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1937

Le pardon
de Sainte-Anne-la-Palud

 

 

Source : La Dépêche de Brest 30 août 1937

 

De tous les pardons du Finistère, celui de Sainte-Anne la Palud fut jadis le plus fréquenté car il attirait, des coins les plus reculés du département, un grand nombre de pèlerins auxquels venaient se joindre des milliers de curieux, touristes, etc... .

 

Pourquoi cette année, disons même depuis deux ou trois ans, avons-nous l'impression que ce pardon est moins suivi ?

Pourquoi n'y retrouvons-nous pas la foule enthousiasmée d'antan ?

 

Est-ce parce que, à Sainte-Anne la Palud, comme hélas ! partout ailleurs, diminue le nombre de nos magnifiques costumes bretons qui ravissaient les visiteurs ?

C'est possible.

 

Lointaine est l'époque où les chars à bancs, les camions, les voitures amenaient de la Montagne Noire, de Plougastel-Daoulas, de toute la Cornouaille, nos paysans aux riches costumes, nos paysannes aux atours pimpants, bariolés, brodés d'or, agrémentés des plus harmonieuses couleurs.

 

Alors tout le Finistère était représenté à cette fête mi-religieuse, mi-païenne.

 

À cette époque encore les chants liturgiques, les musiques de quelques modestes baraques foraines, les appels des marchands, se mêlaient, d'une façon presque agréable, pourrait-on dire !

 

Mais, maintenant, la fête foraine domine tout.

 

Les chansons, souvent d'un goût douteux, de jeunes groupes venus des ports voisins, les airs démodés des orgues de barbarie (et quelle barbarie !), les rengaines des disques fatigués des phonos, s'unissent aux trompes des autos et nous assourdissent dans une horrible cacophonie.

 

Lors d'un de nos premiers articles sur le pardon de Sainte-Anne la Palud, parlant du tableau grouillant sous les maigres ombrages près de la chapelle, où des échoppes, des tentes, montaient le fumet des ragoûts, le relent de morceaux de charcuterie, tandis que le cidre coulait à flots, nous comparions cet ensemble pittoresque à une kermesse de Téniers.

Désormais, deux fois hélas ! Nous ne pensons, en voyant cette assemblée, qu'à une banale fête de quartier avec ses tirs, ses loteries, ses chevaux de bois, ses manèges variés, auxquels s'ajoutent, cette année, deux ménageries !

 

Et, à notre avis, c'est ce lamentable changement de décor, ce laisser-aller déplorable, ce manque de pittoresque local que recherchaient les touristes, qui font que le pardon de Sainte-Anne la Palud n'a plus pour les visiteurs l'attrait de jadis.

C'est regrettable !

 

D'autant plus regrettable que cette année les journées du pardon se passent avec  la brume légère qui flotte sur la mer, dans une lumineuse atmosphère et que la brise marine fraîche et agréable rendent encore plus admirable ce site unique dans la région.

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LA FÊTE RELIGIEUSE

 

Samedi a commencé le pardon par des messes, des offices qui furent suivis par un public nombreux.

 

Féerique fut, dès la tombée de la nuit, la procession à travers la lande sur laquelle tremblotaient les milliers de flammèches des cierges.

 

De loin, ce défilé présentait l'aspect d'un long serpent de feu se déroulant, enlaçant les flancs du coteau, se distendant, se resserrant, tandis que les cantiques, chantés à pleine voix par des milliers de pèlerins, se répercutaient du creux des falaises et allaient mourir au loin dans les flots transparents que caressaient les doux rayons de la lune.

 

Remarqué aux offices, cette année, quelques jeunes et charmantes réfugiées espagnoles habitant la région et qui, selon la tradition de leur pays, portaient sur la tête de fines mantilles en dentelles du plus gracieux effet.

 

Aujourd'hui, après les messes et les vêpres, la grande procession traversa la foule pour suivre, comme tous les ans, les routes du vallon et la crête des coteaux.

 

Sous les rayons ardents du soleil, les croix d'or et d'argent, les pierreries des reliquaires, les broderies aux mille couleurs des bannières et des costumes, les mitres des évêques, rutilaient, scintillaient et présentaient un spectacle inoubliable.

 

Dans ce long cortège on remarquait la présence de Mgr Duparc, évêque de Quimper ;

Mgr Cogneau et Mgr Michel Even, supérieur des chapelains de Pont-Main.

 

Jusqu'à mardi, jour des Douarnenistes, le pardon de Sainte-Anne la Palud va se poursuivre.

Et puis le grand calme renaîtra sur la lande, les coteaux, les falaises.

Au grand souffle du large les arbres secoueront la poussière dont ils ont été recouverts ces jours-ci, la vieille chapelle redeviendra déserte, ou presque, jusqu'au pardon de 1938.

 

Nous nous en voudrions de terminer cet article sans faire remarquer que cette fête s'est passée d'une façon impeccable grâce à l'excellent service d'ordre assuré par les vigilants et actifs gendarmes des brigades de la région.

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