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1940

Ruses de guerre
au temps de la Ligue

 

 

Source : La Dépêche de Brest 1 août 1940

 

La ruse de guerre n'est pas d'invention récente ;

elle est aussi vieille que la discorde entre les hommes.

 

Si, de tous temps, la perfection des armements, la tactique savante du chef, la discipline, la bravoure, l'entraînement des troupes ont été de puissants facteurs de victoire, l'Histoire atteste que fort souvent la ruse, le stratagème ont fixé le sort des combats.

 

C'est Horace qui, resté seul en face des trois Curiaces, feint de fuir afin d'amener ses adversaires à se disperser, chose qu'ils firent, en effet, et qui lui permit de les vaincre l'un après l'autre.

Au XIV siècle Guillaume de Montauban esquisse le même geste, avec le même succès, au célèbre combat des Trente.

 

À Gergovie, Vercingétorix n'est vainqueur de César que parce que, à la toute dernière minute, il est informé du stratagème du général romain, qui a simulé une attaque de la forteresse par le côté sud, alors qu'en réalité le gros de ses troupes donne l'assaut du côté du nord.

 

C'est encore ce gouverneur d'une citadelle assiégée qui, n'ayant plus qu'un seul mouton pour assurer la subsistance de sa garnison, fait jeter ce mouton vivant par-dessus le rempart.

Ruse couronnée de succès, car les assiégeants, persuadés que l'adversaire dispose encore de vivres en abondance, s'empressent de lever un siège qui trainait en longueur.

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Du récit de ruses de ce genre on ferait un gros volume.

 

Lorsque l'armée des Ligueurs, forte de 5 à 6.000 hommes, vint mettre le siège devant Brest, au mois de juin1592, la ville et le château avaient pour gouverneur René de Rieux, sire de Sourdéac.

Par une curieuse coïncidence, Sourdéac était prochement apparenté aux chefs des deux partis en lutte :

à Henri IV par la maison d'Albret, au duc de Mercœur par sa grand'mère Isabelle de Brosse-Penthièvre, descendante de Charles de Blois.

Mais nommé à ses fonctions de gouverneur de Brest par Henri IV, dont il était le lieutenant général en Bretagne, René de Rieux s'avéra en toute occasion le loyal et dévoué serviteur du roi de France.

Sourdéac s'était empressé d'augmenter les fortifications du château.

On lui doit l'achèvement du magnifique bastion qui porte son nom et qui, enveloppant à leur base les tours du donjon, s'avance jusqu'à l'extrême pointe du rocher, dressant entre l'avant-port et la tranchée actuelle du chemin de fer sa masse imposante qui semble l'éperon d'un puissant navire.

 

Repoussés vigoureusement du côté de Recouvrance, les Ligueurs ne continuèrent le blocus de la place que dans l'espoir que celle-ci manquerait de vivres.

Mais Sourdéac, maître de ses communications du côté de la mer, recevait tout ce dont il avait besoin

 

Au bout de quelques mois, les assiégeants las d'attendre, demandèrent une suspension d'armes.

 

Sourdéac y consentit, mais en stipulant que la cessation des hostilités n'aurait lieu que cinq jours après, à cinq heures du matin ce délai étant nécessaire à l’accomplissement d’un dessein qu'il avait formé.

 

En même temps, le gouverneur ordonne aux Brestois de se réjouir bruyamment, de danser au son des hautbois et des cornemuses jusqu'à l'aube du jour fixé pour la suspension des hostilités.

 

Surpris par ce tapage, ne comprenant rien à ces extraordinaires manifestations de joie, les troupes de la Ligue se tiennent d'abord sur leurs gardes.

Au soir du quatrième jour cependant leur méfiance s'endort.

Ils pensent qu'en les menaçant de l'exécution d'un projet extraordinaire Sourdéac a seulement voulu les effrayer.

Ils se livrent à leur tour à la joie, boivent et s'enivrent au point que le matin du cinquième jour les trouve profondément endormis.

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C'est ce qu'attendait Sourdéac qui sort de la ville avec ses troupes, par trois côtés différents, tombe sur les Ligueurs endormis et leur tue près de quatre cents hommes.

Une partie de l'armée de la Ligue demeurait fortement retranchée du côté de Guipavas.

Après un essai infructueux pour essayer de les déloger de cette position, Sourdéac fit appel à une nouvelle ruse pour se débarrasser de ses adversaires.

Après avoir dépêché dans leur camp des émissaires qui y répandent adroitement des bruits propres à exciter la défiance des soldats à l'égard de leurs chefs, Sourdéac, toujours bien approvisionné par mer, fait vendre dans la ville, au prix d'un écu et demi, le boisseau de blé que les paysans avaient coutume de vendre trois écus.

Le mécontentement éclate alors de toutes parts chez les Ligueurs, dont les troupes sont composées de paysans.

Ils se révoltent contre les gentilshommes qui les commandent, leur reprochent de les avoir engagés dans une guerre sans issue et menacent de les égorger.

 

Profitant du désordre, Sourdéac envahit le camp, tue 4 ou 500 Ligueurs et impose au reste des troupes une trêve de huit ans qu'il leur fait payer 8.000 écus par an.

Habile à duper l'adversaire, Sourdéac ne l'était pas moins à éventer les pièges de l'ennemi.

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La reine Élisabeth d'Angleterre en fit l'expérience en 1594.

 

Cette princesse — dit Paul Levot — invoquant les traités passés entre elle et Henri IV, avait dépêché au gouverneur de Brest un émissaire nommé Saint-Jean, qui lui dit que, d'après ces traités, le roi s'était obligé à livrer Brest à la reine pour sûreté des sommes qu'il en avait reçues ;

mais que cette princesse, avait une si grande estime pour Sourdéac, qu'elle le continuerait volontiers gouverneur de la place, s'il promettait de la servir fidèlement et s'il recevait un nombre d'Anglais égal à celui des Français.

Sourdéac répondit fièrement que la place était au roi, et qu'il n'y resterait pas un moment si elle appartenait à un tout autre prince.

Saint-Jean ayant voulu insister et l'ayant menacé d’un siège, Sourdéac le renvoya sans façon,

 

Henri IV ne fut pas ingrat pour ceux dont le patriotisme et l’habileté lui avaient conservé la place de Brest, dont il rêvait déjà de faire son port de guerre sur l'Océan.

 

Aux Brestois le roi accorda le droit de bourgeoisie.

En 1597, il érigea l’île d'Ouessant en marquisat en faveur de Sourdéac.

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