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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

15 sur 41

1744 - 1747

 

 

Source : la Dépêche de Brest 17 septembre 1928

 

Les villes, une fois encore, n'ont plus le droit d'élire leurs officiers municipaux.

C'est un arrêt du Conseil du 13 mars 1742, qui permit toutefois de « maintenir les titulaires, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné. »

 

Et M. Vincent Labbé continua ses fonctions de maire, nous l'avons vu, jusqu'au jour — le 18 mai 1744 — où il fut atteint d'une paralysie de la langue et donna sa démission.

 

M. Antoine Raby, marchand de drap de soie et premier échevin, prit alors la direction des affaires municipales.

 

Le 12 juin 1747, « par suite d'infirmités », il dut se démettre en faveur de Me Guillaume Labbé, notaire royal et second échevin.

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Les premiers mois de l'administration intérimaire de M. Raby se passèrent en réjouissances, ordonnées dans la France entière, pour célébrer les victoires de nos armées dans les Pays-Bas.

 

Dix-sept Te Deum, feux de joie et parades eurent lieu à Brest en 1744 et 1745, sans compter les fêtes données le 19 septembre 1744, pour célébrer la convalescence de Louis XV, atteint le mois précédent « d'une fièvre putride ».

 

Ces fêtes coûtèrent à la ville plus de 900 livres.

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Portrait de Louis XV (détail),

par Jean-Marc Nattier,

1745

(Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)

 

Investi d'une autorité précaire, incertain de l'avenir, M. Raby n'osa pas entreprendre de grands travaux.

 

La venelle de la « Tête Noire » fut convertie en rue, pour donner un libre accès de la Grand' Rue à l'église Saint-Louis et on lui donna le nom de Frézier.

 

Frézier était directeur des fortifications de Bretagne, membre de l'Académie de marine, « un zélé citoyen qui apporta ses soins et son talent à l'embellissement de Brest et au perfectionnement de l'église Saint-Louis. »

 

Il mourut en 1773, à l'âge de 91 ans, dans la rue qui porte toujours son nom.

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La Communauté, en 1746, résiste, une nouvelle fois, aux exigences des logements militaires.

Le commissaire des guerres ne veut-il pas que les officiers du régiment de Ponthieu soient logés chez l'habitant, sous prétexte qu'ils trouvent trop élevé le prix des chambres en location ?

 

« Les habitants, répond la municipalité, sont exempts, par la contribution qu'ils paient pour le casernement, de fournir des logements à moindre prix qu'on ne paie de gré à gré.

Les officiers ne peuvent manquer de trouver des chambres, en les payant comme les autres. »

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Mais la Communauté doit s'incliner quand, en janvier 1747, elle reçoit l'ordre de préparer des logements pour Son Altesse le duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne, qui va venir visiter Brest au mois de juin.

 

La seule demeure digne du prince est l'hôtel Saint-Pierre ;

la municipalité le loue pour 1.500 livres à Mme de Crèvecoeur.

 

Et pendant six mois, on ne fait qu'exécuter les ordres impérieux de M. Ratel, officier de Son Altesse.

 

On loue meubles et tapisseries.

On amasse dans les greniers 800 bottes de foin et autant de paille, ainsi que 60 boisseaux d'avoine « mesure de Gouesnou ».

On installe des écuries pour 150 chevaux et un hangar pour 14 chaises ou carrosses.

 

M. Ratel demande la construction d'une rôtisserie de dix-huit pieds de long, susceptible de recevoir deux rangs de broches, et sa sollicitude pour les marmitons de Son Altesse va jusqu'à prescrire deux élévations pour les abriter, tandis qu'ils tourneront ces broches pantagruéliques.

 

Mais la Communauté se contente de faire réparer la rôtisserie existante de l'hôtel Saint-Pierre et de dépenser 9.060 livres 7 deniers pour la réception du duc de Penthièvre, qui trouva d'ailleurs à Brest le plus chaleureux accueil.

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Portrait du duc de Penthièvre en amiral de France

(Huile sur toile par Jean-Marc Nattier)

 

De cette visite du gouverneur de Bretagne date l'élargissement de l'ancienne rue Charonnière (aujourd'hui rue Monge) qui, fort étroite, n'était guère accessible aux voitures qu'aux alentours de l'église des Carmes.

 

Son Altesse pourrait manifester le désir de faire en carrosse le tour de Brest et de passer par cette rue.

 

Ordre est immédiatement donné aux locataires d'évacuer les maisons à démolir et un mur était élevé sur le nouvel alignement, quand le prince arriva dans notre ville.

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L'ouverture d'une école gratuite dans la rue Charonnière avait été accueillie avec joie.

Et le 17 mars 1746, quand le sénéchal, le maire et le recteur de Saint-Louis se rendirent à l'école, pour constater la prise de possession par les deux Frères de la Doctrine chrétienne, « ils trouvèrent assis à cinq tables vingt-deux enfants qu'ils interrogèrent et dont les réponses furent satisfaisantes. »

 

Aucun établissement d'instruction publique n'existait alors à Brest et les enfants y vinrent en si grand nombre que, moins de trois mois après son inauguration, la ville était obligée de demander l'adjonction de deux nouveaux Frères à l'intendant de la province.

 

L'un d'eux était surtout utile pour faire la classe à Recouvrance, en raison de la difficulté du passage, empêchant les enfants de ce côté de la ville de se rendre su- l'autre rive.

 

Trois ans plus tard, deux chambres furent louées rue Ros-ar-Coat (bas de la rue Neuve), au prix de 120 livres par an, et 3 livres par mois furent accordées aux deux Frères, pour leurs frais de passage.

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Le port de Brest : le quai et le château

Joseph Mallord William Turner

(1775–1851)

 

Depuis 1734, l'office de maire de Brest est à vendre, comme celui de la plupart des villes de France.

Et, bien qu'on ait réduit des trois cinquièmes les mises à prix, qu'on ait élevé de 3 à 5 pour cent les gages, la marchandise ne se vend nulle part, tant elle est discréditée.

 

Le gouvernement, dans un besoin pressant d'argent, a bien trouvé un acquéreur de tous les offices, M. Leclerq, qui a avancé les capitaux.

Mais il faut le rembourser.

 

L'argent manque.

Il en faut à tout prix.

On l'obtient par l'arrêt du 22 mars 1746, ordonnant que les villes éliront désormais leurs édiles, mais qu'auparavant elles devront payer le prix des offices, au moyen d’augmentations d'octrois.

 

La charge de maire de Brest a été tarifée 5.280 livres et, en attendant le versement, une commission royale du 29 juin 1747 en pourvoit M. Vincent Jourdain, lieutenant-général civil et criminel au siège de l'Amirauté de Léon.

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Le port de Brest 1849

Jules-Achille Noël

1810-1881

Musée des beaux-arts de Quimper

 

C’est un homme tranchant et impérieux, qui n'a recherché ou tout au moins accepté la commission de maire, que pour se procurer des moyens de satisfaire sa vanité.

 

Dès la première séance de la Communauté, le 4 août, M. Jourdain déclare que voulant s'instruire et se mettre au courant des affaires de la ville et sous prétexte qu’on lui cache malicieusement des titres et des pièces, il somme les détenteurs des clefs des archives de lui remettre celle qui lui appartient et ceux auxquels reviennent les deux autres, de se trouver, chaque jour, à deux heures de l'après-midi, à l'hôtel de ville, pour lui ouvrir l'armoire et le laisser prendre, en leur présence, telle communication qu'il jugera à propos.

 

Les officiers municipaux se contentèrent de relever l'inconvenance des paroles de M. Jourdain, en lui faisant observer qu'on ne lui avait jamais refusé la clef des archives et que toutes pièces lui seraient communiquées sans déplacement.

 

Mais ils s'émurent quand ils apprirent que M. Jourdain s'occupait d'acquérir, pour son compte, l'office de maire.

 

La Communauté veut, à tout prix, conjurer ce danger et ses démarches sont couronnées de succès, car, le 25 octobre 1747, après avoir payé les 5.280 livres, elle recouvre le droit de procéder à l'élection de son maire.

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L'ingénieur du port, en 1747, est un Brestois, M. Choquet de Lindu.

Il construit un magasin au goudron, autour de la forme de Troulan, les forges de la serrurerie et une plomberie, ainsi que la corderie, longue d'environ 400 mètres, pour remplacer celle qui avait été consumée dans l'incendie du 30 janvier 1744.

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L'amiral Jean-Baptiste Louis Frédéric de La Rochefoucauld,

duc d'Enville

 

Depuis 1744, la guerre maritime est déclarée à l'Angleterre, qui peut mettre en ligne plus de 220 vaisseaux, tandis que nous ne disposons que de 88 bâtiments.

 

Et, en 1746, les Anglais menacent les côtes bretonnes.

Sept mille des leurs débarquent dans la baie de Quimperlé et, sous la conduite du général Sinclair, font avancer leurs canons jusqu'à un quart de lieue de Lorient.

Mais ils doivent évacuer la place, devant la résistance acharnée des Lorientais et se rembarquer précipitamment, après de nombreuses pertes.

 

Au printemps de 1745, l'Angleterre a porté un coup terrible à notre commerce.

 

Louisbourg, point d'appui de la grande pêche française, point de relâche de nos navires de guerre et de commerce, a dû capituler.

 

C'est de Brest, le 22 juin 1746, que part la première expédition, pour tenter de réoccuper cette place, boulevard extérieur du Canada.

 

Le lieutenant-général duc d'Enville appareille avec une escadre, forte de 10 vaisseaux de 50 à 74 canons, 3 frégates et 73 transports chargés de 3.000 hommes de troupes.

 

La campagne fut malheureuse.

Le scorbut se déclara dans les équipages et décima en quelques semaines 800 matelots et 1.500 soldats.

 

À quelques milles de Louisbourg survint un violent coup de vent qui dispersa l'escadre ;

des vaisseaux allèrent se réfugier à la Martinique, d'autres à Saint-Domingue.

 

Le chef d'escadre mourut subitement ; le commandant en second, capitaine de vaisseau d'Estourmelles, se tua sur le pont de son navire, dans un accès de fièvre chaude.

 

L'expédition était perdue.

Les bâtiments furent ramenés à Brest en novembre par le capitaine La Jonquière, qui était parvenu à les rassembler.

 

(À suivre.)

 

Ollivier LODEL.

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