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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


3 août 1940

Jour 46
 

 

La crise du charbon, dont nous avons sommairement indiqué les causes dans un précédent article, nous oblige à économiser au maximum son emploi.

Le fourneau de cuisine ne devra plus rester allumé que le temps nécessaire à la cuisson des aliments.

 

On a calculé que le même déjeuner exécuté au moyen du charbon consommait sept fois plus de calories que par le gaz et que sur 3.600 kg. de charbon brûlés chaque année pour les besoins de la cuisine, 600 à peine étaient, en réalité, utilisés pour la cuisson des aliments.

Avec le gaz, dont l'utilisation est commode, simple, propre et rapide, on n'aurait dépensé que 900 mètres cubes à quantité égale de calories utilisés.

 

Mais tout le monde n'a pas le gaz, même dans la proche banlieue de Brest.

Pour ceux qui ont l'avantage de pouvoir s'en servir, il est peut-être bon de rappeler :

 

Qu'une casserole sur le feu doit toujours être munie de son couvercle.

Il ne faut jamais chauffer un aliment ou un liquide sans le couvrir.

Lorsqu'un liquide bout à air libre, il est arrivé à une température qui ne peut être dépassée :

tout liquide bouillant à gros bouillons n'est donc pas plus chaude qu'à petits bouillons.

 

La partie des flammes qui déborde de dessous une casserole ne la chauffe pas.

 

La consommation d'un brûleur est deux cents fois plus grande quand il est ouvert en grand que lorsqu'il est mis en veilleuse.

Il faut donc prendre garde, mesdames, à toujours régler la hauteur des flammes.

Ces flammes doivent être bleues.

Une flamme blanche éclaire, mais ne donne guère de chaleur.

Il faut démonter souvent les parties mobiles du brûleur, les laver, les brosser avec de l’eau chaude additionnée de carbonate de soude et déboucher les petits orifices obstrués.

 

S'assurer que le tuyau souple ne fuit pas.

Fermer le gaz, non seulement au robinet de l’appareil, mais sur la prise au mur chaque fois que l'on ne s'en sert plus.

Le soir, fermer très régulièrement le compteur pour éviter le gaspillage et des accidents.

 

L’emploi de la cuisine à l’électricité fera réaliser de grandes économies de charbon quand le prix du courant pourra, après achèvement de l'équipement électrique en voie de réalisation être ramené à un taux moins prohibitif.

Il s'agit là de progrès à réaliser dans un avenir plus ou moins éloigné.

Pour le présent, il s'agit de remédier à la crise aiguë du charbon, qui risque de se prolonger.

Nous nous chaufferons au bois, cet hiver, nous dit-on.

Encore faut-il que son prix ne soit pas excessif.

Mais, pour la cuisine, pourquoi ne reviendrait-on pas à l'emploi de la marmite norvégienne, qui a fait ses preuves à la fin de l'autre guerre ?

 

La marmite norvégienne

 

Nous avons déjà dit en quoi consistait cet appareil, permettant de faire, ou presque, de la cuisine sans feu.

 

Sa construction est simple :

prenez une marmite en émail, en aluminium ou en terre, voire même une cocotte en fonte, sans queue, avec des anses.

La condition essentielle est que votre marmite ferme bien avec un couvercle bien adapté.

 

Mettez votre marmite dans une caisse d'une dimension plus grande dans tous les sens d'une vingtaine de centimètres.

 

Disposez au fond de cette caisse une matière isolante :

Fibre de bois, vieux journaux découpés en bandes étroites et froissées, plumes chiffons de laine, etc.

Cette couche bien tassée, vous posez dessus votre marmite, entourée d’une feuille de carton dans laquelle elle pourra être introduite ou enlevée facilement.

Remplissez le vide entre marmite  et caisse de même matière isolante que le fond, toujours bien tassée.

 

Confectionnez un gros coussin de la grandeur de la caisse, coussin qui devra, par son épaisseur, obturer complètement, l'intervalle compris entre le couvercle de la marmite et celui de la caisse.

Ce dernier, muni de charnières, devra fermer hermétiquement le tout.

 

Au lieu d'une seule marmite, vous pourrez, si la caisse est assez grande, placer dans la cavité encerclée de carton, deux ou trois récipients superposés, de même diamètre, les couvercles de dessous retournés.

Votre marmite ainsi construite ne remplacera pas une cuisinière consommée.

Le nombre de plats que vous lui demanderez sera restreint, mais confiez-lui un pot-au- feu, un ragoût devant mijoter longtemps, des légumes, des fruits au jus, etc., elle les réalisera avec succulence, leur cuisson sera parfaite et concentrera les arômes et les fumets qui font les délices des gourmets.

Potage, viande, légumes seront cuits à point, les pommes de terre des ragoûts ne seront jamais « défaites », les sauces jamais brûlées.

Vous n'aurez plus d'odeurs dans l'appartement, ni de chaleur étouffante dans la cuisine.

 

 

La manière de s’en servir

 

Après avoir fait prendre l'ébullition aux aliments pendant quelques minutes, vous prenez votre marmite par les anses en maintenant son couvercle bien clos afin que la buée ne s'échappe pas.

Très vite, vous plongez la marmite dans la cavité de la caisse ouverte, placée tout près du fourneau.

Vous posez rapidement le coussin et rabattez le couvercle de la caisse en vous assurant qu’il ferme bien.

Le but est d'éviter toute déperdition de chaleur par le contact avec l’air extérieur.

 

Vous pouvez aller vous promener ou vous rendre à votre travail.

En mettant votre déjeuner au cuiseur le matin, vous dégusterez tout chaud à midi un excellent veau aux carottes ou un bœuf jardinière, cuit à point.

 

Le soir, si votre caisse contient trois récipients que vous aurez pris soin de mettre en même temps dans votre cuiseur, vous trouverez potage, viande, légumes ou entremets parfaitement cuits, rien ne sera brûlé, même si vous êtes en retard.

 

Veillez bien à ce que le capitonnage enveloppe toujours de très près les marmites et les emboîte absolument, ce sera la seule précaution à prendre.

Par autocuisson, vous gagnerez 50 à 60% du temps de feu pour un travail identique

 

Temps de cuisson

 

Voici les temps de cuisson de quelques plats :

Les aliments peuvent être mangés – aussitôt, mais ils peuvent, sans inconvénient rester plus longtemps dans le cuiseur.

 

Légumes verts (haricots verts, choux-fleurs, pommes de terre, carottes, navets, salades, poireaux, potages).

— Laisser bien bouillir sur le feu pendant cinq minutes.

Mettre très vite dans le cuiseur.

Mangeable après une heure et demie de cuisson

Légumes secs (haricots, lentilles, pois cassés).

— Dix minutes d’ébullition, quatre heures minimum de cuiseur.

Artichauts

— Dix minutes d’ébullition, deux heures minimum de cuiseur.

Pot-au-feu

— Un quart d’heures d’ébullition, quatre heures minimum de cuiseur.

Bœuf à la mode

— Préparer comme d’habitude, mouiller, mais mettre aussitôt les légumes.

Laisser bouillir vingt minutes ; laisser au cuiseur 4 à 5 heures.

Ragout.

— Faire revenir, mouiller, mettre, les légumes aussitôt ; laisser bouillir dix minutes ; trois heures de cuiseur.

Blanquette de veau, poulet au blanc.

— Même temps que le ragoût.

Morceau de veau jardinière.

— Faire revenir, mouiller, mettre aussitôt les légumes ; quinze minutes d'ébullition, trois heures minimum de cuiseur.

Poulet cocotte (entier). Gigot braisé

— Cuire sur feu vif dix minutes ; mettre au cuiseur pendant trois heures au moins.

 

Pour les viandes, se servir de préférence d'une cocotte en fonte.

 

On peut cuire également les fruits secs, le riz au lait, les pâtes, en général, avec cinq minutes d'ébullition, deux heures de cuiseur.

 

Il va sans dire que la valeur de l'économie de combustible dépend de la valeur de l'opérateur.

Certaines personnes préparent, le matin, en trois quarts d'heure de feu, au moyen d’une marmite norvégienne, les deux repas de la journée, qu'elles trouvent chauds à l’heure voulue, sans s'être davantage occupées d'eux, puisque le lamentable raté est impossible.

 

Avec le charbon, on estime qu'en raison des deux périodes inopérantes :

Celle de l'allumage et celle de l'extinction dont la durée est plus longue que celle de la cuisson, l'économie de combustible ne dépasse pas 60%.

Avec le gaz, elle atteint 80%.

 

Construisons donc une marmite norvégienne, ce rudimentaire appareil nous fera faire de précieuses économies de temps et d'argent.

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