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1940 - 1944
Chroniques d'occupation


7 septembre 1940

Jour 81
 

 

Un des premiers soins du lieutenant Perrigault avait été de doter le camp d'une mosquée, où les travailleurs marocains, pour la plupart très pieux, pussent aller implorer Allah et le remercier de ses bienfaits.

 

Ils se montrèrent très reconnaissants à leur lieutenant de cette généreuse pensée et la mosquée fut fréquentée à toute heure de la journée.

Ce n'est qu'une baraque, mais les parois, peintes en ocre, sont percées de fenêtres à arc ogival.

La mosquée n'est pas ici flanquée d'un minaret.

Il n'est, en effet, pas besoin de muezzin pour annoncer les cinq prières quotidiennes.

 

L'intérieur est une salle rectangulaire aux murs nus, peints en bleu.

Le sol est garni de nattes.

 

Au fond, à gauche :

le mihrâb, sorte de niche ou de guérite, indiquant la Kibla, la direction de la Mecque (sud-est de Brest).

C'est devant le mihrâb que se place le marabout, l’imân, pour diriger la prière.

 

Le plus souvent, les travailleurs marocains se rendent par couples à la mosquée, après avoir procédé aux ablutions purificatoires et s'être soigneusement lavé les pieds.

 

En entrant, ils se déchaussent sur un banc placé près de la porte et, pieds nus, vont s'agenouiller sur les nattes, devant le mihrâb.

Par trois fois, ils se prosternent le front contre terre, marmonnent leurs prières les mains jointes et se prosternent à nouveau avant de se retirer

 

Parfois, le marabout, qui n'est que le chef de la prière et n'a reçu aucune initiation spéciale, réunit une quarantaine de camarades à la mosquée dirige les rites de la cérémonie.

 

Ces soirs-là s'élèvent dans le camp de graves mélopées qu'accompagne, sur deux notes, une sorte de banjo.

Cet instrument a été construit par les moyens du bord.

Un bol en porcelaine en constitue la boite sonore.

Au bol est adapté un long morceau de bois sur lequel sont tendus deux fils métalliques.

Dire que les sons qui en sortent sont doux et harmonieux serait exagéré ;

mais avec accompagnement du tam-tam, qu'une gamelle remplace, il suffit aux Marocains.

Ils se contentent de cet « orchestre » pour renforcer leurs chants nostalgiques.

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AU MARCHÉ

 

Deux fois par semaine, le lieutenant Perrigault accompagne ses hommes au marché.

Ils le considèrent comme leur père, de même qu'ils nomment leur maman la jeune Mme Perrigault qui, chaque après-midi, s'efforce de leur donner des leçons de français.

 

Les Marocains sont très méfiants.

Quand ils ne connaissent pas un fruit ou un légume, on ne leur en ferait pas manger pour un empire.

Aussi, avant d'acheter une denrée qu’ils ignorent, le lieutenant la leur fait-il goûter.

 

L'autre jour, au marché de la place Ferrer, il s’arrêta devant des navets de couleur violette.

— Toi pas acheter cela, dit un des Marocains, la mezzian (ce n’est pas bon).

Achète navets blancs, ça c’est « mezzian beseff ».

 

Plus loin, il y avait des pommes vertes.

Le lieutenant les fit goûter.

Un de ses hommes recracha bien vite le morceau qu’il venait de croquer :

— Pommes aigres, kif-kif un citron, dit-il à ses compagnons.

Si toi manges çà, toi crever.

 

Il en fut de même pour le céleri.

Il faillit s'étrangler en le recrachant avec dégoût, après l'avoir goûté.

 

Et l'on dut se rabattre sur des figues vertes, le fruit qu'ils préfèrent.

— Ah! ça, Kermous, mezzian beseff (parfait, très bon).

 

Il fallut mettre un frein à leur gourmandise, car sous prétexte de les goûter, ils auraient vidé le panier de la marchande.

 

(À suivre).

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De jeunes dévoyées.

 

— Le 5 août dernier, deux jeunes filles, Jeanne X..., 15 ans, de Brest, et Amélie Z..., 15 ans, couturière, arrivèrent à Morlaix, où elles retrouvèrent une amie, Yvonne Le B..., 21 ans, employée de commerce, qui se trouvait déjà dans notre ville depuis le 29 juillet.

 

Elles couchèrent dans divers hôtels et, notamment, au restaurant Silliau, place du Dossen, où elles dérobèrent dans une chambre un tablier et une combinaison appartenant à Mlle Silliau, ainsi qu'une boite de cirage, un chausse-pied et une bouteille de brillantine appartenant à un pensionnaire de rétablissement, M. Joseph Léon.

 

M. Rocher, commissaire de police, saisi d'une plainte, le 18 août, ouvrit une enquête et établit que, depuis qu'elles étaient à Morlaix, les jeunes filles s'y livraient à la débauche.

 

Jeanne X... avoua avoir volé la combinaison et elle affirma que tout le reste avait été pris par Yvonne Le B... Celle-ci, par contre, prétendit ne s'être emparée que d'une blouse.

 

Or, le 10 août, vers 16 h. 30, Mlle Jeanne Guézennec, cultivatrice à Kerscoff, en Ploujean, avait constaté la disparition d'une robe qu'elle avait mise dans un séchoir.

En portant plainte aux gendarmes, Mlle Guézennec leur avait fait voir une autre robe, identique à celle qui lui avait été soustraite.

 

Quand les gendarmes furent chargés de transférer au Bouguen, à Brest, les jeunes voleuses arrêtées à Morlaix, ils s'aperçurent qu'Yvonne Le B... portait la robe qui avait été dérobée à Mlle Guézennec.

Interrogée à ce sujet, Yvonne Le B... déclara que la robe lui appartenait.

Elle prétendit qu'elle lui avait été donnée par une réfugiée d'Angers, dont elle ignorait le nom, qui l'avait volée à Kerscoff.

 

Yvonne Le B..., ainsi qu'Amélie Z... et Jeanne X..., poursuivies pour vol, sont habilement défendues. Elles sont condamnées :

Yvonne Le B..., à 2 mois de prison avec sursis ; les deux autres jeunes filles a 15 jours de prison avec sursis.

 

Infraction à la défense passive.

 

— Un commerçant de la rue au Fil, déjà condamné le 19 avril par le tribunal de simple police pour infraction à la défense passive, avait laissé éclairé, sans camouflage, le 6 août, vers 4 h. 30 du matin, la fenêtre d'une chambre située au 3e étage.

 

Le fait d'être récidiviste lui vaut de comparaître devant le tribunal correctionnel.

Le tribunal lui inflige 16 francs d'amende.

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