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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


28 juillet 1940

Jour 40
 

 

Les événements se précipitaient.

La progression allemande s'accentuait.

À retardement, on apprenait, chaque jour, la prise d'une ville, l'envahissement d'une nouvelle région.

 

La foule s'amassait pour lire les nouvelles affichées devant La Dépêche.

 

Le 17 Juin, le maréchal Pétain formait le nouveau gouvernement.

Des nouvelles qu'on se refusait encore à croire circulaient :

Des éléments motorisés s'étaient « infiltrés » jusqu'à Rennes et poursuivaient leur route vers Brest.

 

Dès le samedi 16 juin, la préfecture maritime établissait un plan de résistance.

Le lendemain, avec un matériel insignifiant, de petits détachements furent envoyés à Landerneau, Guipavas, Lesneven, Gouesnou, avec ordre de retarder l'avance des assaillantes

 

Un de bataillon de l'infanterie coloniale eut pour mission d'établir les points de résistance.

 

Par un pathétique discours radiodiffusé, le 18 Juin, le maréchal Pétain fit connaître les raisons qui avaient obligé le gouvernement à tenter de cesser le combat et à demander à l'Allemagne les conditions de paix.

La nouvelle était si inattendue que l'on se refusa à la croire.

La préfecture maritime y opposa un démenti.

La radio ne tarda pas à confirmer la capitulation.

 

Les troupes allemandes approchaient.

Les Anglais avaient détruit leur matériel et s'étaient embarqués.

La fumée des réservoirs Incendiés formait sur Brest d'épais nuages noirs.

 

Les magasins fermaient leurs portes.

Soldats et marins, en tenues disparates fuyaient.

Beaucoup de Brestois, qui n'avaient pas encore quitté la ville, partaient à l'aventure.

L'angoisse régnait.

De quoi serait fait le lendemain ?

 

Cependant, malgré les objurgations des maires des communes intéressées, aucun contre-ordre fut donné aux petits détachements de retarder l'avance des troupes allemandes.

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Le dimanche 16 Juin, dès 8 heures, la population landernéenne ne vit pas sans appréhension arriver un ingénieur de l'artillerie navale accompagné d'un maître-canonnier de la marine et d'une dizaine de matelots, avec deux canons de 47 millimètres et deux de 75.

 

L'une des pièces fut mise en batterie au nord du pont de Plouédern pour prendre en enfilade les routes de Lesneven et de Plouédern.

La deuxième, malgré les protestations du maire, fut installée entre la poste et la mairie.

 

Un 75 fut placé près de l'hôpital-hospice en direction de la ligne de chemin de fer de Quimper, qui se trouve séparé de quelques mètres du pont semblable de la ligne Paris-Brest, par les baraquements de l’Auberge de la Jeunesse.

 

Cet emplacement avait été choisi pour son abri naturel, l'arche du pont formant une sorte de casemate et le tir de la pièce pouvant prendre en enfilée la route de Sizun.

 

Des barrages furent constitués sur les routes au moyen de camions et de gros tubes de ciment pour canalisations qui furent réquisitionnés à la grande briqueterie de Traon-Elorn.

Un camion chargé de bidons d’essence fut placé près du pont à proximité des fermes de M. Forestier.

​

 

Ayant établi ce point de résistance, le chef de bataillon du 2e colonial, en avait laissé le commandement au lieutenant de vaisseau Jean Moreau, de la base aéronautique du Lanvéoc-Poulmic pour se rendre à Guipavas.

 

Une section d’une quarantaine de coloniaux, armés de quelques fusils mitrailleurs se trouvait sous les ordres d’un lieutenant.

 

La troupe comptait au total environ 15 hommes.

 

On était au mardi 18 juin.

Les bruits les plus contradictoires circulaient.

Il s'en dégageait que les troupes allemandes arrivaient à grande vitesse sans rencontrer d’obstacles.

Il fallait prévoir qu'elles atteindraient Landerneau dans la nuit de mardi à mercredi.

 

M. Louis Rolland, député-maire, voulut tenter une dernière démarche à la préfecture maritime.

Pensant qu'il venait encore se plaindre de la position occupée, au cœur même de de la ville par la Petite artillerie de la défense, l’amiral commandant en chef refusa tout d'abord de l'entendre.

Ayant fini par lui accorder audience, il apprit qu’il s'agissait de savoir si, oui ou non, il fallait ordonner l'évacuation de la ville.

 

Par la route encombrée de barrages, le maire de Landerneau regagna assez tard dans la soirée la mairie.

 

Un haut-parleur fut installé à la fenêtre et la population fut invitée, dans la crainte de l'arrivée dans la nuit des troupes allemandes, à évacuer les maisons et à se disperser dans les bois de Pencran et du Lech, qui constituaient les meilleurs abris naturels.

Avec calme la population s'y rendit.

Une vingtaine d'habitants préférèrent ne pas quitter leurs logements et se tinrent prêts à descendre dans les caves.

 

Seuls, MM. Louis Rolland, Paul Simon, députés ;

les adjoints, les chefs des services municipaux, au nombre de onze, restèrent à la mairie et, toute la nuit firent dans la ville, avec les gendarmes, des rondes pour éviter tout pillage des maisons abandonnées.

 

M. l'abbé Aubert, curé de Landerneau refusa de quitter son presbytère, des malades et des vieillards n'ayant pu être évacués de l’asile de la Providence, où la mère supérieure et une religieuse étaient restées à leur poste.

 

Tous les médecins et pharmaciens, les infirmiers, tout le personnel de l’hôpital complémentaire du Calvaire n’avaient naturellement pas quitté leurs malades et se tenaient prêts à secourir les blessés.

 

À l’hôtel des postes, le receveur et son personnel, qui avaient organisé une permanence, communiquèrent à la mairie, heure par heure, les nouvelles qui leur parvenaient.

 

Tard dans la nuit, arrivait de la sous-préfecture, l’ordre d’évacuation de la population.

Elle s’était déjà mise à l’abri dans les bois.

Il faisait beau, la nuit fut calme et se passa sans incident.

 

L’après-midi du lendemain devait être plus mouvementée.

La « résistance » de Landerneau allait lui valoir un bombardement de 400 obus, causer la mort de quatre officiers et marins, faire plusieurs blessés et détruire ou endommager par le feu et les obus de nombreuses maisons.

​

(À suivre)

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L'autorité militaire allemande vient de décider la mise en application des dispositions suivantes pour la police de la navigation :

 

I. — NAVIRES QUITTANT LE PORT DE BREST

 

Tous les navires quittant le port ou la rade de Brest pour aller en mer au-delà de la ligne Saint-Mathieu-Le Toulinguet doivent, vingt-quatre heures avant l'heure prévue pour l'appareillage, se présenter à la « Hafenkommandantur-Hafenhueberwachungstelle », pour y demander un permis de navigation.

Toutefois les navires séjournant à Brest pendant un court délai pourront annoncer leur départ en même temps que leur arrivée.

 

À l'arrivée dans le port de destination, ce permis doit être remis à la « Hafenkommandantur » de ce port, qui est qualifié pour délivrer un permis de navigation pour tout nouveau voyage à effectuer, en partant de ce même port.

 

Les navires quittant le port de Brest pour y retourner après avoir fait seulement escale dans un ou plusieurs ports, où n'existe pas de « Hafenkommandantur », auront à signaler à la « Hafenkommandantur » de Brest que le permis de navigation doit être valable pour le voyage de retour ;

ils devront, dans ce cas, remettre ce permis à la fin du voyage, c'est-à-dire à leur arrivée à Brest.

 

Aucun permis de navigation ne peut être, dans l'état actuel des choses, délivré pour la partie de la côte de la Manche à l'est du port de Saint-Malo.

 

II. — NAVIRES ENTRANT DANS LE PORT DE BREST

 

Les navires entrant dans le port de Brest et venant du large doivent s'annoncer à la « Hafenkommandantur - Hafenhueberwachungstelle » dès leur arrivée, pour donner le permis de navigation qui leur aura été délivré par la « Hafenkommandantur » du port d'où ils viennent.

 

Il est rappelé que les navires entrant à Brest, pour y séjourner pendant un délai réduit, ont la faculté de demander leur permis de départ en même temps qu'ils annoncent leur arrivée.

 

Sont seuls dispensés des règles précédentes les petits navires de pêche qui ne quittent pas, en principe, le port pour des périodes d'une durée supérieure à 24 heures.

 

Toutefois, les navires et sloops assurant des services réguliers de transport de marchandises, entre Brest et d'autres ports, pourront être pourvus d'une autorisation à caractère permanent ;

les demandes des capitaines et patrons devront être présentées au Service du port qui les transmettra à la « Hafenkommandantur ».

 

L'attention de tous les capitaines et patrons intéressés est appelée sur la nécessité de se conformer rigoureusement aux prescriptions édictées par l'autorité maritime allemande et d'accomplir toutes les formalités visées ci-dessus.

 

L'attention des patrons de tous les sloops et navires de pêche est appelée sur la nécessité de voiler toutes les lumières du pont et de les dissimuler complètement à la partie supérieure.

 

Les feux de position devront être réglés pour présenter une limite de visibilité inférieure à un mille marin et devront également être complètement dissimulés à la partie supérieure.

 

Les patrons devront veiller très attentivement à l'observation des prescriptions ci-dessus qui intéressent d'ailleurs leur propre sécurité ;

faute de quoi, des sanctions seraient certainement prises contre eux.

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