1928
L'état de la route
entre Saint-Pol et Roscoff
Source : La Dépêche de Brest 27 juin 1928
« Route affreuse ! » constatent les automobilistes, cyclistes, voituriers qui arrivent à Roscoff !
« Nous ne moisirons pas ici » clament ou gémissent les touristes qui contemplent, navrés, les ressorts cassés, les pignons amochés, les pneus flapis de leurs voitures...
Pas d'erreur, la route... nationale de Saint-Pol-de-Léon a Roscoff est effroyable.
L'administration des Ponts-et-Chaussées ne nous l'envoie pas dire ;
elle le constate carrément et officiellement.
On peut s'en assurer facilement en consultant, dans les principaux hôtels, la carte qu'elle vient d'éditer.
Sur cette carte, les routes du Finistère sont classées par catégories qui vont de « très bonne » à « très mauvaise ».
La route de Saint-Pol à Roscoff est comprise dans cette dernière catégorie avec cette observation :
« Très mauvaise, chaussée bouleversée, on ne peut circuler que difficilement ».
Et c'est l'administration elle-même qui caractérise ainsi son ouvrage !
Voyez-vous le fabricant qui imprimerait ainsi ses prospectus :
« Nos produits sont très mauvais ; ne les prenez pas ! »
Roscoff partage avec la commune de Botmeur ce record peu enviable de posséder la plus mauvaise route du Finistère.
Les conséquences ne sont peut-être pas les mêmes pour ces deux patelins.
Sur la route en question s'effectue un roulage intensif.
À certaines époques on voit circulant sans solution de continuité, parfois sur deux rangs montant et descendant les véhicules de toute nature :
Camions remorquant 10 tonnes, charrettes lourdement chargées et autos de tous poils.
Et tout cela marche ainsi toute la journée et une partie de la nuit.
Qui dira les avaries dont se plaignent les malheureux chauffeurs.
Les cinq kilomètres entre Saint-Pol et Roscoff valent comme usure, 1.000 kilomètres sur une route moyenne.
Nous pensions que l'entretien des routes était en raison directe de l'emploi qu'on en fait... simple théorie et grande erreur de notre part sans doute, puisque nous constatons, ici du moins, que, contre toute logique, cet entretien est en raison inverse de cet emploi au carré.
Loin de nous certes la pensée d'incriminer si peu que ce soit les Ponts-et-Chaussées, liés par des règlements étroits qui l'étranglent ;
nous connaissons, au surplus, l'expérience et la compétence indiscutables de ses agents, les plus hauts comme les plus humbles, mais nous savons par expérience personnelle que l'administration française a, comme le cœur et l'amour, des raisons que la raison ne comprend pas.
Nous savons aussi que les autorités municipales et le syndicat d'Initiative de Roscoff ont tout fait, même l'impossible pour réagir contre cette situation...
Nous n'avons quant à nous, pas la prétention d'arriver à un meilleur résultat, comme dit l'autre :
« Gueuler, si cela ne paie pas les pots cassés, cela soulage ! »
Revenons à cette fameuse carte, examinons-la.
Il semblerait qu'elle veuille fixer des zones d'influence.
Voyez les belles routes des environs de Quimperlé, de Quimper, Plozévet, Audierne, Pointe-du-Raz, Brest et ses alentours et certaines régions où l’importance du trafic est incertain.
Évoquez certaines personnalités représentant les régions et vous ne pourrez-vous empêcher de créer des relations de cause à effet, qu'il nous est interdit d'approfondir.
De Saint-Pol à Morlaix, la route est également très mauvaise, mais le fait est facile à comprendre.
Elle concurrence peut-on dire la route qui passe sur le pont de la Corde et qui conduit elle aussi à Morlaix, tout en desservant Carantec, station balnéaire très courue.
Or, il faut que ce fameux pont soit payé le plus tôt possible et pour cela, canaliser le trafic et le diriger sur ce pont.
Le meilleur moyen d'arriver à ce résultat est évidemment de ruiner la route concurrente et... normale au profit de l'autre, laquelle est d'ailleurs admirablement entretenue.
Mais que pensent de tout cela les usagers des régions intéressées :
Plouénan, Plouescat, Saint-Pol-de-Léon, Roscoff, etc. ?
Signé : Un automobiliste.