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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


25 août 1940

Jour 68
 

 

L'attaque par l'aviation anglaise, qui a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi, et a duré de 1 h. 40 à 4 h. 20, a causé la mort d'une infortunée jeune fille de 19 ans :

Mlle Simone Le Foll, employée chez M. Breton, antiquaire, rue Colbert.

 

Sa mère, Mme Gestin — dont le mari est mort pour la France au cours de la guerre 1914-18 — est concierge à l'usine Dior, au Vieux Saint-Marc.

Elle est logée, dans l'usine, dans une maison composée d'un rez-de-chaussée dont le toit est couvert de plaques de plomb.

Ce bâtiment est construit tout au bord de l'ancien bassin Trischler, dont on procède au remblaiement par le déversement de gravas et des terres.

 

Son travail terminé rue Colbert, Mlle Le Foll regagnait le soir le logement de sa mère, composé de deux pièces :

une cuisine-salle à manger et une chambre à coucher où la mère et la fille partageaient un lit.

 

Le pied de ce lit était éloigné d'un mètre cinquante à peine de la fenêtre dont on fermait soigneusement, chaque soir, les volets de bois pleins.

 

Vendredi, les deux femmes se couchèrent.

Elles dormaient profondément quand, à 1 h. 45, deux violentes détonations réveillèrent en sursaut la mère : Mme Gestin.

 

— As-tu entendu, Simone, dit-elle toute tremblante, c'est tout proche.

Levons-nous vivement.

Il ne faut pas rester ici.

Sauvons-nous dans l'abri.

 

Simone ne bougea pas.

Mme Gestin la secoua.

Horreur !

Elle retira sa main pleine de sang.

 

La pauvre femme n'osait faire de la lumière bien que l'interrupteur électrique fut à la tête du lit.

Les tirs de la D. C. A. faisaient rage.

Le canon tonnait, les mitrailleuses crépitaient.

On entendait le vrombissement de plusieurs moteurs d'avions dans le ciel illuminé par le clair de lune, les projecteurs cherchant à percer le brouillard, les trajectoires des obus traceurs.

 

Ses appels seraient-ils entendus ?

La pauvre mère sortit et appela au secours.

Quelqu'un se dévoua et courut jusqu'à Saint-Marc chercher le docteur Aubry qui, quelque temps après, vint examiner le corps de Simone Le Foll, dont il ne put que constater le décès.

 

Un petit éclat d'une des bombes lui avait labouré le côté gauche, atteint des organes essentiels, provoqué une violente hémorragie interne.

Du sang s'était échappé des lèvres de la jeune fille.

La literie en était inondée.

Elle avait été tuée sur le coup.

 

Pourtant l'éclat qui avait causé sa mort n'était pas gros, ainsi que l'on put s'en rendre compte, hier matin, par le trou long de quatre centimètres à peine, large d'un centimètre fait, dans le bois, à la partie inférieure du volet.

 

L'aviateur avait sans doute cru lancer ses bombes sur un bateau, le promontoire fermant le bassin Trischler en ayant la forme et le feu mis chaque jour, assez imprudemment, dans les ordures, l'éclairant de la lueur de flammes assez hautes.

 

Les deux bombes étaient tombées à une dizaine de mètres l'une de l'autre, ne creusant sur la grève rocailleuse, découverte, car la marée était basse, que deux entonnoirs peu profonds.

Les multiples éclats avaient, dans un rayon d'une soixantaine de mètres, causé des dégâts aux toitures et aux murs des hangars de l'usine.

 

Le toit des anciens magasins Larivière, réparé depuis trois jours, avait été crevé en trois endroits.

Les murs portaient les traces de nombreux éclats.

Des vitres étaient brisées, des volets troués.

 

À côté du logement habité par Mme Gestin et sa fille une chambre était encore occupée il y a trois jours, par une employée de l'usine Dior.

Le volet de bois avait été perforé à sa partie supérieure.

Par le trou d'une dizaine de centimètres de diamètre, un gros éclat avait pénétré dans la chambre, heurté une des épaisses poutres supportant le plafond et était ressorti en crevant le toit.

 

*

**

 

Douloureusement émue, Mme Gestin fait, en sanglotant, le récit du drame qui a coûté la vie à son enfant.

Des voisines, des employés de l'usine essaient de redonner un peu de courage à la mère effondrée.

 

Nous la prions d'agréer nos sincères condoléances.

​

 

Depuis 25 ans, tous les rouages de l'activité moderne employaient l'automobile :

le tourisme, les transports commerciaux et industriels, les services publics, l'agriculture s'étaient développés considérablement grâce au moteur à explosions.

On comptait, en France, une auto pour 70 habitants.

 

La subite pénurie d'essence, en immobilisant l'auto, a bouleversé le régime des transports routiers.

 

En attendant la réalisation d'un carburant de remplacement, de même que l'équipement de voitures à gazogènes, l'organisation d’une suffisante fourniture de charbon de bois pour les alimenter — ce qui peut être long si l'administration s'en mêle — il a bien fallu faire marche arrière et revenir « à la plus belle conquête de l’homme », au brave cheval si dédaigneusement traité de moteur à crottins.

 

Son allure est bien lente pour les habitués du 100 à l’heure, mais on ne risque plus la panne malencontreuse en pleine campagne, si l’on sait le conduire et le mener avec douceur.

 

On ne rencontre pas encore sur les routes, les cavaliers ou amazones caracolant sur de fières montures, mais on voit déjà des voyageurs de commerce visiter leurs clients sur des roadcars, des marchands de chevaux se rendre à la foire sur des sulkys, légères voitures à roues caoutchoutées, traînées par des bêtes nerveuses.

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L’emploi du cheval fait retrouver à des métiers presque abandonnés une activité nouvelle.

 

Le charron, qui fabriquait les voitures servant à transporter des matériaux et des denrées, les chars-à-bancs et les voitures anglaises pour la promenade, était installé dans chaque village.

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Quelques lecteurs m'ont demandé de leur faire, pour aujourd'hui, un itinéraire pas trop long et sur des routes qui ne soient pas trop accidentées.

 

Ce sont des cyclistes n'ayant pas encore beaucoup d'entrainement et qui obligés de laisser, faute d'essence, l'auto au garage, n'ont enfourché leurs bicyclettes, depuis longtemps abandonnées, que ces dernières semaines.

 

Ils roulent le dimanche, en famille, « tout dou, tout dou, tout doucement », comme dans la chanson.

 

Nous allons donc prendre avec eux la route de Châteaulin et leur indiquer quelques oasis où ils pourront se reposer tout en admirant de jolis vestiges du passé.

 

NOTRE-DAME DE QUILINEN

 

À 11 kilomètres de Quimper, ils trouveront, à droite, la chapelle de Notre-Dame de Quilinen.

 

Dans un épais massif de verdure, ils pourront contempler ce bel édifice du XVe siècle, sa belle porte géminée avec le groupe de l'Annonciation, plusieurs statues fort bien conservées et un groupe flamand de la descente de la Croix.

 

À l'angle du cimetière fut édifié un curieux calvaire pyramidal et, non loin, est une fontaine aux pierres moussues et portant des armoiries.

 

Ayant repris la route, nos cyclistes trouveront à 5 kilomètres, du même côté, la chapelle de Saint-Vennec.

 

LA CHAPELLE DE SAINT-VENNEC

LA TRUITE SACRÉE

 

Bien cachée aussi dans les arbres, cette chapelle gothique forme, avec son calvaire et sa fontaine, un très bel ensemble, plus important, plus beau que le précédent.

 

La chapelle renferme de nombreuses statues, dont un groupe de Sainte Guen montrant les trois mamelles que Dieu lui accorda pour nourrir ensemble ses trois fils jumeaux : Guénolé, Jacut et Vennec, qui se trouvent près d'elle.

 

Le calvaire, derrière la chapelle, offre cette particularité : tous les sujets crucifiés ont la main attachée au pied.

 

En contrebas est la fontaine avec sa source limpide et dans laquelle nage depuis des années la truite sacrée !

 

C'est une truite d'environ une livre, que l'on voit parfois si l'on s'approche doucement de la fontaine.

Surtout, cyclistes, promeneurs, n'essayez pas de prendre cette truite sacrée, ne lui faites pas peur, ne lui jetez pas de pierre, le malheur s'abattrait sur vous.

 

Revenant sur la route, vous allez faire demi-tour, car vous êtes assez loin de Quimper, et, à un kilomètre, une route, à droite, vous conduira à Quéménéven, à 3 kilomètres.

Rien de particulier et de remarquable dans ce gros bourg, sinon son église et son vitrail du chevet figurant la Passion.

 

Quatre kilomètres plus loin se trouve la chapelle de Notre-Dame de Kergoat, avec sa tour terminée en dôme, les hautes arcades de la nef et sept vitraux anciens représentant des scènes bibliques.

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LOCRONAN

 

La route s'élève ensuite sur le flanc nord de la montagne, la vue sur la région de Plonévez-Portzay  et la mer y est très belle, et vous arriverez bientôt à Locronan, « très vieille bourgade aux nobles maisons de granit sombre, évoquant un passé d'opulence évanoui... »

 

Sa place historique, son église, son puits, le tombeau de Saint-Ronan, la chapelle du Pénity, sont trop connus pour que nous en fassions une fois de plus la description.

 

C’est un ensemble unique dans toute la Bretagne et qui attirait chaque année des milliers de touristes.

 

Moins connues sont la chapelle et la fontaine de « Bonne Nouvelle », au bas du bourg, pardon :

de la ville, ainsi qu'a baptisé Locronan la duchesse Anne, vers 1505, lors de son séjour dans une des belles  maisons de la grande place

 

Si vous êtes fatigués, chers cyclistes, vous pouvez rentrer à Quimper par la route directe, en passant par Plogonnec, et vous arrêter devant son église superbe avec son clocher Renaissance à dômes et lanternons, ses anciens vitraux, dont celui de Saint-Edern et Saint-Théleau chevauchant leurs cerfs …

 

La route, après Plogonnec, vous paraîtra agréable pour le retour de cette promenade assez courte, car elle est, dans sa première partie, propice à une longue descente en roue libre, mais attention aux tournants !...

 

La seconde partie de la route est superbe ;

sous d'épais dômes de feuillage, vous longerez le Steir, cette fin du circuit vous plaira ;

vous ferez les derniers kilomètres dans la fraîcheur et, après avoir vu de belles choses, des sites magnifiques, vous ne rentrerez pas à Quimper fatigués, mais charmés.

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