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1894

Un brigadier de chasseurs
a les deux jambes coupées par un train
sur la ligne de Saint-Renan

 

 

Source : La Dépêche de Brest 1 janvier 1894

 

Un terrible accident a jeté hier soir la consternation dans la ville de Saint-Renan.

 

C'était au départ du train de Ploudalmézeau, qui quitte la gare de Saint-Renan à 4 h. 52 pour arriver à Brest à 5 h. 30.

On venait de donner le signal du départ.

Tous les voyageurs se trouvaient dans les dix wagons qui composaient le convoi.

 

Le train commençait à se mettre en marche, quand un jeune militaire de 24 ans, M. Petton (Édouard), brigadier fourrier de chasseurs à cheval, en garnison à Pontivy, s'élança de la halle aux marchandises et voulut monter dans un des wagons de l'avant du train.

Malheureusement, par suite d'un faux pas, il tomba entre les roues, et quatre ou cinq wagons lui passèrent sur les deux jambes, les lui coupant littéralement au-dessous des genoux.

 

M. de Tillerie, chef de l'exploitation de la ligne, se trouvait dans un wagon de l'arrière. En entendant les cris, il se précipita au bord de la plate-forme du wagon et, apercevant le malheureux brigadier sous les roues, il serra vivement le frein ; cependant, il ne voulut pas arrêter le train de crainte d'effrayer les voyageurs.

 

Beaucoup de ceux-ci sont rentrés hier à Brest, ne sachant pas ce qui s'était passé.

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La victime

 

Après le départ du train, une cinquantaine de personnes s'empressèrent autour du blessé qui, évanoui, gisait dans une mare de sang.

 

On le transporta aussitôt chez sa tante, qui habite Saint-Renan, et chez laquelle il avait passé la journée.

 

Les médecins de Saint-Renan, aussitôt prévenus du triste accident sont venus lui prodiguer leurs soins, pendant que M. Chuiton, juge de paix, et la gendarmerie de Saint-Renan, commençaient une enquête.

 

M. Petton (Édouard), orphelin de père et de mère est originaire de Saint-Renan.

Avant son entrée au régiment, il habitait Brest avec sa sœur, aujourd'hui chez sa cousine, Mme Kernéis, bouchère, rue de la Mairie.

 

Petton, avant son entrée au service, avait travaillé chez MM. Neau et Dieuzaide.

Il y a un peu plus de deux ans, il s'engageait et était incorporé au régiment de chasseurs à Pontivy.

Il ne lui restait plus que dix mois à faire pour terminer sa période de service militaire.

 

Samedi soir, il était arrivé à Brest en permission de quatre jours, et était descendu chez sa cousine, Mme Kernéis.

 

Le soir même de son arrivée à Brest, il avait passé une partie de la soirée en compagnie de quelques amis, chez M. Chaleyssain, buraliste et cafetier, rue de la Mairie.

Le jeune brigadier paraissait très gai et annonçait joyeusement à ses camarades qu'il était de la classe.

Hier matin, il quittait Brest par le train de 9 h. 50 et qui arrive à 10 h. 38 à Saint-Renan, afin de passer la journée chez Mme Kernéis, mère, sa tante.

 

Petton était un excellent garçon, d'une excellente conduite, fort apprécié et de ses amis et de ses chefs.

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L'enquête

 

À l'arrivée du train de 5 h. 30, dès qu'on apprit à Brest la triste nouvelle, M. Richard, directeur de la ligne de Brest à Ploudalmézeau, est immédiatement parti pour Saint-Renan par le train de 5 h. 50, afin de visiter le malheureux blessé et de faire une enquête sur ce déplorable accident.

 

D'un autre côté, Mme Kernéis, cousine, et Mlle Petton, sœur du blessé, se sont rendues en voiture à Saint-Renan dès qu'elles ont eu connaissance du terrible accident.

 

L'état de Petton était très grave hier soir.

A-t-il survécu à ses horribles blessures ?

Le télégraphe fermant à Saint-Renan à huit heures du soir, on l'ignore.

 

Le parquet doit se transporter sur les lieux afin de continuer l’enquête ouverte par le juge de paix et établir les responsabilités.

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Source : La Dépêche de Brest 2 janvier 1894

 

L'accident de la ligne de Saint-Renan.

 

On sait que dimanche soir, en gare de Saint-Renan, un jeune brigadier de chasseurs, M. Petton (Jules), a eu les deux jambes coupées par le train se dirigeant sur Brest.

Voici de nouveaux renseignements sur ce regrettable accident :

 

Ainsi que nous l'avons dit, M. Chuiton, juge de paix du canton de Saint-Renan, accompagné de son greffier, M. Jaouen, s'est rendu sur les lieux et a ouvert une enquête, de laquelle il résulte que Petton est d'abord tombé sur le trottoir de la gare des marchandises, distante de 17 mètres de la gare principale.

Ce trottoir a 6 m. 40 de longueur.

Traîné surtout son parcours, le jeune brigadier est tombé ensuite sous le fourgon des marchandises qui lui a passé sur les jambes.

 

Séance tenante M. Chuiton a interrogé les deux principaux témoins de l'accident, le chef de gare et le frère de la victime.

 

Le chef de gare, M. Le Gac (Guillaume), a déclaré au juge de paix qu'étant sur le quai, au départ du train de 4 h. 52, il vit Petton sortir de la buvette et courir après le train en marche.

Près du hall aux marchandises, il voulut se précipiter sur la plateforme d'un des wagons, mais il n'y réussit pas et il fut traîné, ainsi que nous le disons plus haut, pour tomber ensuite sous le fourgon de queue.

 

Le frère de la victime, M. Petton (Louis), qui habite Saint-Renan, se trouvait à la buvette avec le jeune brigadier, au moment où le train allait partir.

 

« J'avais essayé, dit-il, de retenir mon frère et de lui faire passer la soirée avec moi.

En voyant le train se remettre en marche, il me quitta brusquement et se mit à courir pour ie rattraper.

Je sortis à mon tour de la buvette et j’aperçus mon malheureux frère trainé par le train.

Je m'élançais aussitôt à son secours, mais il était trop tard.

Il avait les deux jambes brisées.

 

« Je fis aussitôt transporter mon frère chez moi et j'appelai le docteur Louppy, qui me conseilla de le faire transporter à l'hôpital de la marine. »

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Le conseil du docteur Louppy fut suivi.

À sept heures, le blessé fut déposé dans une voiture et transporté à Brest, où il arrivait à neuf heures et demie du soir.

 

Admis d'urgence à l'hôpital maritime, Petton fut immédiatement installé dans la salle 5.

 

Avant-hier matin, les docteurs Guyot et Vergos ont procédé à l'amputation de la jambe gauche.

Le jeune blessé a parfaitement supporté l'opération.

Malgré la gravité de ses blessures, il n'a presque pas de fièvre.

 

Les médecins vont essayer de lui conserver la jambe droite.

Le membre brisé a été placé, à cet effet, dans un appareil.

Ce n'est donc que dans quelques jours que l'on saura si une deuxième amputation est nécessaire.

 

Ajoutons que le jeune blessé est, à l'hôpital maritime, l'objet des soins de tous.

Médecins et infirmiers se multiplient pour apporter à son état tous les adoucissements possibles.

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Source : La Dépêche de Brest 5 janvier 1894

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Source : La Dépêche de Brest 6 janvier 1894

 

L'accident de la ligne de Saint-Renan.

 

L'espoir que nous formulions hier au sujet de l'état du brigadier de chasseurs Petton, victime de l'accident de la gare de Saint-Renan ne s'est malheureusement pas réalisé.

 

Une deuxième amputation, celle de la jambe droite, a été jugée nécessaire et elle a eu lieu hier matin.

L'opération a été faite par le docteur Guyot assisté du docteur Vergos.

 

Le blessé l'a très bien supportée et son état général, malgré les deux amputations successives, est aussi satisfaisant que possible.

 

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Source : La Dépêche de Brest 9 janvier 1894

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Source : La Dépêche de Brest 10 janvier 1894

 

Les obsèques du brigadier Petton.

 

Les obsèques du brigadier-fourrier Petton, victime du regrettable accident de Saint-Renan, ont eu lieu hier.

 

À 1 h. 1/2, le convoi a quitté l'amphithéâtre de la marine pour la chapelle du préfet.

Un piquet du 19e, en armes, rendait les honneurs.

 

Les insignes du défunt étaient placés sur le cercueil.

Plusieurs couronnes ornaient le char funèbre.

Une autre, portée par deux sous-officiers du 19e, portait l'inscription suivante :

« Les sous-officiers du 2e chasseurs à leur regretté camarade ».

 

Les cordons du poêle étaient tenus par quatre sous-officiers du régiment du jeune brigadier.

Une délégation du même régiment, composée de douze sous-officiers, brigadiers ou soldats, suivait le char funèbre.

 

Le deuil était conduit par les deux frères du défunt.

Une nombreuse assistance suivait le convoi.

 

Après la cérémonie religieuse, le corps a été dirigé sur Saint-Renan, où a eu lieu l'inhumation.

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