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1923

Brest dans la rue
 

 

Source : La Dépêche de Brest 13 mars 1923

 

Nous avons un bâton d'une main,

Pour arrêter les sapins

De l'autre un petit drapeau

Pour arrêter les auto...

...mobiles !

Qui s'en vont en ville

Mais nous n'avons rien du tout

Pour arrêter les filous.(*)

 

Tel était le refrain d'une chanson qui connut la vogue il y a une vingtaine d'années, alors qu'on allait doter les agents parisiens de ces deux objets.

Le bâton seul y survécut et rend de tels services qu'on en a généralisé l'usage.

 

Certes, il y a bâton et bâton et il ne faudrait pas confondre celui-là avec celui des policemen sous prétexte qu'ils servent tous deux à arrêter... l'un les voitures, l'autre les malfaiteurs.

 

Ce dernier, en effet, constitue la meilleure ces armes.

Avec lui, on n'atteint que le personnage qui menace la sécurité publique, tandis qu'il n'en est pas toujours de même avec le revolver.

D'ailleurs, son efficacité nous fut surabondamment démontrée par l'usage qu'en faisaient ici même nos alliés américains.

 

Le conseil municipal de Lorient l'avait à ce moment constaté et s'était empressé de munir ses agents de cet argument si frappant qu'il était capable de convaincre même les plus rétifs.

 

Vers la même époque, il avait été question d'étendre l'usage du bâton à tous les ports.

Cela ne devait pas tarder ;

mais on se heurta a des résistances, car en cet usage certains ne voyaient qu'une atteinte à la dignité humaine.

 

Sont-elles donc si dignes que cela, demandions-nous alors, les côtes de ceux qui ont maille à partir avec les agents ?

 

 

Et un vieux brigadier que nous avions interviewé au moment de la décision prise par la municipalité de Lorient, nous avait aimablement fait connaître son avis :

 

« Cela est bien, car, vous savez, on se f... de nous.

Quand on veut disperser un attroupement, on a beau dire :

Circulez ! Circulez ! Tout le monde rigole et personne ne bouge.

Quand on veut arrêter une fripouille, tout le monde nous tombe dessus.

Ah ! Si j'avais un bâton... »

 

Un geste énergique terminait sa pensée.

 

Depuis ce jour déjà lointain, la situation ne s'est guère modifiée.

Mais elle ne doit pas non plus demeurer immuable.

 

Nous avons appris, en effet qu'incessamment l'on remettra à l'un des agents de notre ville, celui qui est de planton à l'intersection des rues de Siam et de la Mairie, un bâton à but unique :

Arrêter les voitures.

 

Certes, la mesure, est heureuse et il était indispensable de régler la circulation à ce carrefour où déjà tant d'accidents se sont produits.

 

Lorsque tout le jour tramways, camions, voitures, automobiles convergent sans arrêt vers cet angle, on peut s'étonner même de n'avoir pas eu à enregistrer des faits plus graves.

 

Désormais, maître de ce mouvement, le dominant de toute la hauteur de son bâton dressé au bout du poing, l'agent de service empêchera l'accident.

 

Mais si l'usage du bâton lui est réservé, celui du sifflet sera généralisé.

Qu'un véhicule excède la vitesse permise et un coup strident rappellera le conducteur à l'ordre.

Un deuxième coup de sifflet consacrera au besoin le procès-verbal encouru.

 

Ces innovations seront faites très prochainement, nous affirme-t-on... dès que l'administration préfectorale aura sanctionné l'arrêté déjà signé du maire.

 

(*) DRAPEAU VERT ET BÂTON BLANC

 

Depuis qu’les automobiles

Vont plus vit’ que les chemins d’ fer

On peut voir nos sergents d’ville

Munis d’un petit drapeau vert.

Ça leur en fait voir de dures

Car ils ont aussi un bâton

Pour arrêter les voitures

Qui veul’nt écraser l’piéton

Et les agents gais boute en train

Soir et matin chantent en refrain

 

Nous avons un bâton d’un’ main

Pour arrêter les sapins

Dans l’autre un petit drapeau

Pour arrêter les auto

Mobil’ s

Qui s’en vont en ville

Mais nous n’avons rien du tout

Pour arrêter les voyous

Rien du tout.

 

En complet état d’ivresse

Sur le bitume du boul’ vard

Un pochard plein d’allégresse

En titubant fait du chambard

C’est dimanche il s’émancipe

Et dit à l’agent qui s’ trouv’ là

J’ai envie d’ fumer un’ pipe

Passez-moi donc du tabac.

L’agent lui dit – Vieux sac à vin

Vois mon copain qu’est à l’autr’ coin.

 

Moi je tiens un bâton d’un’ main

Pour arrêter les sapins

Dans l’autre un petit drapeau

Pour arrêter les auto

Mobiles

Qui s’en vont en ville

Mais il m’ reste rien du tout

Pour arrêter les homm’ s saoûls

Rien du tout.

 

Dans le quartier d’ la Sorbonne

Y avait un’ manifestation

Les étudiants en colonne

Conspuaient et s’ flanquaient des marrons

Un passant très magnanime

Près d’un’ station dit à l’agent

Y a déjà plus d’ trent’ victimes

Séparez les combattants.

L’agent répond ils peuv’nt crever

Pour l’instant j’ai les pieds palmés.

 

Car je tiens un bâton d’un’ main

Pour arrêter les sapins

Dans l’autre un petit drapeau

Pour arrêter les auto

Mobiles

Qui s’en vont en ville

Mais il m’ reste rien du tout

Pour pouvoir marquer les coups

Rien du tout.

 

Rentrant chez moi l’autr’ semaine

Mon concierge me dit aussitôt

Ne montez pas m’sieu Eugène

Des voleurs sont dans votr’ garni

Au coin de la ru’ Laffitte

J’ vais voir l’ gardien qu’était d’ planton

J’ lui dis – J’vous en pri, v’ nez vite

On cambriol’ ma maison.

Il me répond – J’ connais mon d’ voir

Dit’ s leur qu’ils attendent jusqu’à c’ soir.

 

Car je tiens un bâton d’un’ main

Pour arrêter les sapins

Dans l’autre un petit drapeau

Pour arrêter les auto

Mobiles

Qui s’en vont en ville

Mais il m’ reste rien du tout

Pour arrêter les filous

Rien du tout.

 

Le planton d’ la ru’ d’ l’Arcade

Cett’ semain’ n’est pas sur le v’ lours

Il remplace un camarade

Et n’ couch’ pas chez lui d’ puis huit jours

Hier, sa femm’ lui dit – Totole

Il faut rentrer mon gros bichon

Sans ton amour je m’étiole

Viens m’ distraire à la maison.

L’agent répond – Y a pas moyen

Il faut patienter jusqu’à d’ main.

 

Car je tiens un bâton d’un’ main

Pour arrêter les sapins

Dans l’autre un petit drapeau

Pour arrêter les auto

Mobiles

Qui fil’ ent par la ville

Mais ce soir j’ai rien du tout

Bonne nuit mon gros toutou

Rien du tout.

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