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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


5 août 1940

Jour 48
 

 

BELLE JOURNÉE QUE CELLE D'HIER !

 

— Nous avons eu, hier, une magnifique journée estivale, au cours de laquelle un gai soleil brilla de tout son éclat.

 

Mettant à profit le repos dominical, un grand nombre de Morlaisiens se rendirent plus ou moins loin sur la côte, selon qu'ils entreprenaient leur promenade à pied ou à bicyclette.

On les vit quitter la ville, hier matin, de bonne heure, emportant dans des sacs ou dans des paniers le repas de midi soigneusement préparé la veille.

 

Les services automobiles actuellement maintenus entre les diverses localités de la région ne permirent pas, malheureusement, aux promeneurs de se rendre sur les grèves de la région un peu éloignées de Morlaix, telles que Locquirec, Plestin, etc.

Le nombre des véhicules mis en circulation dans ces directions est, en effet, insuffisant pour pouvoir être utilisé dans ce but.

 

Les cars destinés à Primel-Trégastel et à Carantec furent littéralement assaillis par les personnes désireuses d'aller respirer, sans fatigue, l'air de la mer.

Mais nous étions bien loin des départs réguliers et importants d'avant la guerre.

 

Locquénolé, Le Dourduff-en-mer ou le Bas-de-la-Rivière eurent leurs amateurs qui s'y rendirent à pied, dans l'après-midi.

 

Il en résulta que notre ville même se trouva calme et morne durant ce premier beau dimanche de l'été 1940.

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II. — LA PÊCHE AU THON

 

Jusqu'en 1939, l'armement des bateaux se faisait normalement à la mi-juin et leur premier départ avait lieu vers le 20 Juin.

 

L'armement comprenait un patron, titulaire d'un brevet pour la pêche hauturière, de cinq hommes, et quand il était possible d'en trouver, leur recrutement étant de plus en plus difficile, un mousse.

 

Les premiers arrivages avaient lieu le 2 ou le 3 juillet.

 

L'équipage embarquait des vivres pour une quinzaine de jours :

des conserves, du lard, des pommes de terre.

Le thon, péché, constituait la base de la nourriture.

Il était préparé à bord : en ragoût, en grillade ou à la vinaigrette.

 

Cette année, les bateaux ne sont partis qu'à la fin de juin.

La flottille était réduite

Des chalutiers avaient été réquisitionnés, des marins n'étaient pas démobilisés.

 

Le thon établit ses frayères sur les côtes d'Espagne.

Après la ponte, ces poissons aux longues nageoires pectorales se dispersent et montent vers le golfe de Gascogne, où il faut aller les chercher, au début de la campagne.

Peu à peu, ils remontent vers le nord.

Les sujets ne sont pas très grands.

Les plus gros pèsent 5 à 6 kilos.

Leur taille augmente en remontant vers le nord.

En août on les trouve dans les environs du banc de la Chapelle, puis sur la petite et la grande Sole.

En septembre, les chalutiers-thoniers doivent faire 400 à 500 milles pour trouver du thon au nord des côtes d'Angleterre.

 

Puis, le poisson redescend vers le sud en octobre.

On le trouve au large de la Rochelle sur les bancs de Rochebonne.

Inutile d'en chercher après le 20 ou 25 octobre, le thon a disparu.

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LA CAPTURE DU THON

 

Tous les bateaux sont maintenant munis de chambres froides, ce qui permet de prolonger jusqu'à 15 et même 20 jours la sortie ou « marée de bateau » suivant l'importance de la pêche et l'état du temps, avant son retour au port.

 

La chambre froide est située au centre du bateau.

Ses parois en ciment sont isolées par d'épaisses plaques de liège.

Au départ on l'emplit de 7 à 8 tonnes de glace que des camions y déversent par une glissière.

 

À chaque voyage, on fait le plein, pour compenser la fonte, par l'introduction de la charge de deux ou trois camions.

 

De chaque côté de la glacière, se trouvent deux chambres garnies de barres de bois auxquelles, sur deux ou trois rangs, sont suspendus par la queue les poissons.

 

Deux longues perches ou « tangons » sont placées à bâbord et à tribord du thonier.

Sept lignes sont accrochées à chacun des tangons.

Elles sont garnies de gros hameçons au-dessus desquels, on place en guise d'appât, un simple crin de cheval.

 

En arrivant sur les lieux de pêche, les tangons sont abaissés dans une position presque horizontale.

Le bateau file le plus vite qu'il peut.

 

Le thon vorace, très vif, voit briller et remuer le bout de crin, saute dessus et s'accroche à l'hameçon.

 

On le hisse à bord.

D'un coup de couteau à la nuque, il est tué.

On lui fend le ventre et on le vide immédiatement.

Puis le poisson est attaché, toujours par la queue à des barres de bois placées parallèlement à l’arrière du bateau.

On le laisse bien égoutter et sécher toute la journée, puis il va prendre place dans la chambre froide.

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Le début de la saison a été très favorable aux pêcheurs.

Des bateaux, après une dizaine de jours d’absence ont rapporté chacun de 700 à 1.200 thons.

L'un d'eux il y a une dizaine de jours, avait un chargement de 1.400 poissons.

 

La semaine dernière, en raison des mortes-eaux, le poisson a diminué.

Vendredi matin, un bateau n’en a ramené que deux cents.

 

L’après-midi, deux autres :

L'Étoile de France en débarquait 650 et Le Père Jean-François, tous deux d'Auray, en apportait 460.

 

Ces deux thoniers avaient dû s'éloigner à 200 miles, à mi-chemin entre Ouessant et le cap Finisterre pour trouver un banc.

 

Depuis l’établissement du prix unique de 9 f r. 50 le kilo, le thon est réparti par la gérante de la criée selon un pourcentage établi suivant l'importance de chaque usine.

 

Nous assisterons dans un prochain article au débarquement du poisson, à son arrivée à l'usine et à la préparation qu'il y subit.

 

(À suivre)

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