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1897

Les nouvelles rues de Brest

 

 

Sources : La Dépêche de Brest 21 janvier 1897

 

Nous avons annoncé que, dans sa dernière séance, le conseil municipal avait, sur le rapport de M. Longeron, adopté vingt noms nouveaux pour des rues appartenant aux trois quartiers de l'Annexion, du port de commerce et de Recouvrance.

 

Tout d'abord, le conseil a décidé de donner le nom de rue Victor Rossel à la rue Latouche (de Recouvrance), afin d'éviter toute confusion avec la rue Latouche-Tréville, qui appartient au quartier de l'Harteloire.

 

Nous empruntons au rapport de M. Langeron les détails suivants sur les personnalités choisies par le conseil pour désigner les nouvelles rues :

 

« Victor Rossel, né à Brest le 22 décembre 1807, fut successivement agent comptable de la marine, conseiller municipal et représentant du peuple en 1848.

C'était un homme laborieux et modeste, une nature ardente et généreuse.

Toujours poussé par le désir d'être utile, il fonda, avec le concours de deux de ses concitoyens, les premiers cours d'adultes de Recouvrance.

Si l'on songe aux obstacles sans nombre qui s'opposaient alors à la diffusion de l'instruction parmi les enfants des classes ouvrières, on reconnaîtra que la tentative de Rossel était courageuse autant que méritoire.

Il en fut d'ailleurs récompensé par le succès le plus complet.

Un peu plus tard, il appela l'attention de l'autorité supérieure sur la situation alors très précaire des ouvriers de l'arsenal et, par la persistance de ses réclamations, il obtint pour eux une augmentation de solde et de pension de retraite.

C'est par ce dévouement incessant à la cause des faibles et des humbles que Rossel conquit à Brest une très grande popularité ;

et c'est pourquoi, après la Révolution de février, il fut envoyé à l'Assemblée constituante par plus de cent mille suffrages.

« Après avoir traversé sans vertige ces régions élevées et troublées, dit sur sa tombe un de ses amis, il vint, toujours simple et bon, reprendre ses modestes fonctions et sa place au foyer domestique, donnant ainsi à tous un salutaire exemple. »

Ses concitoyens ne l'oublièrent pas et, en 1866, ils le nommèrent membre du conseil municipal, où il rendit encore de grands services.

Rossel mourut à Brest le 25 juin 1868. »

 

Il existe à Brest deux descendants de Victor Rossel :

 

1° Le capitaine de frégate Victor Rossel, officier de la Légion d’honneur et officier d'Académie, qui commande actuellement la défense fixe à Brest.

C'est lui qui présida, dernièrement, la commission d'enquête nommée à la suite de la collision des torpilleurs 61 et 83 ;

 

2° Un petit-fils, M. Le Goïc, médecin aide-major de 1° classe au 118e régiment d'infanterie, fils de M. Le Goïc, adjoint spécial de Recouvrance.

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Victor Rossel

Dictionnaire universel des contemporains

Quatrième édition - 1870

 

Le conseil a, en outre, attribué à dix autres rues des noms qui furent portés par des personnages considérables et des hommes illustres, appartenant soit à la ville de Brest, soit à la Bretagne, soit à la marine ;

ce sont ceux de Delcourt-Ponchelet, Branda, Tourot, Corbière, Violeau, Nielly, Troude, Jurien de la Gravière, Courbet et Armand Rousseau.

 

« Le premier nom, dit M. Langeron, celui de Delcourt-Ponchelet, rappelle le souvenir d'une femme au cœur généreux, à laquelle la ville de Brest doit le magnifique hôtel dont elle a fait, selon le vœu de la donatrice, un asile pour les vieillards.

 

À lire sur Retro29 - 1892 - Donation de Mme Ponchelet : Cliquer ici

 

« Viennent ensuite les noms de Louis Branda et de Jean-Baptiste Tourot nés tous deux à Brest, et qui devinrent maires de notre ville, le premier en 1789 et 1790, le second de 1799 à 1800 et, pour la deuxième fois, de 1802 à 1808.

L'administration de ces deux magistrats municipaux, qui furent mêlés à de grands événements politiques, a laissé de grands souvenirs qui ne sont point encore effacés. »

 

Ajoutons que Louis Branda était le grand-père de l'amiral Réveillère.

 

« Édouard Corbière, né à Brest, a été un des romanciers les plus féconds de la Restauration.

Il eut son heure de célébrité, mais il est à peu près inconnu de la génération présente.

C'était un homme de talent, dont les ouvrages mériteraient d'être lus, parce qu'ils témoignent d'une certaine faculté d'observation et qu'ils sont écrits dans un style agréable et imagé.

C'est pour ce motif que nous avons pensé qu'il convenait de ne pas laisser tomber dans l'oubli cet écrivain distingué, qui a marqué dans notre littérature parce qu'il a créé un genre : le roman maritime.

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Édouard Corbière

 

« Hippolyte Violeau est aussi un enfant de Brest.

Il y naquit le 13 juin 1818, il y mourut le 24 avril 1892.

C'était un poète délicat et fleuri, un conteur élégant, spirituel et disert ;

ses récits ont un peu vieilli peut-être, mais ses vers sont encore agréables à lire.

Violeau publia son premier ouvrage, les Loisirs poétiques, en 1841.

Puis, vinrent successivement les Paraboles, Amice de Guermeur, les Veillées bretonnes, les Récits du Foyer, la Maison du Cap, que l'on a souvent comparée au roman de Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre, et enfin les Surprises de la Vie, livre qui passe pour le plus remarquable de ses ouvrages.

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À lire sur Retro29 : 1892 - Hippolyte Violeau - Prière à genoux dans l'étable de la crèche de Noël : Cliquer ici

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« Joseph-Marie Nielly, vice-amiral et baron, naquit à Brest le 9 septembre 1751.

Il appartenait à une famille de marins et il fit ses débuts comme mousse sur le Formidable, dont son père était pilote amiral.

Pendant douze ans, il occupa les plus modestes emplois ;

mais las d'attendre un avancement qu'on s'obstinait à lui refuser, il entra dans la marine marchande et devint capitaine au long cours en 1774.

C'est pendant un de ses voyages que, quatre ans plus tard, il fut fait prisonnier par les Anglais.

Interné à Jersey, il réussit à gagner l'île de Bréhat sur un navire hollandais qu'avec cinq de ses compagnons il avait enlevé dans le port de Saint-Helier.

Ce coup de main audacieux lui valut de rentrer dans la marine militaire avec le grade de lieutenant de frégate.

Dès lors, son avenir était assuré.

Le 30 mai 1794, nous le retrouvons contre-amiral dans l'escadre de Villaret-Joyeuse, et il prend part à la bataille du 13 prairial an II, où son bâtiment, le Républicain, se distingue par la vivacité de son feu et l'énergie de sa résistance.

Plus tard, Nielly fut nommé commandant d'armes à Brest, puis à Lorient.

Mais il eut le malheur de déplaire à Decrès, que la rude franchise du vieux marin avait offusqué.

Nielly fut donc brusquement révoqué en 1804, sans pouvoir, pendant toute la durée de l'Empire, obtenir sa réintégration dans la marine.

En 1815, la Restauration répara cette injustice en décernant à Nielly les titres de baron et de vice-amiral honoraire.

 Il mourut à Brest le 13 septembre 1833. »

 

À lire sur Retro29 : 1880 - Lancement du croiseur Le Nielly – Cliquer ici

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« Le contre-amiral Troude (Aimable-Gilles), né à Cherbourg le 1 juin 1762, n'avait que quinze ans quand il fut embarqué comme pilotin sur le caboteur de commerce la Sainte-Catherine.

Pendant la guerre d'Amérique, il entra dans la marine de l'État et, dès lors, il prit part à tous les combats livrés dans les Antilles aux amiraux anglais Hood et Rodney.

Nommé successivement enseigne, lieutenant de vaisseau, capitaine de frégate, par suite de plusieurs actions d'éclat, il fit pendant trois ans diverses campagnes à Cayenne, au Brésil et à la Guadeloupe.

En 1799, il revint à Brest, mais trop tard pour prendre rang dans l'armée navale de Bruix ;

et l’année suivante, il embarqua sur le Desaix, qui faisait partie de l'escadre de Ganteaume ;

il se signala sous Linois, au combat d'Algésiras.

C'est à la suite de ce combat que Troude, laissé en arrière à cause de l'état de délabrement du Formidable, qu'il commandait, se trouva de nuit et par une mer très grosse au milieu de la flotte ennemie.

Troude reçut le choc et lutta avec une incomparable vigueur.

Des trois vaisseaux ennemis, le Vénérable fut écrasé et fit côte, le César s'enfuit, le Superbe laissa le passage libre ;

et le Formidable, quoique désemparé, entra triomphant à Cadix.

Son glorieux chef fut promu sur-le-champ capitaine de vaisseau et Decrès le présenta au premier Consul qui, le serrant dans ses bras, s'écria :

« Messieurs, voici l'Horace français, le vaillant commandant Troude. »

 

« C'était là, en effet, un beau fait d'armes et dont Troude fut mal récompensé.

Car ce ne fut qu'en 1811 que Napoléon, visitant Cherbourg, le nomma enfin contre-amiral.

Mais la Restauration ne voulut pas tenir compte de ses longs et brillants services, et Troude fut mis prématurément à la retraite le 1er janvier 1818.

Il mourut à Brest le 1er février 1824.

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Aimable-Gilles Troude

 

« Le vice-amiral Jurien de la Gravière (Léon-Pierre-Edmond) était fils d'un amiral, originaire du Bourbonnais.

Il naquit à Brest, le 19 novembre 1812, et entra dans la marine en 1828.

Sa carrière fut brillante et son avancement rapide.

Jurien de la Gravière a pris part à toutes les grandes expéditions maritimes du second Empire.

Nous le retrouvons en Crimée pendant la guerre d'Orient, dans les eaux de l'Adriatique, lorsqu'en 1858 il fallut régler la délimitation du Monténégro ;

au blocus de Venise au moment de la guerre d’Italie, puis finalement au Mexique.

En 1870, pendant le siège de Paris, quand se rouvrit inopinément la question d'Orient, Jurien de la Gravière fut chargé de reconstituer l'escadre de la Méditerranée, qui semblait devoir être appelée à opérer dans la mer Noire.

 

« L'amiral de la Gravière n'était pas seulement un marin distingué, il avait en outre un remarquable talent d'écrivain.

On lui doit un grand nombre d'ouvrages, presque tous insérés dans la Revue des Deux-Mondes et dont les plus connus sont l'Histoire des guerres maritimes de la République et de l'Empire, la Marine d'autrefois, la Marine d'aujourd'hui, les Souvenirs d'un Amiral et enfin le récit très attachant de son voyage en Chine.

Il était déjà membre de l'Institut (Académie des sciences), lorsque l'Académie française lui ouvrit ses portes, reconnaissant en lui un homme d'une haute valeur intellectuelle, qui savait manier aussi brillamment la plume que l'épée. »

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Jurien de la Gravière

 

Quant à l'amiral Courbet, sa vie glorieuse est dans toutes les mémoires.

 

« Qui donc en France ignore les exploits du héros de Son-Tay, de Fou-Tcheou et de la rivière Min ?

Qui ne sait que la conquête du Tonkin est véritablement son œuvre, qu'il y a dépensé une activité prodigieuse et fait preuve d'une abnégation sans bornes ?

C'est lui qui le premier, depuis l'année terrible, a su ramener la victoire sous nos drapeaux, traçant ainsi la voie à d'autres chefs remarquables qui ont su profiter de son exemple et ajouter une page glorieuse à l'histoire de notre pays.

Courbet a été terrassé, jeune encore, par la rigueur d'un climat meurtrier et ainsi il a pris rang parmi ceux qui ont fidèlement servi la France et qui sont morts en combattant pour elle.

Telle est la raison qui nous a inspiré le désir de donner le nom de ce vaillant soldat à l'une des rues de notre cité.

Ce sera pour nous un honneur de rendre hommage à une grande renommée. »

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Amiral Courbet

 

M. Langeron consacre ensuite à M. Rousseau les lignes suivantes :

 

« Le nom d'Armand Rousseau se présente naturellement à notre esprit après celui de l'amiral Courbet, car sa mémoire reste attachée, comme celle de Courbet, à la conquête de notre grande colonie d'Extrême-Orient.

 

« M. Rousseau était presque notre concitoyen.

C'est à Brest qu'il est né à la vie politique et nul de nous n'a perdu le souvenir des services qu'il a rendus à notre ville et à notre région.

Conseiller général, député, sous-secrétaire d'État des travaux publics, conseiller d'État, Armand Rousseau a été mêlé, depuis vingt-six ans, à toutes nos luttes parlementaires.

Et dans la discussion des affaires, il avait montré un esprit si lucide et si vaste, il avait acquis une telle autorité sur ses collègues, que le gouvernement, se souvenant de sa clairvoyance dans l'affaire de Panama, n'hésita pas à lui confier le gouvernement général de l'Indo-Chine.

Il était à peine installé à Hanoï, que les délégués sénatoriaux du Finistère, voulant acquitter envers M. Rousseau la vieille dette de la démocratie bretonne, le choisirent pour les représenter au Sénat.

Et c'est ainsi que le corps électoral et le gouvernement de la République se rencontrèrent dans une commune pensée pour remettre aux mains de cet homme éminent les intérêts d'un grand département et les destinées de nos possessions asiatiques.

Il ne lui a pas été donné de poursuivre son œuvre, car, lui aussi, a été prématurément moissonné par la mort.

Mais du moins il a su aplanir les difficultés, surmonter les obstacles, préparer des plans ;

et, pour assurer la prospérité de la colonie, les successeurs de M. Rousseau n'auront qu'à s'inspirer de ses idées et à réaliser ses projets.

 

À lire sur Retro29 : 1897 - La mort d'Armand Rousseau – Cliquer ici

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« C'est pour honorer la mémoire de ces deux hommes éminents que nous voulons donner les noms de Courbet et d'Armand Rousseau à deux rues de l'Annexion.

L'un et l'autre ont noblement servi leur pays.

Le premier a préparé la conquête du Tonkin ; le second a commencé à l'organiser.

Celui-ci a glorieusement tenu le drapeau national ; celui-là a su le faire respecter.

Tous deux enfin sont tombés, victimes de leur dévouement et de leur patriotisme, laissant après eux une réputation intègre.

Et par leur vie comme par leur mort, ils ont donné la preuve évidente que la France est toujours la patrie des grands esprits et des grands caractères. »

 

Enfin, le conseil municipal a donné le nom de Kerivin à une rue de l'Annexion et celui de l'Élorn à une des voies du port de commerce.

Puis, il a pensé que dans une ville maritime il était nécessaire d'inscrire quelques noms qui rappellent les événements glorieux de nos expéditions lointaines et l'entrevue célèbre d'où est sortie l'alliance franco-russe.

C'est pourquoi il a adopté les noms des rues de colonies, du Tonkin, de Madagascar et de Cronstadt.

Il y a joint ceux des rues du Bassin et du Carénage, et une grande voie portera le nom de rue de la République.

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