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1940

Une ressource pour nourrir votre famille
Le jardinage

 

 

Source : La Dépêche de Brest 9 juillet 1940

 

Il ne manque pas de terre en friche autour de la ville.

Certains terrains lotis ne trouvent pas preneurs.

Peut-être serait-il possible d'en louer des lots dans de bonnes conditions.

 

Mais la possession d'un jardin suffit-elle pour assurer la subsistance d'une famille, et de quelle superficie de terrain faut-il disposer?

 

C'est ce que nous avons tenté de savoir.

Les avis sont partagés.

 

Voici ce que nous a confié un ouvrier dont l'expérience, en raison des résultats acquis, semble faire autorité.

 

*

**

 

Aidé de sa femme et de ses deux jeunes enfants, ce brave homme passe, depuis plusieurs années, ses heures de loisirs dans son jardin.

 

C'était un terrain inculte qu'il a défriché.

Sa journée de travail à l'arsenal achevée, on pouvait le voir, jusqu'à la chute du jour, bêcher, sarcler, planter, nettoyer les 500 mètres carrés qu'il a transformés en un jardin productif.

 

Il le soigne avec amour.

Les « planches » alignées au cordeau ne sont séparées que par d'étroits sentiers. Pas un pouce de terrain n'est perdu.

 

Au fond, dans un angle, il a édifié un petit abri pour ranger ses outils et déjeuner le dimanche.

À côté, un clapier où il élève des lapins.

 

Nous félicitons le jardinier-amateur de la bonne tenue de ce jardin luxuriant, dont il est fier à juste titre.

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— La pluie tombée hier lui a fait du bien, nous dit-il.

Sa production est un appoint sérieux pour nourrir ma famille.

Je n'ai pas de légumes à acheter, grâce à ces 500 mètres carrés, bien employés.

 

Le terrain est bon, il est bien abrité, exposé au midi.

La terre est franche et perméable.

Depuis quatre ans, mes récoltes ont été abondantes.

J'ai beaucoup travaillé, mais je n'ai jamais eu de déboires ici.

 

Dans la partie la plus ensoleillée, abritée par le mur de la maison voisine, j'ai aménagé ces châssis pour les couches et semis.

À côté, je sème les légumes hâtifs.

 

Pour obtenir tout ce qu'il nous faut comme légumes, il convient de ne pas laisser la moindre parcelle improductive.

Une plantation arrachée, il faut la remplacer aussitôt par une nouvelle.

 

Je consacre la plus grande partie du terrain, environ 200 mètres carrés, aux pommes de terre ;

50 mètres aux haricots, 20 aux carottes, 30 aux choux, 40 aux petits pois, 30 aux poireaux, une dizaine aux tomates, autant aux navets, une vingtaine aux oignons jaunes et blancs.

 

Dans ce carré de 30 mètres.

J'ai mes couches pour semis et repiquages.

Ces 30 autres mètres bien exposés, me procurent des fraises.

 

Les autres planches sont occupées par l'ail, l'oseille, les épinards, les fèves, des panais, du céleri, etc..

 

Je ne parle pas du cerfeuil, des radis et de la salade plantés en bordures ou intercalés parmi d'autres plantations.

En pratiquant cette culture intercalaire, on utilise la terre au maximum et les récoltes se succèdent à intervalles plus rapprochés.

 

— La saison est peut-être bien avancée maintenant pour espérer obtenir des résultats ?

 

— Mais non.

Dans les planches rendues libres, je vais semer des haricots que je pourrai toujours manger verts, si le temps n'est pas favorable.

 

Je sèmerai des poireaux précoces, je repiquerai deux fois mes poireaux d'hiver.

J'aurai aussi des navets d'hiver, des choux, des épinards au printemps.

Sans compter la mâche, la chicorée et la scarole.

 

Il y a toujours du travail dans un jardin.

Avec un peu d'attention et d'expérience on ne laisse jamais la terre inoccupée.

Il convient aussi de ne pas toujours cultiver les mêmes plantes aux mêmes endroits et de ne pas craindre d'arroser, de fumer et de faire la chasse aux limaces.

 

— Votre production ne vous permettrait pas de vendre quelques légumes pour acheter de la viande, par exemple ?

 

— Non. Il faudrait pour cela un jardin plus grand.

Nous n'en avons que pour les besoins de la famille.

Mais il y a l'élevage des lapins...

Je vous donnerai, la prochaine fois, quelques indications sur le profit qu'il peut procurer.

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Source : La Dépêche de Brest 11 juillet 1940

 

Une grande superficie de terrain a été partagée, près du Moulin-à-Poudre, en une cinquantaine de lots de chacun 4 à 500 mètres carrés, cédés presque gratuitement à des familles nombreuses,

par une œuvre connue sous le nom de « Jardins ouvriers ».

 

Nous avons trouvé là, dans chacun des jardins, des hommes, des femmes, des enfants, se livrant au jardinage, sport utile et sain.

 

L'émulation aiguillonne ces amateurs.

Ils se rendent visite, échangent des avis, se donnent des conseils et obtiennent d'appréciables résultats puisque tous affirment que leur lopin de terre, bien cultivé, assure, toute l'année — ainsi qu'on nous l'avait déjà dit — la provision de légumes nécessaire à une famille de 4 à 5 personnes.

 

Mais, dira-t-on, les végétariens ne sont pas légion.

On ne peut se contenter de pommes de terre, haricots ou salades.

 

— L'élevage du lapin, nous dit notre jardinier-amateur, peut, bien compris, fournir un appoint sérieux et compléter, dans une certaine mesure, la production du jardin.

 

Ma femme et ma fillette s'occupent plus spécialement de ces petites bêtes.

 

— Elles sont si gentilles, dit la petite aux boucles blondes, âgée d'une douzaine d'années, que j'ai beaucoup de chagrin quand on vend ou que l'on tue un de mes pensionnaires.

 

— Oui, dit la maman, mais tu ne donnes pas ta part au chat, quand ton lapin est mis en gibelotte.

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Le clapier

 

— La construction du clapier, poursuit le père, ne m'a pas coûté cher.

J'ai, comme vous le voyez, adapté des portes grillagées à des caisses en bois, adossées au mur et recouvertes d'un toit débordant, en carton bitumé, pour les préserver de la pluie, mais bien exposées, car les lapins aiment les bains de soleil.

 

Le fond des caisses est garni d'une feuille de zinc avec une légère pente permettant l'écoulement des urines vers l'extérieur.

Sur ce zinc est placé un plancher à claire-voie, soigneusement lavé chaque semaine, sur lequel Je dispose une litière fréquemment renouvelée.

 

Il faut, en effet, pour avoir de bons lapins, les tenir dans le plus grand état de propreté, les mettre dans un endroit sans humidité, suffisamment aéré et d'une tranquillité absolue.

 

Les cases doivent avoir au minimum 80 centimètres de largeur, 0 m. 60 de profondeur et autant de hauteur.

 

Les portes grillagées ont 0 m. 45 au carré.

Les charnières sont faites de cuir découpé dans de vieilles chaussures.

 

J'ai mis les portes sur le côté gauche de la façade des caisses pour laisser la place à un râtelier accroché à la paroi antérieure, il est ainsi facile de les garnir d'herbe sans déranger les lapins.

Sous le râtelier J'ai fabriqué des augettes en fer blanc pour les épluchures, croûtes de pain, pâtée, etc., etc...

Voyez, ce petit récipient est toujours empli d'eau fraîche

 

Un vieux et sot préjugé — aussi tenace que celui prescrivant de couper l'extrémité de la queue d'un chat, cruauté Inutile — laisse croire que le lapin ne boit pas.

Grave erreur, si grave que, fiévreuse et assoiffée, la mère lèche ses petits jusqu'au sang pour se désaltérer, ce qui fait dire qu'elle est une mauvaise mère et tue ses petits, alors qu'elle le fait parce qu'on ne lui donne pas à boire.

Dites bien qu'il faut toujours donner de l'eau claire et propre aux lapins.

Ils ne sont pas comme l'homme, ils ne boivent que quand ils ont soif.

 

Pour avoir des lapins bons à la vente à 4 ou 5 mois

 

Mon but est de produire des lapins qui soient bons à la vente à quatre ou cinq mois avec des races suffisamment rustiques.

Je n'ai pas besoin de me déplacer pour les vendre.

Les voisins connaissent la qualité de mes lapins, le soin que j'en prends et ils viennent, eux-mêmes, les chercher à domicile.

 

Je vous dirai demain comment j'ai commencé mon petit élevage.

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Source : La Dépêche de Brest 12 juillet 1940

 

On a vu, dans un précédent article, la facilité avec laquelle on pouvait construire, dans un jardin, un clapier pour l'élevage productif du lapin.

Notre jardinier-amateur a bien voulu nous faire profiter des fruits de son expérience en nous contant ses débuts :

 

— J'ai débuté modestement en achetant dans une ferme des environs un mâle et une femelle de race commune.

 

Je sais aujourd'hui qu'il faut choisir des sujets de huit à douze ou quinze mois et que l'on reconnaît qu'ils sont trop âgés à la longueur des ongles et à leurs yeux à paupières plissées.

 

La première portée a été de huit lapereaux.

J'ai choisi les deux femelles qui m'ont paru les plus vigoureuses et les mieux venues et quand les six autres lapereaux nous ont semblé assez gras, nous nous en sommes régalés.

 

J'ai enlevé à leur mère les deux lapines que je destinais à la reproduction à l'âge de deux mois.

Je les ai laissées trotter dans un coin clôture du jardin jusqu'à l'âge de quatre mois, puis je les ai mises dans leur caisse.

 

J'avais acheté un mâle de la race « géante des Flandres ».

Quand mes femelles ont atteint l'âge de six mois, je les ai transportées, l'une après l'autre, dans la case du géant. Notez qu'il ne faut jamais mettre le mâle dans la case de la femelle.

 

J'ai soigné particulièrement mes deux premières reproductrices.

Je leur ai donné de l'avoine, du sarrasin ou du chènevis pendant trente jours.

Je leur ai fait une litière plus abondante pour qu'elles préparent leur nid.

 

L'expérience me permet de dire aujourd'hui, car à ce moment je l'ignorais, que s'il n'y a pas trace de nid le 33e jour après l'accouplement, l'opération est ratée ; si la femelle commence son nid peu après sa visite au mâle, il y a beaucoup de chances pour qu'il n'y ait rien de fait.

 

Dès le moment où la mère a mis bas, il faut éviter de l'effrayer et de tripoter ses petits qu'elle caché sous le duvet qu'elle s'arrache du ventre.

Ne pas omettre surtout de donner à la mère de l'eau à discrétion et des légumes rafraîchissants.

 

Peu à peu, mon élevage a prospéré.

La famille lapine s'est agrandie.

Il a fallu donner au clapier l'extension que vous constatez et sélectionner les portées.

 

J'en obtiens parfois plusieurs à la fois.

J'enlève alors les petits aux mères qui en ont trop pour les confier à celles qui n'en ont que quatre ou cinq.

 

Quarante jours après la mise bas, la mère-nourrice est prête pour une nouvelle visite mâle.

Un mâle suffit pour dix femelles.

Seulement, il faut, le plus possible, éviter la consanguinité.

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Alimentation

 

Pour obtenir des lapins bons à mettre en vente vers 4 mois et demi.

Il faut les nourrir intensément.

 

Toutes les herbes sont bonnes au lapin.

On peut lui donner les pelures et épluchures, les sarclures, le surplus du potager, voire même des feuilles, tout lui est bon.

 

L'hiver, on y ajoute du foin, des pommes de terre, des betteraves, navets, carottes, choux avec du son et un peu d'avoine.

 

Je note sur ce carnet les dépenses et recettes de mon clapier.

La marge de bénéfices est intéressante.

Quand nous ne rangeons pas un lapin nous-mêmes, sa vente nous permet d'acheter un pot-au-feu ou un rôti chez le boucher.

 

Tenez, j'ai calculé qu'il fallait pour dix (10) femelles reproductrices de poids moyen ;

L'hiver : 500 grammes de foin et 600 de choux, betteraves, carottes, topinambours, etc. le matin.

Le soir : des pommes de terre coupées en petits morceaux, et des ronds de carottes mélangées à du son et de l'avoine, sans oublier comme boisson : eau à discrétion.

L'été : je substitue à tout cela de l'herbe que mes enfants coupent dans les fossés.

J'y ajoute de la verdure et des déchets de cuisine et mes lapins sont bien portants et gros et gras.

 

Ce qu'il faut éviter, c'est de leur donner de l'herbe fermentée.

Ils attraperont le « gros ventre ».

 

???

— C'est une maladie très contagieuse sévissant chez les lapins.

L'abdomen se gonfle, ils attrapent la diarrhée et meurent souvent dans une crise épileptique.

Il faut alors isoler les malades, leur donner une alimentation sèche et ne pas s'en servir comme reproducteurs.

 

Remarquez que la viande des animaux atteints peut être consommée sans danger, à l'exception toutefois du foie et des parois de l'intestin s'ils sont déjà parsemés de petites taches blanches des dimensions d'un petit pois.

 

En désinfectant souvent les clapiers au crésyl ou à l'eau de javel, j'ai toujours évité le retour de cette maladie que mes lapins n'ont subi qu'une seule fois au début de mon élevage.

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le lapin, conclut notre interlocuteur, je pense que ces conseils pourront être utiles à ceux qui, comme moi, veulent se consacrer à cet élevage intéressant.

Ils y trouveront surement un profit peu négligeable en ce moment.

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