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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

10 sur 41

1718 - 1723

 

 

Source : la Dépêche de Brest 13 août 1928

 

L'administration de M. Le Dali de Kerliézec connut le fameux « Système de Law », la création de la Banque générale, devenue Banque royale, et avec elle la folie du papier-monnaie.

 

Nous ne ferons pas ici l'exposé de cette entreprise financière, rationnelle dans son principe, florissante dans ses débuts, que de fausses et téméraires spéculations devaient convertir en un désastre, en une banqueroute nationale restée tristement mémorable.

 

Mais le système de Law, en révélant la puissance du crédit et en excitant la soif des richesses, avait imprimé aux entreprises commerciales une impulsion et une activité fécondes.

 

Et c'est alors que Law, investi du monopole de tout le commerce maritime français, rattache à la Banque royale, en 1719, la Compagnie des Indes et bâtit, en 1724, pour lui servir d'entrepôt, la ville de Lorient, au confluent du Scorff et du Blavet.

 

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La municipalité brestoise ne cesse de représenter au Roi, par l'intermédiaire de M. de la Reinterie, commandant du Château, « la misère de la ville, la grande désertion des habitants, causée par le manque d'ouvrages ».

 

Ses octrois, qui avaient rapporté jusqu'à 28.000 livres par an, ne sont plus affermés que 6.200 livres en 1718 et 9.970 en 1721.

 

Ses dépenses annuelles atteignent 16.040 livres, alors que ses revenus ne s'élèvent qu'à 11.700.

 

Et quand elle sollicite des dégrèvements, elle n'en obtient que d'insignifiants, tel celui de 30 livres, pour le feu de joie de la Saint-Jean, que d'ailleurs elle refuse, « ce feu étant une cérémonie de dévotion, établie de tout temps, qu'il n'est pas à propos d'abolir, vu que l'objet de la dépense est de si peu de chose, que cela ne mérite pas l'attention ».

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Le logement des soldats continue d'être un lourd fardeau pour les habitants, et le maire de Brest, chargé de la distribution des billets, est parfois victime de la mauvaise humeur des contribuables.

 

Le 25 avril 1720, M. Le Dali de Kerliézec revenait de dîner à Saint-Marc, chez M. Floch, ancien curé, quand vers six heures du soir, près de Keroriou, il est renversé et frappé à coups de canne par le nommé Dubois, maître d'école à Brest, « parce qu'on lui avait donné un logement de soldat, depuis le 28 mars ».

 

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L'administration de M. Le Dall de Kerliézec, nécessairement frappée d'impuissance, ne fut guère signalée, au point de vue travaux, que par la construction de l'église Saint-Yves et de l'escalier de la Voûte.

 

L'église de Monsieur Saint-Yves, cédée aux Carmes en 1651, et qui comptait cinq cents ans d'existence, tombait en ruines, quand en 1718, on la rebâtît, sur les plans de M. Robelin directeur des fortifications de Bretagne.

 

Placée sous le vocable de Notre-Dame du Mont-Carmel, l'église fut affectée en 1793 à la tenue des assemblées de section, puis servît de magasin aux approvisionnements de la guerre.

 

En 1801, elle fut mise à la disposition de notre allié, l'amiral espagnol Gravina, pour permettre à son armée navale, qui séjourna près de trois ans sur la rade de Brest, d'assister aux services religieux que célébraient quelques prêtres insermentés.

 

La ville obtint en 1803 la réouverture définitive de l'église des Carmes, qui devint succursale de l'église Saint-Louis jusqu'en 1857, date où un décret impérial l'érigea en paroisse.

 

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Ce fut en 1717 que la Congrégation des artisans, commune aux deux côtés de la ville et fondée par les Jésuites, peu de temps après leur arrivée à Brest, se sépara pour former deux confréries.

 

Celle de Recouvrance fit édifier, presqu'en face de l'église Saint-Sauveur, une chapelle qui fut terminée en 1723.

 

Les artisans du côté de Brest acquirent en 1718, dans le haut de la rue Duquesne actuelle, un terrain sur lequel ils construisirent une autre chapelle, dédiée à Notre Dame de la Miséricorde, dont Mgr de la Bourdonnaye posa la première pierre le 8 mai de cette année.

 

Ces congrégations, qui avaient un but exclusivement religieux, subsistèrent jusqu'à la Révolution.

 

En 1789, la chapelle de la rue Duquesne servit de lieu de réunion à l'assemblée du Tiers-État.

Puis elle fut vendue comme bien national et convertie en magasin de lits militaires.

 

Sur son emplacement fut élevée, en 1872, la chapelle Saint-Joseph, succursale de l'église Saint-Louis.

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Mlle Françoise de Rouxel et les religieuses du couvent des Ursulines de Landerneau demandent l'autorisation, en 1722, de fonder à Brest « une maison où elles enseigneront gratuitement la lecture, l'écriture et le catéchisme aux petites filles ».

 

La municipalité accepte cet établissement, sous réserve qu'il ne puisse jamais être à la charge de la ville, mais le roi met son veto, « le jugeant inutile et pouvant porter préjudice aux autres couvents ».

 

Par contre, en 1723, les Dames hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve obtiennent la permission de fonder « un lieu de retraite » près de la porte du Conquet, dans la maison de l'Archantel, que leur a donnée l'évêque de Léon.

 

C'est sur ce domaine que fut construite la caserne actuelle, en 1774.

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La marine, que Louis XIV avait dû abandonner sous la pression d'une détresse financière exceptionnelle, est maintenant complètement délaissée.

 

Cet abaissement voulu, calculé de la flotte, cette abdication de la France sur mer, est l'œuvre du cardinal Dubois, premier conseiller du Régent, pour conserver les bonnes grâces de l'Angleterre.

 

Le budget du département de la marine est réduit de 25 à 8 millions.

Notre matériel de combat ne compte guère qu'une quarantaine de mauvaises coques, dont plus de la moitié, hors d'état de prendre la mer, et les crédits ne permettent, de 1718 à 1723, que la construction à Brest des seuls vaisseaux : l'Éclatant et l’Elizabeth.

 

Il faut cependant pourvoir aux besoins les plus urgents, et 10.000 livres, pendant neuf ans, sont réservées au curement du port, où s'étaient formés des atterrissements inquiétants.

 

Sous la menace de la peste qui sévissait cruellement en Provence, on se hâte de construire un lazaret à Trébéron.

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L’église des Carmes

 

Le second triennat de M. Le Dali de Kerliézec n'était pas terminé que la constitution municipale de la ville éprouvait un nouvel ébranlement.

 

Les offices sont rétablis.

Les fonctions de maire et d'échevins deviennent, une nouvelle fois, le jouet du caprice et de l'avidité royale.

 

Payer les dettes de l'État et se libérer, aux dépens des villes, des charges qui pèsent sur lui, tel est le véritable but de l'édit de 1722 qui, d'ailleurs, déclare sans ambages :

 

« Les nécessités de nos finances nous obligent à chercher les moyens les plus convenables de les soulager. »

 

(À suivre.)

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