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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

13 sur 41

1733 - 1737

 

 

Source : la Dépêche de Brest 3 septembre 1928

 

M. Marion de Penanru, citoyen de Recouvrance et maire de Brest de 1724 à 1726, fut réélu dans les mêmes fonctions le 4 décembre 1732.

 

Il n'acheva pas son triennat, car à la fin de l'année suivante, pour subvenir aux frais de la guerre de la Succession de Pologne, Louis XV rétablissait les offices municipaux.

 

L'État a besoin d'argent, mais l'expérience a démontré que la vente des offices est souvent longue et incertaine.

 

Aussi, imagine-t-on de les vendre en masse à un seul et même individu qui, lui, les revendra en détail, au plus offrant et dernier enchérisseur.

 

Les offices municipaux — et partant les villes — sont assimilés à une marchandise.

Tels des denrées, ils sont achetés en bloc par un sieur Jean-Claude Leclerq, dont les commis seront, à partir du 1er janvier 1734, investis du droit de représenter les villes aux États provinciaux, à l'exclusion des maires.

 

Il est toutefois permis aux municipalités d'enchérir, et si elles restent adjudicataires, elles doivent fournir, pour chacune des charges, un sujet, au nom duquel sont expédiées des lettres du Grand Sceau, tenant lieu de provisions.

 

Mais le « pourvu » ne peut prendre aucun titre, ni qualité, ni exercer aucune des fonctions dont il est titulaire.

 

C'est la charge de « l'homme vivant et mourant », autrement dit « l'homme de paille ».

Tant que le personnage vit, les communautés continuent d'élire leurs officiers.

À sa mort, elles désignent un nouvel « homme », au nom duquel sont expédiées de nouvelles lettres du Grand Sceau.

 

Les offices municipaux ne trouvèrent pas d'acquéreurs à Brest et le gouvernement se décida, en 1735, à expédier une commission de maire à M. Jacques Symon, « pour exercer, en attendant que l'on puisse trouver des sujets qui veuillent acheter la charge ».

 

M. Symon, déjà maire de Brest de 1727 à 1732, fut installé « sans aucun apparat » le 7 mai 1735, en même temps que ses échevins, MM. Antoine Raby et Pierre Navarre ;

le procureur syndic, M. Guillaume Labbé ;

les conseillers Arnauld, La Mothe et Charles Febvrier ;

le greffier Me Ollivier Varsavaux, toutes fonctions pour lesquelles les titulaires n'avaient cru devoir aucun sol au sieur Jean-Claude Leclercq.

 

L'administration municipale, peu confiante dans la durée de son mandat, qui subsista jusqu'aux arrêts du Conseil des 4 et 17 décembre 1737, suspendant la vente des offices et rendant la mairie élective, n'entreprit aucun ouvrage.

 

Les recettes de ses octrois suffisent à peine aux frais des procédures qu'elle a engagées.

 

Procès contre M. de Crozat, propriétaire du Châtel, pour l'obliger à faire bâtir une halle à Recouvrance, suivant les ordres de l'Intendant.

 

Procès avec les héritiers de son ancien miseur, M. Hubac de Kerméïdic, auxquels elle doit verser une somme de 9.000 livres.

 

Procès avec Mme Le Stobec du Plessix, engagiste, depuis 1688, des moulins du Roi, « situés au terroir nommé le Moulin à Poudre, en Lambézellec », qui se plaint du chômage de ses moulins et veut obliger tous les habitants à y moudre leurs grains.

 

C'est en 1734 que le capitaine de vaisseau Claude de Kerléau, chevalier de l'Isle, légua à l'hôpital la maison et le jardin qu'il possédait derrière l'église Saint-Louis, sous réserve qu'après la mort du testateur, l'usufruit en serait laissé au plus ancien officier de marine du port de Brest.

 

L'officier désigné devait, à son entrée en jouissance, verser 1.000 livres à l'hôpital.

 

M. Pavé de Villevielle, major de la marine, fut le premier appelé à jouir des biens de M. Kerléau.

Son successeur, en 1741, M. de Montlouët, mort chef d'escadre le 12 avril 1772, habita pendant trente-un ans la maison qui fut appelée hôtel Montlouët jusqu'au milieu du siècle dernier.

 

Elle devint, en 1834, la propriété absolue de l'hôpital qui la vendit à la ville pour, sur son terrain, y construire des écoles.

Et, en 1866, le Conseil municipal rendit à cet immeuble le nom de son donateur ;

la place Montlouët devint place de Lisle de Kerléau.

 

Suivant le désir du ministre Maurepas, la Madeleine, qui servait de maison de correction aux filles débauchées, et de manufacture de toiles à voiles, n'est plus affectée qu'à cette dernière destination.

 

Les religieuses de Saint-Thomas de Villeneuve font bâtir, en 1736, le Refuge, sur le terrain donnant rue du Carpont, où se trouvent aujourd'hui les ateliers et magasins de la Direction des travaux hydrauliques.

 

Le nouvel établissement était disposé de manière à servir de maison de correction, de retraite et d'éducation, voire de dispensaire, car on y traitait les recluses atteintes de maladies syphilitiques.

 

Un libertinage excessif régnait alors à Brest, malgré qu'on ait prescrit, suivant la justice expéditive en usage dans les places de guerre, de faire passer les prostituées par les verges.

En cas de récidive, c'était la mise au carcan, au pilori de la place du Marché, puis la condamnation au fouet et à la marque d'une fleur de lys.

Mais quelque rigoureuses que fussent ces mesures, elles ne réussissaient pas à conjurer le mal et à en arrêter le retour.

 

Le Refuge fut entièrement consumé dans un incendie, le 10 février 1782.

 

Le port de Brest ne possédait à cette époque qu'une seule forme ou bassin de radoub, celle de Troulan, et une cale, dans la crique de Pontaniou, pour le halage des vaisseaux.

 

En 1734, le constructeur Joseph Ollivier proposa d'en établir sept semblables, au pied de la bastide de Bordenave, mais la mort, qui le surprit en 1736, ne lui permit d'exécuter qu'une seule de ces cales.

 

On répare la conduite d'eau établie par Jongleur en 1690, conduite en maçonnerie qui, sur une longueur de 8 à 900 toises, amenait les eaux du bourg de Saint-Pierre à l'aiguade des Quatre-Pompes.

 

Douze maisons construites depuis 1672 devant la crique de Troulan, entre l'Intendance et la pompe, sont démolies en 1736, pour diminuer les chances d'incendie dans l'arsenal.

 

Si les fonds restreints affectés à la marine ne permirent point à Maurepas d'ordonner d'autres travaux, la sollicitude du ministre pour le port de Brest nous est témoignée par la mission délicate qu'il confia en 1737, à Biaise Ollivier, le fils du constructeur mort en 1736, et constructeur lui-même.

 

Il s'agissait pour ce dernier de découvrir et de surprendre, dans les chantiers de l'Angleterre et de la Hollande, le secret de leurs méthodes de construction.

 

Pendant cinq mois, Ollivier consacra toutes ses journées à la visite des arsenaux, et la plus grande partie de ses nuits à la rédaction de ses remarques, qu'il faisait parvenir au ministre par des voies concertées entre eux.

 

Pour la première fois, se trouvèrent posés les vrais principes de l'architecture navale.

Ils furent immédiatement appliqués à trois vaisseaux, dont la construction commença, dès le retour d'Ollivier, en septembre 1737.

 

(À suivre)

 

Ollivier LODEL

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