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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


29 juin 1940

Jour 11
 

 

La préfecture de Quimper communique :

 

Les quantités d'essence actuellement disponibles dans le département étant insignifiantes, et le ravitaillement en carburant étant momentanément impossible, il est indispensable d'économiser au maximum ce qui reste de ce combustible afin de le réserver aux besoins impérieux de la vie du pays.

 

En conséquence, le plan de transport public déjà réduit au début des hostilités va être, jusqu'à épuisement du carburant, considérablement diminué de façon à donner le temps de procéder à une organisation des transports avec les seuls moyens dont on dispose, c'est-à-dire le chemin de fer et le véhicule hippomobile.

 

Le nouveau plan temporaire de transport sera avant tout établi afin d'aider au déplacement strictement indispensable et de concourir à la distribution du courrier.

 

À partir du dimanche 30 juin, tous les services publics de transport des voyageurs, et tous les services de transport des marchandises, seront suspendus.

 

Seuls pourront reprendre les services autorisés par le nouveau plan qui sera incessamment porté à la connaissance du public.

 

Les particuliers propriétaires d'autos comprendront qu'il y a lieu pour eux de s'abstenir de tous déplacement pendant les prochains jours et jusqu'à nouvel ordre.

 

Feront seuls exception :

Les déplacements nécessaires au service médical ;

éventuellement au ravitaillement de certains centres isolés et à quelques services administratifs.

 

Un contrôle strict sera exercé par les soins de la gendarmerie et de l'administration des ponts et chaussées.

Tout véhicule qui sera rencontré sans être en mesure de présenter toutes justifications utiles, donnera lieu à de sévères sanctions.

 

Le nombre des élèves qui se sont présentés hier matin dans les écoles d'enseignement primaire n'a pas été très grand, surtout dans les petites classes.

 

La raison en est, premièrement, à la rapidité avec laquelle cette décision a été prise.

 

La Dépêche avait donné connaissance, dans son numéro de jeudi 26 juin, dans la rubrique Quimper, d'une note émanant de M. l'inspecteur d'Académie dont voici le texte :

 

« D'accord avec M. le préfet du Finistère, l'inspecteur d'Académie décide la réouverture, à partir du vendredi 28 juin, de toutes les écoles et classes de l'enseignement primaire non occupées par des troupes et des services publics et sociaux. »

 

Cette note ne spécifiant pas qu'il s'agissait d'une mesure prise pour toutes les écoles du département, beaucoup de parents ont pensé qu'elle ne s'appliquait qu'aux écoles de la ville de Quimper.

 

Cependant, MM. Leroy et Le Lay, inspecteurs primaires, avaient reçu la même note et s'étaient, dès sa réception, empressés d'en avertir les directeurs d'écoles de leurs services.

Ceux-ci avaient apposé jeudi, sur les portes de leurs établissements, des avis manuscrits indiquant :

« Les classes reprendront vendredi matin 28 juin »,

 ou, au contraire :

« Les classes ne reprendront que lorsque l'école aura été évacuée. »

 

M. Le Lay, à défaut de communications téléphoniques, adressa par poste, dès réception de la note de M. l'inspecteur d'Académie, à tous les directeurs des chefs-lieux de canton, en les priant d'avertir leurs collègues des communes environnantes, la décision prise d'ouvrir vendredi matin 28 juin, à 9 heures, leurs écoles.

 

Ces lettres ont-elles atteint à temps les directeurs de Landerneau, Plabennec, Lesneven, Lannilis, Daoulas, Ploudiry, Plouescat, Landivisiau et Sizun ?

Il est permis d'en douter.

 

D'autre part, de nombreux parents ont envoyé leurs enfants chez des parents à la campagne.

 

Une maman nous dit :

— Mes enfants sont assez loin de Brest.

Dois-je les faire revenir pour poursuivre leurs études ?

Les communications sont difficiles, les places dans les autocars limitées.

Il faudrait être renseigné sur la durée des cours.

Je ne juge pas utile de faire revenir mes enfants pour quinze jours, si les vacances doivent, comme l’an dernier, commencer le 14 juillet.

 

Il n'est malheureusement pas possible de répondre, car on ne parait pas savoir encore s'il y aura des vacances, ni la date de leur début.

 

L'opinion générale des parents peut, en tout cas, se résumer ainsi :

— Nous préférons savoir nos enfants à l'école que de les laisser courir dans les rues.

Peut-être, au lieu de vacances, pourrait-on, cette année, entrecouper les heures de classe de promenades surveillées.

 

Instituteurs, institutrices, directeur et directrices se montrent satisfaits de la reprise des cours :

 

— Nous sommes enchantés, disent-ils, d'avoir une occupation qui sera pour nous un précieux dérivatif.

Nous ne demandons tous et toutes qu'à reprendre nos cours.

 

Place Sanquer

 

L'école des filles a fonctionné dès hier matin.

Un tiers environ des élèves s'est présenté :

Une vingtaine de fillettes au lieu d'une cinquantaine par classe ;

un peu plus chez les grandes des cours complémentaires.

 

Une maman fait cette réflexion :

— J'habite Kerhuon.

Ma fille, comme beaucoup de ses compagnes, bénéficie de réductions sur le parcours en chemin de fer.

On délivre, à tarif réduit, des cartes de circulation aux écoliers.

Il faut en faire la demande d'avance.

Dois-je la faire avant de savoir la date de fixation des vacances ?

 

Ici des cheminots au lieu d'élèves

 

Nous voici dans le côté « garçons » de cet important groupe scolaire.

Au lieu d'enfants, nous avons la surprise de trouver dans une des cours, des hommes de tout âge qui se promènent en devisant sous ce beau soleil.

 

Dans le préau, des tables de fortune sont dressées.

Comme sièges, des planches posées en équilibre sur des agglomérés de ciment destinés à la construction d'une cloison.

 

Le couvert est mis.

Dans les assiettes bien alignées, chacune devant le nom du convive inscrit à la craie sur la table, une portion de saumon ou de corn-beef, extraits de boites de conserves, attend.

 

Dans une sorte de grande lessiveuse mijote le plat de résistance qui dégage un fumet appétissant.

Deux grands gaillards, les cuistots du groupe, s'affairent.

Midi approche.

 

— Nous sommes ici, nous dit le comptable du groupe, 93 agents de la traction du réseau de la S. N. C. F. du dépôt de Nantes.

Nous avons été repliés par les derniers trains ayant circulé avant l'occupation et nous occupons ici seize classes.

 

On se débrouille.

Nous versons chacun cinq francs par repas et ne mangeons pas trop mal.

Seulement, on boit plus de flotte que de pinard.

Il va falloir s'y habituer.

 

Et comme chez nous la bonne humeur ne perd jamais ses droits, des plaisanteries fusent et chacun s'apprête à faire honneur à ce repas en plein air.

 

Cette occupation de l'école sera de courte durée ; elle n'a naturellement pas permis de reprendre les cours.

 

Place Guérin

 

Un millier de civils ont été logés depuis mercredi 19 juin dans les quinze classes de la place Guérin.

 

Les premiers étaient arrivés mercredi soir 19 juin, une heure avant l'entrée des troupes allemandes; les derniers sont partis jeudi matin.

 

Le matériel de literie qui a servi à ces civils encombre encore les classes; celles-ci ne pourront fonctionner qu'après son enlèvement et désinfection des locaux.

 

M. Toullec, directeur, espère que l'école pourra fonctionner lundi matin.

 

Rue de la Mairie

 

L'école communale de filles de la rue de la Mairie, dirigée par Mlle Craveur, n'a pas pu fonctionner hier.

 

Des troupes françaises y ont été cantonnées et il faut enlever la paille et désinfecter les locaux avant l'entrée des élèves ; là aussi, elle pourra sans doute avoir lieu lundi.

 

École Michelet

 

Sur l'effectif habituel de 330 élèves fréquentant l'école de la rue Michelet, 120 garçons se sont présentés hier et ont recommencé le travail sous la direction de leurs maîtres.

 

Rue Duquesne

 

L'école a été occupée au rez-de-chaussée par des travailleurs marocains et, au premier étage, par des chasseurs.

 

Une cuisine roulante est restée dans la cour.

Institutrices, élèves, femmes de service travaillent à remettre de l'ordre dans les classes lavées à l'eau de Javel et désinfectées au crésyl.

 

L'effectif est habituellement de 320 élèves.

92 se sont présentées hier.

Elles ont été réunies dans deux classes du premier étage.

On les a occupées à faire du tricot et de la lecture.

Les classes ne reprendront que lundi.

 

Les examens

 

Les derniers centres d'examens du certificat d'études primaires sont réorganisés, sauf naturellement à Ouessant.

Il serait souhaitable qu'il en fût de même pour les examens du brevet élémentaire et des baccalauréats.

Les candidats et leurs parents le souhaitent ardemment.

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