1928
L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel
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1681-1684
Source : La Dépêche de Brest 11 juin 1928
Ce fut par lettres-patentes du mois de juillet 1681 que Louis XIV assura l'avenir de notre cité, en réunissant en une seule et même ville, Brest et Recouvrance.
Les avantages de la situation de notre ville de Brest et la bonté de son port, dans lequel nous tenons une partie de nos vaisseaux, Nous ayant convié à y faire construire un arsenal de marine considérable, Nous avons estimé nécessaire d'y faire bâtir une nouvelle enceinte de ville, d'une étendue beaucoup plus grande que l'ancienne, pour mettre le dit arsenal et nos vaisseaux à couvert et les habitants en sûreté, et comme les dépenses considérables qui se font audit lieu pour le maintien de nos forces navales y ont appelé depuis quinze ans plusieurs marchands et artisans qui sont habitués, en sorte que les commodités de nostre service s'en sont accrues par leur industrie, Nous avons résolu de traiter favorablement les dits habitants pour donner des marques de la satisfaction que Nous en avons, en leur accordant les privilèges et droits attribuées aux anciennes et bonnes villes de notre ancienne province de Bretagne, et les rétablissant dans la jouissance de ceux que leurs ancêtres ont obtenus des Rois nos prédécesseurs.
À ces causes, voulons et nous plaît qu'à l'avenir, le bourg de Recouvrance soit tint à notre ville de Brest, pour jouir, par les habitants dudit bourg, des mêmes privilèges, droits et prérogatives dont jouissent les habitants de la dite ville...
À partir de cette époque, la vie civile et politique de Brest est nettement constituée.
Le conseil municipal (la Communauté, comme on l'appelait autrefois) est définitivement établi.
Le maire est assisté de deux échevins, un procureur syndic, quatre conseillers et un greffier.
L'ère nouvelle que les lettres-patentes de 1681 avaient ouverte à notre ville fut inaugurée, le 1er janvier 1682, par l'installation, suivant les formes consacrées, de M. Le Stobec, sieur du Plessix, élu maire de Brest
Ce jour-là, dès huit heures du matin, toute la population se pressait, dans la Grand'Rue, devant la maison de M. Le Stobec ; la milice bourgeoise était sous les armes et formait la haie sur tout le parcours du cortège, jusqu'à l'église des Sept-Saints.
Arrivé sur la première marche du perron de l'église, le maire s'est agenouillé sur un coussin de velours et devant le recteur, « il a touché l'Évangile, en prêtant serment de garder en cette ville les droits de l'Église, des veuves et des orphelins ».
Puis, après la messe, en quittant l'église, il s'est arrêté sur la dernière marche et a mis le talon dans le trou d'une pierre ronde « qui est censée le centre de la ville », marquant ainsi à la population que, désormais, tous les intérêts de la cité devront converger vers lui,
Au son des tambours et des fifres, le cortège, encadré par la compagnie colonelle de milice, s'est dirigé vers le Château, avec la « triple cage, magnifiquement ornée, renfermant trois oiseaux et portée par quatre jeunes bourgeois » que, pendant la messe, on est allé chercher chez l'ancien maire.
Arrivé à la porte de la citadelle, M. Le Stobec a été reçu par le gouverneur, entouré de son état-major.
Congratulations, échange de mots aimables.
Le maire atteste, au nom de la ville, que tous les bourgeois de Brest sont de fidèles sujets, attachés au service du Roi ; le gouverneur promet de maintenir les droits et privilèges de la cité.
Et, pour authentifier ces droits, le maire a demandé au gouverneur la liberté pour les trois oiseaux, prisonniers symboliques.
Vous êtes le maître, a répondu le commandant de la place.
C'est alors que le premier magistrat de la Communauté, pour affirmer ses prérogatives, a tiré les oiseaux de leur cage:
L'un a été remis au gouverneur, l'autre au sénéchal ; il a gardé le dernier.
Et tandis que la milice fait des décharges de mousqueterie, que l'assistance crie trois fois :
Vive le Roi ! Les trois captifs prennent leur envolée.
Sur la demande du nouveau maire, le gouverneur a mis en liberté les prisonniers détenus au Château, à l'exception de ceux punis pour dettes ou pour crime.
À midi, un dîner a été servi à l'hôtel de ville, « aux frais des notables qui, sans être forcés d'y assister, sont tenus, présents ou absents, d'y contribuer de leurs deniers ».
Puis, à 3 heures, il y eut le « Saut à la mer » qui, suivant un très vieil usage, fait partie du programme de la cérémonie.
« Tous les habitants qui, pendant les trois dernières années, se sont mariés, sont venus résider en ville ou ont fait bâtir maison ou muraille » sont tenus de plonger par trois fois dans la Penfeld, sous peine de trois livres d'amende au profit des hôpitaux.
Tout était à créer, quand M. Le Stobec fut nommé maire en 1682, et le premier soin de la Communauté fut d'établir un règlement de police et de voirie
Défense aux habitants de loger tout individu qui n'a pas des moyens assurés de subsistance pendant un an au moins, sous peine de le nourrir à ses frais.
Ordre de faire balayer devant sa maison le mardi et le samedi de chaque semaine, à peine d'un écu d'amende pour la première négligence, et du double en cas de récidive.
Défense aux revendeurs d'acheter aucune denrée sur le marché et ailleurs, avant 10 heures du matin en hiver et 9 heures en été ;
à tout batelier apportant du poisson, d'en vendre aux marchands avant de l'avoir exposé et mis en vente publique, pendant quatre heures après son arrivée.
Peu de travaux urbains furent entrepris pendant le triennat de M. Le Stobec.
On manquait d'ouvriers, car tous étaient employés dans le port et les ressources de la ville étaient très restreintes, puisqu'elles se bornaient à son octroi qui n'avait été affermé que 8.500 livres par an.
Et les dépenses ordinaires s'élevaient à 4.000 livres, parmi lesquelles :
Entretien de l'horloge, des quais, des quatre fontaines, des quatre tombereaux, 2.250 livres ;
logement du gouverneur, 400 livres ;
gages du maire, 300 livres ;
nettoiement de la ville, 200 livres ;
papier, encre et plumes, 20 livres etc.
Le zèle pieux de la Communauté l'avait conduit à inscrire en outre, dans son premier budget, une dépense de 300 livres pour le prédicateur chargé de prêcher l'Avent et le Carême.
C'est en 1683 que Vauban vint à Brest, pour examiner les travaux des fortifications, rectifier en plusieurs points le tracé de M. de Sainte-Colombe et assurer la défense extérieure de la place, au moyen de batteries à feux croisés, sur les deux côtés du goulet et sur la roche Mingant.
Le 16 mars 1684, on posa la première pierre d'un hôpital de la marine sur le terrain de Parc-an-Coat, occupé aujourd'hui par l'hôpital Clermont-Tonnerre.
Et la même année, le ministre Seignelay décidait l'établissement d'une manufacture de toiles à voiles dans la maison de la crique de Pontaniou, dirigée depuis 1670 par les religieuses de Saint-Thomas de Villeneuve et qui servait de maison de correction aux filles et femmes débauchées.
(À suivre.)
OLLIVIER LODEL.