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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


29 juillet 1940

Jour 41
 

 

Au matin du 18 juin, la population landernéenne, qui avait passé la nuit dans les bois de Pencran et du Lech, voulut, en raison du calme qui régnait, regagner ses maisons.

Il fallut user d'autorité pour l'obliger à retourner dans ses abris.

On avait appris que les troupes allemandes arrivaient à Sizun.

 

PREMIER CONTACT

 

Vers 11 h. 30. M. Blaise, employé à l'usine électrique, quittait La Roche pour aller rejoindre sa femme réfugiée dans le bois de Pencran quand il fut arrêté sur la route, d'un coup de sifflet impératif, par les occupants d'une auto armée à l'avant d'une mitrailleuse.

 

Un officier et un soldat allemands, arrivés à sa hauteur, sautèrent à terre.

En français, l'officier demanda à M. Biaise :

— Y a-t-il des troupes à Landerneau ? Des Anglais ?

— Je l'ignore, je ne viens pas de là.

Peu rassuré, M. Biaise tenta prudemment de s'éloigner, mais le soldat lui mit sous le nez son revolver.

L'officier insista :

— Doit-on nous opposer de la résistance ?

— Mais... je ne sais pas...

 

— Enfin, dit l'officier impatienté, a-t-on établi des barrages sur les routes ?

 

C’est possible, répondit M. Blaise qui, heureux de s’en tirer à si bon compte reprit son chemin sans demander son reste pendant que l'auto faisait demi-tour.

 

Les rares personnes restées dans des maisons isolées près de La Roche n'aperçurent que quelques patrouilles de motocyclistes.

 

Le gros de la colonne allemande se partagea en trois pour poursuivre sa route en éventail par les routes de Lesneven, Morlaix et Sizun.

 

Une batterie de 77 prit position entre Le Pontois et Ker-Raoul.

De cet emplacement on découvrait tout le panorama de Landerneau.

 

D'une maison bordant la route de La Roche, un témoin vit à la jumelle les servants, ayant mis bas la veste, déplacer dans le champ les tas de foin fraîchement coupés, pour la mise en batterie des pièces.

 

Deux autres batteries :

Une de 105 et une de 77, s'étaient établies du côté de Lesneven et de la route de Paris.

 

LE BOMBARDEMENT

 

Dans la ville tout était silencieux.

Les magasins étaient fermés, sauf, à l'angle nord-ouest du pont, la pharmacie, dont le propriétaire, M. Moreul, coiffé du casque, souvenir de l'autre guerre, s'efforçait de chasser deux ivrognes qui s'entêtaient à vouloir stationner devant son officine.

 

MM. Louis Rolland et Paul Simon, députés ;

les adjoints et chefs de services se tenaient dans la salle du conseil municipal, à la mairie.

Par les fenêtres du premier étage ils pouvaient surveiller les alentours.

​

 

À 13 h. 30, une première détonation rompit le silence.

Le canon de 75 de la place de l'hôpital ouvrait le feu.

 

Une seconde après, le 75 de la route de Morlaix se fit entendre à son tour.

 

La réponse ne se fit pas attendre.

En sifflant, une pluie d'obus arriva sur la ville.

Leurs éclatements se succédèrent à un rythme accéléré, presque sans interruption.

 

Un des premiers obus de 77 avait mis le feu à l'essence contenue dans le camion placé à proximité du pont de chemin de l'incendie avait gagné trois des bâtiments voisins de la ferme Favé, de Voas-giaz, en Pencran, où six vaches périrent carbonisées dans leur étable.

 

Des bois de Pencran, les habitants apercevaient les flammes, couronnées d'un épais panache de fumée.

Il ne fallait pas songer à organiser des secours, les obus tombaient toujours.

La canonnade faisait rage, avec plus sourdes les détonations des « départs », plus déchirantes celles des « arrivées ».

 

Un obus avait arraché quelques pierres à la maçonnerie du pont de chemin de fer de la ligne Paris-Brest.

On voit encore sur les tôles du tablier les trous faits par les éclats.

 

À quoi eût servi le sacrifice de la vie des braves marins et soldats de ce secteur de résistance ?

Les défenseurs avaient, en fait, accompli leur mission de retarder de quelques heures l'avance des troupes allemandes.

L'ordre de cesser le feu fut donc donné.

 

Les détachements s'éparpillèrent, sans être autrement inquiétés, bien avant que ne cessât le bombardement, dont la cadence s'était toutefois ralentie, mais qui ne prit fin qu'à 16 h. 20.

 

Il avait duré exactement 2 h. 50.

Plus de 400 obus étaient tombés sur la ville.

Tous, heureusement, n'avaient pas éclaté.

On comptait quatre morts et plusieurs blessés.

 

LES MORTS

 

Une auto ambulance dans laquelle avaient pris place le médecin principal Boudet, médecin-chef de l'hôpital complémentaire de la marine, au Calvaire ;

le médecin résident Fichet, les médecins Fraboullet et Classe, le pharmacien de 1ère classe Quesseveur ;

deux matelots infirmiers et le chauffeur, le matelot Caro, parcourait la ville à la recherche de blessés pour leur donner des soins.

 

Près des ateliers d'un entrepreneur de couverture et plomberie, un des derniers obus tirés par les Allemands — le dernier, prétendent des témoins — tomba sur l'auto ambulance.

 

Le pharmacien militaire Quesseveur et le matelot Caro furent tués sur le coup.

Le docteur Classe et les deux matelots infirmiers blessés par des éclats.

La voiture subit d’importants dégâts et se fut grand-chance que ses occupants ne fussent atteints.

 

L'ENTRÉE EN VILLE DES ALLEMANDS

 

Un premier élément composé de motocyclistes, d’autos blindées et de quelques tanks légers fit son entrée dans la ville vers 17 heures.

 

LE LIEUTENANT DE VAISSEAU JEAN MOREAU EST TUÉ

 

À cent mètres du pont, le lieutenant de vaisseau Jean Moreau, à qui avait été confié le commandement du centre de résistance, suivait à pied, accompagné d'un marin, le quai de Cornouaille, sur la rive gauche de l'Elorn.

 

Une auto s'arrêta à l'angle du quai et de la rue de la Mairie.

Sa mitrailleuse crépita.

 

Le marin eut le temps de se jeter dans une ruelle perpendiculaire au quai.

Le lieutenant de vaisseau Moreau aperçut une bicyclette abandonnée et l'enfourcha.

Il n'avait pas roulé dix mètres qu'on le vit, d'une fenêtre de la mairie, tomber les bras en croix.

 

L'officier était atteint de plusieurs balles.

Il se releva cependant, se traîna jusqu'à l'hôpital du Calvaire, distant de près de 800 mètres et quand il y parvint, il s’écroula.

Il était mort.

 

(À suivre)

​

 

En l'absence de MM. Gautier, maire, et Savina, premier adjoint, empêchés, M. Le Blanc, adjoint au maire, a procédé, dans la salle des mariages, le vendredi 26 Juillet 1940, à 20 h. 30, à la remise du prix « Anne Marie » à Mlle Marie-Thérèse Le Goff, âgée de 21 ans, demeurant à Quimper, 23, rue Jean Jaurès.

Au nom de la commission, M. Goulaouic s'est exprimé en ces termes :

 

« Mesdames, messieurs, mademoiselle,

 

«  Je crois devoir, tout d'abord, vous donner lecture des dispositions testamentaires concernant le legs que Mlle Bourgeois a fait à la ville de Quimper.

 

Je donne et lègue à la ville de Quimper, une inscription de rente sur l'État, 3 % rapportant annuellement mille francs d'intérêts, à condition que les arrérages soient donnés en prix, chaque année, à une jeune fille pauvre qui aura la conduite la plus exemplaire et aura observé la plus grande simplicité dans sa toilette.

La rosière aura pour mission d'entretenir l'ordre et la propreté autour de ma tombe pendant l'année qui suivra sa réception.

 

« Telles sont, mesdames, messieurs, les dernières volontés de cette généreuse bienfaitrice, qui procurent chaque année à la municipalité de Quimper l'heureuse occasion de récompenser une de nos compatriotes que le sort a privée de fortune et dont la conduite aura été exemplaire.

 

« En exécution de ces dispositions, la commission spéciale placée devant deux demandes de candidates, toutes deux possédant les qualités requises pour obtenir cette récompense, a, à l'unanimité, porté son choix sur Mlle Marie-Thérèse Le Goff, résidant chez sa grand'mère, Mme Pernez, 73 ans, 23, rue Jean Jaurès, à Quimper.

 

« Bien que née à Gouesnac'h en 1919, Mlle Marie-Thérèse Le Goff habite Quimper depuis 19 ans ; elle est l'aînée de quatre enfants (filles), dont trois âgées de 15, 8 et 7 ans, et qui sont restées à sa charge depuis le décès de leur mère survenu il y a quatre ans, car le père a totalement délaissé ses enfants.

 

« L'adversité en frappant cette jeune fille n'a fait qu'accroître son courage et c'est avec une résolution farouche qu'elle s'est mise au travail sans faiblir un seul instant, à seule fin d'élever de son mieux ses jeunes sœurs.

Nul ne pourrait dire quelles privations de toutes sortes dut s'imposer cette jeune fille modèle pour subvenir aux besoins de ses sœurs; maintenant plus que jamais, sa tâche est grande et nous l'admirons tous pour son dévouement.

 

« Mlle Le Goff, je vous félicite du fond du cœur.

La ville de Quimper ne pouvait mieux choisir en vous décernant le prix « Anne Marie », aussi, je suis persuadé que vous serez reconnaissante à tous ceux qui ont pu vous aider dans votre tâche, vous le serez surtout à Mlle Bourgeois.

 

« Allez, mademoiselle, visiter la tombe de votre bienfaitrice ;

ayez soin de cette tombe où repose celle qui fut la providence des pauvres. »

 

Après un hommage rendu à la mémoire de Mlle Bourgeois, le président remet à Mlle Marie-Thérèse le prix de «  Anne Marie ».

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