie dont la fabrication et la vente restent autorisées ne pourront être vendus en gros et demi-gros qu'en tines et demi-tines, à l'exclusion des conditionnements de toutes autres dimensions inférieures.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa du présent article, demeurent autorisées la fabrication et la vente du pain d'épice ordinaire ne comportant ni fourrage ni glaçage.
Ce pain d'épice ne pourra être vendu en gros et demi-gros qu'en pains d'un poids égal ou supérieur à un kilogramme découpés en tranches ou non.
Art. 6. — Les rayons de pâtisserie, de confiserie, de biscuiterie, de glaces et de chocolats autres que les chocolats de qualité courante dans les boulangeries, pâtisseries, confiseries, épiceries et autres magasins ou maisons d'alimentation, seront fermés pendant les trois Jours de chaque semaine visés à l'article premier.
Ces jours de fermeture peuvent être modifiés dans les communes où le marché ou la foire a lieu un de ces jours.
Cette modification est autorisée par arrêté préfectoral, à la condition que le jour de remplacement désigné soit groupé avec un autre jour, de telle sorte que deux jours de fermeture soient consécutifs.
Art. 7. — La consommation de la pâtisserie, de la biscuiterie, des glaces et des chocolats autres que les chocolats de qualité courante est interdite pendant ces mêmes jours dans les restaurants, hôtels, cafés, crémeries, maisons de thé et autres établissements ouverts au public.
Art. 8. — Sont abrogées à dater de l'entrée en vigueur des dispositions des articles 6 et 7 du présent arrêté, les dispositions du titre 11 (art. 4 et 5) du décret du 29 février 1940 relatif à la réglementation des boulangeries et des pâtisseries, modifié par le décret du 1er avril 1940.
Art. 9. — Les infractions aux dispositions du présent arrêté seront poursuivies conformément aux lois et décrets en vigueur.
Le manque de cuir va causer une profonde gêne dans la fabrication d'une foule d'objets utiles et, en premier lieu, des chaussures.
Dès le début de la guerre, les « cuirs verts » ont été réquisitionnes dans les abattoirs pour les besoins de l'armée.
Quelques peaux de 2e choix, refusées par l'Intendance, ont été abandonnées aux tanneries pour être livrées à la cordonnerie, la maroquinerie, la bourrellerie, etc.
La vache, le bœuf fournissent — préparés au tannin ou extraits tannants — les cuirs forts servant à faire des semelles épaisses ; le veau et le poulain donnent les cuirs mous, cirés ou vernis, qui servent pour les tiges et empeignes.
La peau du veau permet d'obtenir rapidement, quand elle est tannée aux sels de chrome, les box-calf dont la souplesse égale presque celle du chevreau, tout en étant plus résistante.
Préparés rapidement aux sels d'alumine (alun) et au sel marin, puis « nourris » au suif, les peaux des veaux, moutons, chevreaux et agneaux sont utilisées pour la cordonnerie fine, comme les peaux de daim, de chamois, voire même de chien, sans parler des peaux de raie, de lézards, de crocodiles ou de serpents, employées pour les chaussures de luxe.
Malgré la multiplicité de ses peaux qui, pour les tiges et empeignes, peuvent être remplacées par du velours, du satin ou autres étoffes, on risque de manquer de chaussures.
Cependant, on ne peut marcher nu-pieds.
Déjà, le prix excessif des bas oblige beaucoup de femmes à montrer leurs mollets.
Vont-elles être contraintes à se contenter de sandales de bois, puisque les pointures courantes manquent dans les magasins et que l'on ne peut trouver de chaussures qu'à des prix inaccessibles pour le budget de beaucoup de ménages ?
Voici venir l'automne.
On aurait besoin de chaussures souples et solides, résistantes imperméables.
Il faudrait les choisir sans plis, ni aspérités internes, à sa pointure, pour éviter les cors et durillons provoqués aussi bien par des chaussures trop étroites que par les frottements de la peau du pied naviguant dans des souliers trop larges ou trop longs.
À propos de pointures, saviez-vous à quoi correspondant le 42 que vous chaussez ?
Les pointures employées en cordonnerie s'obtiennent en partant des mesures métriques.
Ajoutez à la longueur de votre pied, évaluée en centimètres, la moitié de cette longueur et vous aurez votre pointure. Ex. : 28 + 14 = 42.
LES GALOCHES
S'il n'y a pas de cuir, nous porterons des galoches, direz-vous.
La galoche elle-même n'est qu'un brodequin dont la semelle seule est en bois.
Celle-ci vient généralement des Pyrénées, où des usines la fabriquent mécaniquement et la livrent prête à être montée.
Le cuir venait de Rennes ou du Nord.
Les moyens de transport et la production sont tellement restreints qu'on ne peut songer à faire face aux besoins normaux.
Le cuir, mis sur forme pour prendre la cambrure du pied est mouillé, puis les deux parties, empeignes et semelles, sont chevillées à la main.
Or, on ne trouve plus de chevilles !
De plus, cuir et bois doivent être séchés à une certaine température qui exige l'emploi d'une étuve à feu continu, que l'on est contraint de laisser éteinte faute de combustible.
Ne comptez donc pas trop sur les galoches.
Les fabricants de chaussures ont pris des ordres dans les centres de Limoges et de Romans, spécialisés pour les souliers d’hommes ;
à Fougères, dans la région de Cholet et les Basses-Pyrénées, pour la chaussure de femme ;
à Nimes et Toulouse pour les chaussures d’enfants, mais sans engagements de délais de livraisons ou de prix car, quand ils peuvent se procurer du cuir, ils manquent de semences ou de doublures pour confectionner leurs chaussures.
Alors ?
Il faudra se contenter d'espadrilles, chaussure de repos fraîche, souple et facile à laver, mais peu pratique sous la pluie ou dans la boue ;
ou bien :
économiser le plus possible les souliers que l'on a en garnissant la semelle et le talon de deux bandes de cuir découpées dans de vieilles chaussures que l'on fixera solidement avec quelques pointes, leur bord à environ cinq millimètres en dedans du contour de la semelle et de celui du talon, ou bien encore s'habituer au port du sabot de bois.
Que voulez-vous ?
À la guerre comme à la guerre !
Mardi dernier, nous avons, dans cette rubrique, déploré la multiplicité des fédérations qui dirigent le sport en France, l'importance des frais inutiles qui en découlent et le préjudice causé à l'intérêt général, du fait de la dispersion des compétences et des bonnes volontés.
Que l'on examine la question sur le plan financier ou administratif, du point de vue social ou moral, voire même technique, les gens raisonnables qui ne voient dans le sport qu'un idéal, créer de la santé et de la joie, sont conduits à conclure à la nécessité d'un regroupement, sous une direction solide, de toutes ces forces éparpillées, dressant parfois entre elles des barrières et créant ainsi des sujets de division entre jeunes Français, alors que, sur le plan international, le sport est, nous le croyons sincèrement, l'un des moyens les plus puissants de rapprochement entre les peuples.
Ce qui est vrai pour nos fédérations nationales ne l'est-il pas aussi pour nos sociétés ?
Certaines communes ou régions ne sont-elles pas également encombrées par un nombre excessif de sociétés ?
Prenons Brest comme exemple.
En 1914, notre mémoire nous rappelle l'existence, dans notre ville — y compris Saint-Marc, Lambézellec et Saint-Pierre-Quilbignon — de 13 sociétés sportives, dont quatre n'ont pas survécu à la guerre, à savoir :
La Jeunesse athlétique brestoise, le Stade Quilbignonnais, l'Amicale et le Stade brestois.
La Jeunesse sportive brestoise avait fusionné — rappelons-le — en 1904, avec l'A. S. Lambézéléenne, pour former l'A.S.B.
En faisant l'actif d'aujourd'hui, nous sommes quelque peu effaré par la liste que voici :
Trente-six sociétés sportives légalement constituées :
Quatre sociétés scolaires ;
Cinq groupements corporatifs ;
Un cercle naval spécialisé au tennis ;
Soit un total de 46 sociétés.
Ce chiffre représente un minimum, attendu que, chez les « corporatifs », nous avons négligé nombre d'équipes de football, jouant plus ou moins régulièrement.
En 1914, on comptait, pour l'agglomération brestoise, cinq clubs pratiquant le football ; aujourd'hui, on en dénombre plus de vingt.
En cyclisme, il existait le Véloce-Club brestois.
Celui-ci a, comme rivaux, aujourd'hui :
l'A. C. Brestoise, le C. C. Quilbignonnais, le C. C. Lambézéléen, l'A. S. de Saint-Marc, voire l'Amicale de Recouvrance, qui a quelques affinités avec celle des Électriciens.
Chez les gymnastes, la situation n'a guère changé.
La Brestoise, club doyen, continue sa marche après avoir ajouté à son activité la boxe et les poids et haltères.
Les patronages catholiques sont également restés fidèles à la « gym », tout en ajoutant à leur programme le football et le basket, exception faite pour l'Armoricaine, qui fut toujours à l'avant-garde du sport à Brest.
Les sports athlétiques, très florissants en 1914, sont tombés, même sans la guerre actuelle, presque à zéro.
Le rugby a toujours un représentant dans notre ville, le R. C. B., dont les difficultés d'existence sont les mêmes que celles que rencontrèrent les fondateurs du Sporting-Club Brestois, né en 1912, défunt en 1914.
Pendant quelques années, trois clubs féminins se sont disputé 60 bergères et, dans l'un des trois, les cadres étaient plus nombreux que la troupe.
L'effectif dans les autres sports, tennis, régates, scoutisme, est resté sans changement notable.
En résumé, c'est dans les deux sports-rois de la région, football et cyclisme, que l'on constate un nombre croissant de groupements.
En cyclisme, la disparition du vélodrome de Kerabécam peut justifier ou être une excuse à cet état de choses.
Le vélodrome était la propriété du V. C. B.
La route est à tout le monde.
Cependant, cette dispersion des éléments dirigeants et actifs s'est traduite par la transformation d'une grande société en une petite, le nivellement s'étant fait vers le bas.
En football association, il y a, sans aucun doute, trop de clubs à Brest, mais dans ce domaine, la situation est compliquée, d'abord parce que ces clubs appartiennent à des fédérations différentes :
3F.A., F.G.S.P.F., F.S.G.T. et U.F.O.L.E.P. ; ensuite, parce que les grands clubs, par exemple, l'A. S. brestoise et l'Armoricaine, ne disposent pas de l'outillage sportif suffisant pour faire jouer régulièrement plus de cinq ou six équipes.
Il ne suffit d'ailleurs pas de disposer de plusieurs terrains de jeu, il faut aussi, pour jouer, pouvoir trouver des équipes adverses et, à ce point de vue, Brest est handicapé par sa situation géographique excentrée, et c'est pourquoi l'existence de petites sociétés sert l'intérêt commun.
Néanmoins, il est probable que le gouvernement lui-même s'efforcera de réduire le nombre de certains groupements dont l'utilité est contestable et l'effectif plus ou moins fantôme.
Avec ces 47 sociétés il est, à Brest, des commerçants, des industriels, des personnalités qui, chaque année, versent 47 cotisations pour faire plaisir à un ou plusieurs de leurs clients ou amis.
On imagine aussi l'embarras des collectivités :
Municipalités, conseils généraux, l'État, quand elles sont en présence de demandes de subventions émanant de cette armée de groupements, car ce qui est vrai à Brest existe dans diverses autres villes.
Nous tenterons, dans un prochain article, de trouver une solution à cette situation ou, ce qui est moins prétentieux, de faire des suggestions susceptibles d'y remédier.
Noël KERDRAON.