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1927

Le Château de Brest et son histoire
par Olivier Lodel

 

 

Source : La Dépêche de Brest 31 octobre 1927

 

La citadelle brestoise fut, durant des siècles, la redoute avancée où se déroulèrent maints combats d'avant-garde.

 

Longtemps, elle fut l'apanage des ducs de Bretagne et l'objet de convoitise de tous les hommes de guerre, ce qui faisait dire à l'un d’eux :

« N'est pas duc de Bretagne qui n'est pas sire de Brest. »

 

La petite bourgade de pêcheurs qui, vers le milieu du XIIIe siècle, s'étaient groupés autour du Château, fut tantôt le boulevard de la France contre les Anglais, tantôt la tête de pont qui devait leur en faciliter l'entrée, selon que la politique fit de la Bretagne leur ennemie ou leur alliée.

 

Conter l'histoire de notre Château serait entreprendre celle de Brest et de toute la Bretagne.

 

Nous rappellerons ici, en quelques lignes, les principaux événements.

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Le Château de Brest appartenait de temps immémorial aux comtes de Léon, quand en 1239, l'un d'eux, Hervé IV, toujours à court d'argent et cousu de dettes, ne vendit pour une haquenée blanche (*) et cent livres de rente annuelle, à Jean 1er, duc de Bretagne, et à ses héritiers.

(*) Cheval ou jument d'allure douce, que montaient les dames.

 

L'affaire était bonne, mais les ducs bretons ne jouirent point en repos de la possession de cette « clef de la Bretagne ».

 

Dès 1341, deux guerriers se la disputent :

Charles de Blois, neveu du roi de France, et Jean de Montfort, soutenu par Édouard III, roi d'Angleterre.

 

Brest tombe entre les mains des Anglais, et le drapeau de la Grande-Bretagne flottera sur la forteresse pendant 56 ans, malgré le siège tenté par Duguesclin en 1372, et en 1382, 1386, les attaques des troupes bretonnes, sous le commandement de Jean IV, duc de Bretagne, et de l'illustre Ollivier de Clisson.

 

C'est en 1397, sur l'initiative personnelle de Charles VI, que Richard II, roi d'Angleterre, consent à remettre au duc Jean XV « la ville, le Château de Brest et la bastide de Saint-Pierre-Quilbignon. »

 

Voilà donc Brest débarrassé de l'occupation anglaise.

Mais Jean IV meurt deux ans après et, à trois reprises, l'ennemi tentera de reprendre notre citadelle.

 

C'est, en 1403, le combat naval devant Saint-Mathieu, où l'amiral de Bretagne, Jean de Penhoët, repousse une flotte anglaise.

En 1405, la victoire des paysans de la Cornouaille et du Léon qui, sous les ordres de Tanguy du Châtel, refoulent l'envahisseur.

En 1453, l'attaque du Conquet et nouvelle défaite des Anglais qui, pour se venger, allèrent piller et brûler Crozon.

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En 1489, à la veille de la réunion de la Bretagne à la France, le vicomte de Rohan prend possession de la ville, au nom de Chartes VIII, et Brest deviendra définitivement cité française, non sans avoir eu à soutenir contre les Anglais, devant Saint-Mathieu, le combat fameux de la Cordelière (août 1512).

 

C'est encore, en 1552, l'attaque des compagnies de débarquement de l'amiral Clinton qui, après avoir dévasté toute la région du Conquet et l'abbaye Saint-Mathieu, furent rejetées à la mer, avant de parvenir à Brest, par les intrépides paysans de la côte nord, marchant sous les ordres de Guillaume du Châtel.

 

Pendant les guerres religieuses de la Ligue, Brest reste fidèle au roi Henri IV et, en 1594, le maréchal d'Aumont, à la tête de 3.000 Français et de 2.000 Anglais, ces derniers accourus cette fois, non plus pour attaquer, mais pour défendre Brest, enlève, après de rudes combats dans la presqu'île de Quélern, le fort de la Pointe Espagnole qui, aux mains des Ligueurs, couvrait de projectiles les navires tentant de franchir le goulet pour ravitailler le Château.

 

Brest reçoit alors sa récompense de tant de fidélité à la cause royale.

Henri IV l'élève au rang de « ville », octroie à ses habitants le droit de bourgeoisie.

Les Brestois sont devenus les « bien-aimés » du roi.

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Les tours du Château de Brest n'ont plus leurs toits en poivrière que Vauban fit raser, pour établir sur les plates-formes des pièces d'artillerie.

 

L'établissement de la place du Château, au milieu du XVIIIe siècle, entraîna la suppression du large fossé de la tenaille et du chemin couvert.

 

Une route solide a remplacé le pont-levis et certes, l'ensemble défensif de la citadelle, avec ses fossés et ses barbacanes, était jadis plus important qu'aujourd'hui.

 

Mais notre Château a conservé, quand même, son cachet féodal.

 

Les deux grosses tours rondes de l'entrée qui ont servi de prison civile jusqu'en 1822, sont celles construites en 1464, avec leurs toits pointus et leurs mâchicoulis.

 

Et l'enveloppe de la forteresse a gardé intactes ses tours et ses courtines :

Face à la rade, la tour de la Madeleine, près de laquelle on peut toujours constater l'existence des vestiges de construction romaine ;

la tour Française, assise sur l'escarpement du rocher, à gauche du « Parc-au-Duc », d'où l'on découvre un grandiose panorama ;

l'ancien réduit défensif de la tour César.

 

Puis, à droite du « Parc-au-Duc » la grosse tour de Brest, celle qui a été le moins remaniée et présente les mêmes caractères que l'ancien château de Louis XII, à Dijon.

De sa magnifique plate-forme, établie par Vauban, on domine le port tout entier et une longue courtine conduit au Donjon.

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Le Donjon était une véritable forteresse, qu'un pont-levis rendait indépendante du château et où les assiégés pouvaient encore résister et se défendre, après la reddition de la place.

 

Ses trois tours font toujours l'admiration des visiteurs :

 

La tour du Donjon, bâtie en 1597, la plus élevée du Château, et d'où l'on jouit du merveilleux spectacle de Brest et de sa rade.

C'était là que logeaient les gouverneurs et les ducs de Bretagne, lorsqu'ils venaient à Brest.

On y voit encore la salle d'honneur, la salle à manger et les cuisines seigneuriales.

 

Au-dessous, de vastes souterrains conduisant par une pente rapide aux « oubliettes », gouffre profond où les condamnés attendaient une mort lente, au milieu de toutes les horreurs du désespoir et de la faim.

 

La tour imposante de la duchesse Anne, ainsi sans doute appelée parce que la « bonne duchesse » l'habita, quand elle vint à Brest en 1505, après son pèlerinage au Folgoët.

 

La tour Azénor, svelte et élégante qui, depuis le XIIIe siècle, se mire dans la Penfeld, auréolée du souvenir de l'infortunée princesse « droite comme une palme, belle comme un astre », qui faussement accusée par son père d'un crime infâme, fut emprisonnée, puis jetée à la mer dans un tonneau.

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Certes, à l'exception de la caserne de Plougastel qui date de 1597 et a conservé sa vieille horloge et ses fenêtres à chapiteaux sculptés, d'autres bâtiments disparates ont compromis la beauté monumentale de l'ensemble et ont fait de l'ancienne place d'armes la banale cour carrée d'une caserne, hélas ! aujourd'hui très peu peuplée.

 

Le Château de Brest fut cédé par la guerre à la marine en 1785 et on sait que depuis bien longtemps il n'a plus aucune valeur au point de vue défensif.

 

Il doit être maintenant le sanctuaire pieux et accueillant « à tous les charmes de l'art. »

 

Aimons et faisons respecter notre Château.

 

Cet ancêtre de granit est le berceau de notre ville.

C'est à l'intérieur de ses hautes et fières murailles, brunies harmonieusement par les siècles et les vents pluvieux du large, que s'accomplirent les premiers événements de l'histoire brestoise.

 

C'est là que se jouèrent souvent les destinées de notre France.

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