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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

11 sur 41

1724 - 1726

 

 

Source : la Dépêche de Brest 20 août 1928

 

En 1724, les trois candidats à la mairie furent choisis parmi les habitants de Recouvrance et M. Nicolas Marion, sieur de Penanru, marchand, fut élu par 56 voix, contre 26 attribuées à M. Denis et 4 à M. Hubac de Kerméidic.

 

M. Marion, né à Recouvrance en 1665, était fils d'un notaire royal de Brest et eut treize enfants.

Quand il mourut, en 1748, il fut enterré dans la chapelle de Notre-Dame de Recouvrance.

 

Pendant son administration, la ville tenta, mais en vain, de s'affranchir d'une imposition de 512 livres qu'elle payait depuis 1689, pour les terrains de Lambézellec et de Saint-Pierre-Quilbignon qui avaient été renfermés dans l'enceinte de Brest.

 

En tant que ville close, la Communauté soutenait qu'elle ne devait pas être assujettie aux fouages, impôt perçu au profit de l'État, sur les terres roturières.

 

Et, à l'appui de sa requête, elle faisait entendre de nouvelles doléances sur le fardeau imposé aux habitants, par le logement des quinze compagnies de troupes de la marine affectées à la garde du port.

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Vue de la rade de Brest prise au bas de la batterie du château en regardant le goulet

1795

France, École de Hue, Jean-François

 

Cette fois, la municipalité va demander avec énergie d'être exonérée de la plus lourde de ses charges, celle des logements militaires, et elle trouve un ardent défenseur dans M. Robert, intendant de la marine, qui écrit au ministre, le 15 novembre 1724 :

 

« La ville de Brest doit être regardée, Monseigneur, comme une colonie nouvelle, dont la plupart des habitants sont des provinces éloignées.

 

« Les ouvriers travaillant dans le port, qui sont la plus nombreuse partie des habitants, sont tous extrêmement pauvres, ayant à peine une paillasse pour se coucher.

 

« On les oblige néanmoins à loger des soldats, quoiqu'ils n'aient pas d'autre lit à leur donner qu'une partie de leur paillasse, ce qui les désole et les oblige souvent à abandonner la ville, pour aller ailleurs chercher à gagner leur vie.

 

« On ne saurait exprimer, Monseigneur, les désordres qui arrivent de la nécessité où sont ces habitants de loger les soldats.

 

« Le pauvre ouvrier est obligé de sortir de la maison, le matin, à la pointe du jour, pour aller à son travail et d'abandonner sa femme et ses enfants à la discrétion d'un soldat qui est logé chez eux. D'un autre côté, les soldats ne trouvant pas de lits chez ces pauvres habitants ni aucun secours, souffrent extrêmement d'y être logés. »

 

M. Robert demande au ministre que les Brestois soient traités comme les habitants de Rochefort et de Toulon.

 

À Rochefort, le roi a fait bâtir des casernes.

 

À Toulon, « où chacun des moins aisés a, en dehors de la ville, quelque peu de terre qui lui aide à subsister », le logement des officiers et soldats des compagnies de la marine est remboursé par l'État aux taux suivants :

9 sols par jour, pour un capitaine ;

6 sols, pour lieutenant ou enseigne ;

3 sols, pour sergent ou capitaine d'armes ;

1 sol 6 deniers, pour caporal et soldat.

 

La cause fut chaudement plaidée près du ministre Maurepas et, en 1727, la ville obtenait enfin un allégement inespéré, à la charge des logements militaires.

 

Les habitants ne sont plus tenus au logement en nature.

Les soldats vont occuper neuf maisons, près de Pontaniou, appartenant à M. David, industriel, dont le nom a été donné à deux rues de Recouvrance.

 

Mais en attendant la construction de la caserne Fautras, dont la première aile sera élevée en 1732, une taxe de 5 sols par livre de la capitation de chaque habitant, est prélevée pour le casernement des troupes.

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La ville a recouvré ses franchises municipales.

C'est l’avant-coureur d'une ère nouvelle.

Des mesures d'ordre intérieur vont maintenant être prises par la Communauté.

 

La première question soulevée est celle de l'hôtel de ville.

 

Depuis 1694, les réunions municipales se tiennent dans une chambre de la maison du maire, louée 200 livres par an.

 

Et, en 1724, M. Marion de Penanru, qui demeure sur le quai de Recouvrance, a consenti, sur la demande du commandant du château et des juges, à prendre, pour la tenue des assemblées, une grande chambre sur le quai de Brest, dans une maison appartenant à M. Allain de Maisonneuve, mais sous la condition expresse qu'il gardera chez lui les archives et que cette location bénévole ne portera aucune atteinte aux droits des futurs maires élus à Recouvrance.

 

Le logement de M. de Penanru, sur la rive droite de la Penfeld, a d'ailleurs suscité plus d'une difficulté.

 

Le 15 août, jour de la procession générale, la Communauté doit, selon l'usage, aller chercher le maire à son domicile.

Et, en 1725, dans son assemblée du 11 août, elle décide que pour ne pas avoir les ennuis du passage, elle l'attendra sur le quai de Brest.

 

Mais M. Marion de Penanru n'accepte pas l'excuse et prévient les officiers municipaux « que faute à eux de se trouver par exprès, chez lui, le 15 de ce mois, pour de là aller en corps assister à la procession, il proteste de se pourvoir près l'Intendant. »

 

Échevins et conseillers s'inclinèrent, consentirent à se rassembler chez leur maire, « mais pour cette fois seulement, sans que cela puisse tirer à conséquence pour l'avenir. »

 

Pour éviter ces différends, la municipalité loue le 4 décembre 1726, au prix de 200 livres par an, le premier étage d'une maison appartenant à M. Monod de Tourbihan, située sur le quai de Brest « vis-à-vis la Pompe. »

 

Il comprenait : deux chambres, un cabinet, une cuisine, une décharge et un petit caveau.

 

C'est dans la plus grande salle de cet appartement que nos anciens magistrats délibérèrent, pendant vingt ans, autour d'une longue et large table, couverte d'un tapis de drap bleu, bordé de blanc et orné des armes de la ville.

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Une autre question discutée fut celle de l'adoption d'un costume officiel, pour les membres de la Communauté.

 

Dans les assemblées générales et les cérémonies publiques, les officiers municipaux revêtaient bien la robe, apanage de la magistrature.

Mais les uns étaient en robes d'échevins, les autres en robes de palais, certains en simple manteau.

 

Pour faire cesser ce peu d'harmonie, pour mettre un terme à ce « manque de décence », la Communauté décida en 1726, sur la requête du procureur-syndic Labbé, que « tous les membres du corps de ville seront dorénavant en habits uniformes, tels que portent les maires et échevins des bonnes villes de la province, c'est-à-dire en robe et toque de velours, sous peine d'être déchus de leurs honneurs et privilèges. »

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Batteries du port de Brest, au premier plan celles situées côté Recouvrance

(tableau de Louis-Nicolas Van Blarenberghe)

 

Depuis 1716, les bateaux affectés au service du passage de Brest à Recouvrance étaient au nombre de trente-deux et affermés à un sieur Tardy qui percevait par jour, de chacun des bateliers, une redevance de six sols, moyennant quoi ils étaient libres d'agir à leur guise.

 

Les embarcations étaient souvent chargées à couler bas.

Le public était à l'entière discrétion des bateliers qui ne manquaient pas d'exiger, pour la traversée, un prix supérieur au tarif.

 

C'est pour remédier à ces abus que, par sentence du sénéchal, du 14 août 1725,

« ordre est donné aux bateliers de pousser, dès qu'ils seront chargés de douze personnes.

 

« Défense, sous peine de trois livres d'amende, au profit de l'hôpital, d'exiger un plus grand salaire que celui énoncé au règlement de 1692 » :

un denier par personne et un sol pour les gens pressés, qui ne voulant ou ne pouvant pas attendre

« la charge complète », donnent l'ordre de « pousser ».

 

Ollivier LODEL.

​

(À suivre)

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