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1940

La désignation du chef-lieu du Finistère
Landerneau ou Quimper ?

 

 

Source : La Dépêche de Brest 15 juillet 1940

 

Le gouvernement allemand de la Bretagne vient de fixer son siège à Rennes, ancienne capitale de la Bretagne, et de délimiter son commandement dans les départements du Finistère, des Côtes-du-Nord, du Morbihan et l'extrémité ouest de la Loire-Inférieure, jusqu'à la ligne Donges-Pontchâteau, embouchure de l'Isar dans la Vilaine.

 

Rappelons à ce sujet combien furent ardentes autrefois, les luttes de certaines villes de Bretagne et surtout du Finistère, pour devenir chefs-lieux de département.

 

C'est le 11 novembre 1789 que l'Assemblée constituante décréta la division de la France en 85 départements, pour briser le cadre administratif de la monarchie et ramener aux mêmes lois et au même esprit toutes les parties du royaume.

 

Deux jours après, la ville de Vannes dresse un plan dans lequel le Morbihan englobe à peu près le quart de la province.

 

Saint-Malo veut être chef-lieu et demande la division de la province en sept départements, au lieu des cinq qui ont été projetés.

 

En Cornouaille et Léon, à part Morlaix « qui paraît insouciante », quatre villes se disputent l'honneur d'être chef-lieu du Finistère :

Carhaix, Quimper, Brest et Landerneau.

 

Carhaix, dans son mémoire à l'Assemblée nationale, insiste sur sa situation géographique, au centre du département et avoue très modestement qu' « elle a envie de devenir importante. »

 

Quimper a déjà été choisi dans un rapport préliminaire de M. Gossin, député du Bas-Rhin, « seul chargé du travail des départements », parce qu'il est déjà le siège de la Cour supérieure du Léon.

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Mais les députés brestois, MM. Legendre et Moyot, soutinrent éloquemment la cause de notre ville, dans la séance de l'Assemblée du 22 Janvier 1790.

 

Brest doit l'emporter sur Quimper, non seulement parce qu'il est le plus important, mais parce qu'il se trouve déjà par ses administrations civiles et militaires en rapports constants avec le pouvoir exécutif.

 

« Quimper, dit M. Legendre, ne peut devenir chef-lieu.

Il n'y a dans leur ville aucune commodité actuelle, aucun établissement propre à recevoir le siège de l'administration.

 

« Les assemblées du corps municipal sont dans une mansarde, au-dessus de l'église de Guéodet, peu éclairée, puisque c'est dans la rue très obscure de la Boucherie, et qu'il y a soixante marches pour y monter.

 

« MM. de Quimper avoueront que pour procurer les établissements nécessaires à l'administration qu'ils sollicitent, il faudrait faire une très grande dépense et vider l'hôpital de Sainte-Catherine, qu'on ne peut raisonnablement supprimer ».

 

Mais Brest, parce que port militaire, a contre lui tous les députés de la province.

 

« Chacun donne ses raisons pour nous combattre, écrit Legendre, et vous serez surpris d'apprendre qu'un de nos collègues de Quimperlé ait de bonne foi avancé celle-ci :

« Je n'approuve pas que Brest devienne chef-lieu et il en coûterait trop, pour y suivre les assemblées de département.

Il m'a coûté trois livres, toutes les fois que j'ai couché à Brest... »

 

M. Legendre sent que la cause de Brest est perdue et supplie l'Assemblée de placer le chef-lieu du département à Landerneau :

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« Le seul endroit indiqué par la carte, pour la convenance et la commodité générales et où les appartements de l'hôtel de ville offrent un local tout trouvé. »

 

De nombreux orateurs prirent encore la parole, les uns pour Quimper, les autres pour Landerneau.

 

Finalement, l'Assemblée décréta que Quimper serait provisoirement chef-lieu du département de la partie basse de Bretagne et que la réunion des électeurs déterminerait, à la suite de la première session si cette désignation provisoire serait définitive

 

C'était pour Brest une demi-victoire et nous verrons, dans un prochain article, que Landerneau faillit devenir chef-lieu du Finistère.

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L'Assemblée législative a décrété, le 20 août 1790, de fixer provisoirement à Quimper le chef-lieu du département.

Mais vient la Convention.

Sur rapport de Barrère, elle « invite » tous les amis de la liberté et de l'égalité à lui présenter leurs vues sur la Constitution à donner à la République française.

 

Les électeurs du Finistère profitent de cette occasion pour se réunir le 11 novembre 1792 à Lesneven, sous la présidence du citoyen Expilly, évêque de Quimper.

Ils délibèrent une nouvelle fois sur la fixation du chef-lieu.

Landerneau l'emporte par 231 voix, contre 37 à Quimper, et on décide immédiatement de rédiger une adresse à la Convention.

 

« Tous les intérêts, y est-il dit, tous les motifs de commodité publique et de convenance générale appellent la ville de Landerneau à la jouissance du siège de l'administration supérieure.

 

« À l'avantage de cinq grandes routes, d'une communication plus directe et plus sûre avec Paris et les principales villes de la République, elle réunit celui d'être plus rapprochée de la majorité des chefs-lieux de canton, « d'approximer » davantage le centre géographique du département, qui est La Feuillée.

 

« Enfin, la proximité de Brest achèvera, citoyens-représentants, de déterminer vos suffrages... »

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Toutes les autorités brestoises sont favorables à Landerneau.

Le citoyen Redon, ordonnateur civil de la marine, y voit « une économie sensible des frais résultant de l'éloignement qui sépare Brest de Quimper ».

 

Le commandant de la marine Thévenard déplore le temps perdu par les députations à Quimper, pour l'envoi de 3.270 hommes, destinés à la défense des forts et des batteries de la rade et du goulet.

« J'aurais pu me concerter personnellement avec les administrateurs, si le chef-lieu avait été plus près. »

 

C'est le procureur Guesnet, du tribunal de Brest, qui signale les dépenses occasionnées par le siège de la juridiction criminelle à Quimper, où doivent être conduits les accusés et appelés, les témoins et Jurés.

 

Pour le colonel Laborie, du 4e régiment d'infanterie à Brest, la désignation de Quimper a été l'ouvrage de la surprise et de l'intrigue.

« La Convention ne manquera pas de reconnaître les inconvénients et les dangers de la trop grande distance entre Brest et le chef-lieu, qui rend impossible, dans des cas pressants, la liaison immédiate entre les membres du département et les chefs militaires. »

 

Le citoyen Bersolle, directeur des postes, souhaite la translation du chef-lieu à Landerneau, car les municipalités recevraient vingt-quatre et trente heures plus tôt les décrets du Pouvoir exécutif.

 

C'est enfin le général en chef Canclaus qui affirme combien les rapports avec l'administration, reléguée à Quimper, sont difficiles et tardifs.

 

« À Landerneau, elle y sera placée comme au centre, ou au moins à presque égale étendue des rayons du département.

L'avantage de cette position sera pour Brest qui doit l'obtenir, en raison de son importance civile et militaire. »

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Électeurs et autorités sont tous d'accord, on le voit, pour que Landerneau devienne le chef-lieu du département.

Et c'est confiante dans une cause qu'elle croit gagnée d'avance, que la députation du Finistère se présente, le 23 décembre 1792, à la barre de la Convention.

 

Mais, ce jour-là, l'Assemblée a d'autres questions plus pressantes à régler, entre autres, celle de Louis XVI.

Sur la proposition de Lanjuinais, la pétition des Finistériens est renvoyée une nouvelle fois au comité de Constitution.

 

Et cependant, durant une année, Landerneau aura l'honneur d'être le siège de l'administration départementale, car il y est établi, dès le 19 Juillet 1793, quand les 28 administrateurs du Finistère sont décrétés d'accusation « pour avoir tenté d'avilir la représentation nationale, d'usurper ou d'influencer l'autorité du souverain et comme coupables d'entreprises contre-révolutionnaires. »

 

Tous les bureaux sont installés et le directeur des Domaines y a fait transporter à grands frais ses magasins et ateliers de timbre.

 

Puis, c'est Thermidor, la fin de la Terreur.

On va maintenant s'occuper de la fixation définitive du chef-lieu.

Landerneau a certes la conviction d'être désigné, car cette fois, la Convention écoutera le vœu unanime des districts de Brest, Morlaix, Lesneven et Landerneau, c'est-à-dire des deux tiers du département.

 

Mais les administrateurs, alors en fonctions, sont presque tous de Quimper.

Ils intriguent, préviennent les démarches de Landerneau, le rival, et enlèvent le 15 brumaire, an III (5 novembre 1794), un décret, cette fois sans appel, qui déclare Quimper chef-lieu du Finistère.

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