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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


26 juin 1940

Jour 8
 

 

Si, actuellement, notre pain est lourd et présente un aspect grisâtre, peu appétissant, un goût aigrelet ;

s'il est massif et indigeste aux estomacs délicats, cela ne tient pas, comme certains le croient, à la qualité de la farine, mais simplement au manque de levure.

 

En effet, l'Office du blé possède un important approvisionnement, ce qui a permis, d'ailleurs, de ne pas mettre en circulation la carte de pain, un instant envisagée.

 

Il est exact que, depuis trois mois environ, la meunerie est autorisée à incorporer à la farine de froment 2 % de seigle et 2 % de farine de fèves, mais l'incorporation, si elle s'est produite, ne semble pas avoir atteint cette proportion et, d'ailleurs, notre clientèle, nous dit un boulanger, ne s'est jamais aperçue que, depuis le début de la guerre, 1 % de farine de fèves était déjà introduit dans le pain.

 

En ce moment, il s'agit uniquement, nous a-t-on affirmé, d'une question de manque d'approvisionnement en levure, qui nous venait des régions du Nord et de Paris, et que le défaut de moyens de transport ne permet plus d'expédier dans notre département.

 

La levure

 

Avant 1914, les boulangers employaient une levure de grains de blé pressés fournie par les distilleries fabriquant l'alcool de grains.

 

Les lois sur l'alcool obligèrent les boulangers français à abandonner cette levure de grains pour employer une levure à base de mélasse, sous-produit de la fabrication du sucre.

 

Après avoir été délayée, la mélasse est portée à l'ébullition afin de la stériliser, puis elle est clarifiée et on y introduit des ferments propres à la levure.

 

Les cellules de levure se développent, produisant de l'acide carbonique et de l'alcool.

 

Le levain

 

Jadis, dans les campagnes, quand chacun cuisait son pain, celui qui, selon l'expression consacrée alors, « mettait au four », passait à son voisin le levain nécessaire, qui faisait ainsi le tour du village.

 

Le levain, poursuit notre interlocuteur, c'était un morceau de pâte terminée qu'on laissait fermenter pour le mêler à une pâte nouvelle pour la faire lever, mais les boulangers ont depuis bien longtemps abandonné cette pratique.

 

Nous sommes obligés de revenir, puisqu'il est impossible de trouver actuellement de la levure, au levain de pâte.

 

On prélève la veille sur une « pétrissée » un morceau de pâte terminée, dénommée levain chef, et on le laisse doubler de volume.

 

Ce levain doit constituer en cette saison un bon quart de la pâte ; par temps doux, le tiers ; l'hiver, la moitié.

Ce n'est pas aisé d'obtenir cette quantité de levain et il faut avouer que nous manquons quelque peu d'expérience.

Peu à peu chacun fera tous ses efforts pour améliorer sa fabrication et faire du pain meilleur, car la vente a diminué d'environ 50 %.

Les malades ne peuvent se procurer de biscottes.

Il est impossible d'en faire sans levure.

 

C'est un mauvais moment à passer.

Nous espérons recevoir très prochainement de la levure.

Un camion est parti à Paris.

Nous avons prié le transporteur de nous en rapporter un chargement.

Nous l'attendons sous peu si, toutefois, notre fournisseur habituel a pu lui en procurer.

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