1933
Mohamed Zahir Khan,
le nouveau roi d'Afghanistan
à Locronan
Source : La Dépêche de Brest 16 novembre 1933
Le 7 octobre dernier, le roi d'Afghanistan, Nadir Khan, était assassiné.
Nadir Khan était le neveu de l'ancien roi Amanoullah, qui fut chassé du trône par l'usurpateur Habiboullah.
Nadir Khan, qui avait été ministre de la Guerre à Kaboul, puis ministre d'Afghanistan à Paris, s'était, en juin 1929, mis à la tête d'un mouvement dirigé contre Habiboullah et, après une dure campagne, s'étant emparé de Kaboul, il fut proclamé roi au mois d'octobre de la même année.
Son fils aîné, Mohamed Zahir Khan, qui lui succède, a dix-sept ans.
Il a fait une grande partie de ses études en France, au lycée Janson de Sailly, puis au lycée de Montpellier et au lycée Michelet.
C'est au cours de ses études qu'il se lia d'amitié avec un de ses condisciples, Alain Daniélou, fils du sympathique député du Finistère.
Le roi Nadir Khan confia l'héritier de son trône à M. Ch. Daniélou pendant la fin de son séjour en France.
C'est pourquoi Mohamed Zahir Khan vint passer une de ses dernières grandes vacances à Locronan avec son ami Alain.
Tout le monde se souvient, dans ce pays, du nouveau roi d'Afghanistan.
Il y a laissé d'excellents souvenirs que l'on se plaît à évoquer depuis son récent avènement au trône.
D'un physique agréable, Zahir, comme on l'appelle à Locronan, sut rapidement conquérir l'amitié de tous ceux qui le connurent alors et qui ne cessent de vanter le charme de sa conversation et la délicatesse de ses sentiments.
Très simple, il aimait à parcourir le pays, s'intéressant aux travaux des champs, cherchant à s'instruire, et son plus grand plaisir était de converser avec notre ami Guillaume Hémon, l'érudit adjoint au maire, pour lequel l'histoire de toute la région n'a aucun secret.
Il allait souvent, tout en l'écoutant parler des richesses et de la composition du sol de ce pays,
à la carrière de G. Hémon, où il regardait tirer et tirait lui-même la mine.
Zahir aimait beaucoup les enfants de Locronan, il les gâtait, de sorte que, lorsqu'il traversait la place historique, il était toujours entouré des gosses de la ville, auxquels il distribuait largement des bonbons.
Combien de fois n'a-t-il pas dévalisé les boîtes de chocolats et les bocaux de friandises de Chipon ?
Et la brave marchande de douceurs, bien connue sous le surnom de Jeannic Cadet, n'a jamais eu et n'aura probablement jamais un meilleur client que Zahir.
Il racontait volontiers à ses nouveaux amis les mœurs de son pays et des histoires intéressant fort ses auditeurs, auxquels il fit envoyer des photographies prises par son ami Alain Daniélou qui, à son tour, passa dix mois avec lui en Afghanistan.
Il lui arriva, à Châteaulin, une aventure assez plaisante, qu'il aimait à rappeler et qu'il narra un jour devant moi.
La voici :
Zahir portait ses cheveux très longs, beaucoup plus longs que nos élégantes modernes aux nuques souvent tondues.
Un jour, avec son ami Alain, il alla, comme cela leur arrivait souvent, faire sur le canal de Nantes à Brest une promenade en canoë.
Au retour, presque au moment de débarquer, le frêle esquif chavira et les deux jeunes gens prirent un bain forcé.
Tous deux étaient légèrement vêtus, cela se passait au mois d'août, et Zahir, avec ses longs cheveux plaqués le long de ses joues ou retombant, sur ses yeux, avait une allure assez étrange.
Sautant sur le quai, ils allèrent à l'hôtel voisin, où Alain Daniélou demanda une chambre afin de pouvoir faire sécher leurs vêtements et réparer le désordre de leur tenue de sport.
Une bonne de l'hôtel, les voyant monter dans la chambre, dit alors à la patronne :
« Si c'est pas honteux ! M. Alain, qui est si connu à Châteaulin, ose amener une femme dans sa chambre, et une femme presque nue, en plein jour!...
Ils auraient bien pu prendre deux chambres ! »
Et il fallait entendre de quels rires Zahir accompagnait la fin de cette histoire.
Quand le futur roi quitta la France pour retourner dans son pays, il dit à M. Ch. Daniélou :
« Quand je vais arriver chez moi suis certain d'être nommé ministre la Guerre. »
M. Daniélou lui demanda :
« Vous avez une grande armée ? » Zahir lui répondit, avec son sourire malin :
« Non.
Quand les Russes nous attaquent, nous appelons les Anglais.
Quand les Anglais nous embêtent, nous appelons les Russes ! »
Et le député de Châteaulin lui ayant demandé comment étaient payées ces troupes tour à tour alliées ou ennemies, Zahir répondit :
« Nous les payons avec une province ! »
Depuis que Mohamed Zahir Khan est rentré en Afghanistan, il s'est marié.
Il a actuellement sept femmes.
Nous avons vu combien, pendant son séjour à Locronan, il aimait les gosses.
On peut donc lui souhaiter d'avoir beaucoup d'enfants.
Mais ce que nous lui souhaitons, avec tous ceux qui l'ont connu pendant son séjour en Bretagne, c'est une longue vie et un règne tranquille au milieu de son peuple, qui l'a accueilli de la plus chaleureuse façon et a unanimement prêté serment de fidélité à Sa Majesté Mohamed Zahir Khan, qui fut, pendant trois mois, l'hôte aimé des habitants de Locronan.
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Lien Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammad_Zaher_Shah