1928
L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel
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1751 - 1753
Source : la Dépêche de Brest 3 décembre 1928
Depuis ses conflits avec les juges, la municipalité entend faire respecter l'arrêt du Conseil du 30 mai 1744, qui défend aux magistrats d'exercer aucune fonction dans les hôtels de ville.
M. Louis Debon, négociant, ancien procureur-syndic, est élu maire, le 1er décembre 1753, par 53 voix sur 93 votants.
Le premier soin de l'administration de M. Debon fut de solder les dépenses qu'avaient entraînées les constructions de la fontaine de la place Médisance et de l'escalier de la rue Neuve ;
d'acquitter la somme de 20.447 livres, pour prix des blés que la disette avait contraint d'acheter en 1752 et 1753.
Et c'est à cette époque que la ville put racheter, pour le prix de 1.650 livres, l'office de lieutenant général de police.
Depuis 1702, jusqu'à sa mort en 1745, M. Jean-Baptiste Avril, procureur de S. M. à la Cour royale et premier conseiller du siège de l'Amirauté de Léon, avait occupé cette charge, au grand désespoir des municipalités qui, à maintes reprises, signalaient, à l'intendant de la province, l'incapacité notoire de ce fonctionnaire chargé de la police urbaine :
« Les rues sont si remplies de boues, qu'elles sont souvent impraticables ;
les libertines qui viennent ici de toutes parts corrompent et gâtent la plupart des matelots et soldats et ne se cachent pas de leur prostitution, au contraire, tiennent même des maisons ouvertes.
Les cabarets restent ouverts les fêtes et dimanches, pendant le service divin.
La police ne s'exerce que par deux ou trois malheureux agents qui pillent, brigandent journellement sur le public. »
L'office de lieutenant-général de police fut, malgré l'ardente opposition des juges, accordé à la municipalité, par arrêt du 19 février 1754.
« La Communauté, dit l'arrêt, exercera la police, concurremment avec le sénéchal. »
Mais surgissent de nouvelles discussions.
Voilà que le bailli et le lieutenant de la sénéchaussée émettent la prétention de remplacer le sénéchal, en son absence.
On plaide et le Parlement donne raison à la municipalité.
Le sénéchal seul exercera les fonctions de juge de police, en concurrence avec la communauté.
En son absence, la police appartiendra aux officiers municipaux.
Le tribunal de police tient audience tous les samedis ;
il est présidé par le sénéchal, ou, en son absence, par le maire.
Le siège du ministère public est occupé par le procureur du roi de la sénéchaussée, ou, à défaut, par le procureur-syndic de la communauté.
Les membres du corps municipal forment le reste de l'assemblée.
C'est donc lui qui a la prépondérance au sein du tribunal.
D'ailleurs, c'est sur lui que repose à peu près tout le soin de maintenir l'ordre dans la ville.
Les officiers municipaux se chargent de surveiller la police dans les rues, au marché, un peu partout et ils n'ont, pour les aider dans leur tâche, que quatre sergents, quatre archers et deux gardes-quais.
L'une des premières préoccupations du siège de police, ainsi reconstitué, fut l'élaboration d'un règlement de police qui mérite d'être analysé.
Il s'occupe d'abord de la police des cabarets :
Défense à tous cabaretiers, sous peine de 10 livres, puis 20 livres et 30 livres d'amende, de laisser leurs établissements ouverts, à tous maîtres de billard ou jeux de boules, de donner à jouer pendant l'office divin, et à tous habitants de s'y rendre.
Mêmes défenses après dix heures du soir.
La salubrité publique est l'objet de nombreuses sanctions :
Trois livres d'amende, « dont le maître aura reprise sur les gages de son domestique », à l'habitant qui, chaque jour, n'aura pas nettoyé le pavé, au-devant de sa maison.
Cent livres d'amende au propriétaire qui, sous trois mois, « n'aura pas fait installer des latrines dans son immeuble. »
Dix livres d'amende, pour « jeter excréments, urines, lavures ou autres immondices et même de l'eau nette, par les fenêtres. »
Trente livres d'amende et confiscation du cochon, pour « ceux qui nourrissent des cochons dans les maisons. »
Dix livres d'amende et confiscation des objets lavés, à quiconque « souille les fontaines, en y lavant du linge, des légumes ou du poisson. »
« Un jour de carcan aux videurs de latrines qui jetteront leurs immondices dans les rues », au lieu de les porter dans des carrières désignées.
Il est défendu de faire courir les chevaux dans les rues et enjoint aux charretiers de se tenir près du cheval de limon, sous peine de 10 livres d'amende pour le propriétaire et de prison pour le conducteur.
Des précautions sont prises contre la lie de la population :
Mendiants, vagabonds et gens sans aveu doivent sortir de la ville et se retirer chacun dans sa paroisse.
Interdiction aux femmes et parents des forçats de venir à Brest, et 50 livres d'amende à ceux qui leur donnent asile.
Trois mois de prison et la literie brûlée par les sergents de police, à tous ceux qui donnent asile aux filles de mœurs suspectes.
Défense, sous peine de confiscation de l'arme et d'un mois de prison, aux clercs, facteurs, domestiques, portant épée, canne, bâton ou arme à feu.
C'est six livres d'amende, et pour prévenir les incendies, que l'on octroie aux propriétaires qui n'ont pas fait ramoner leurs cheminées tous les trois mois.
Pour protéger le commerce local, que concurrencent les forçats, il est défendu d'acheter quoi que ce soit au bagne, ou de revendre en ville les objets qui y sont fabriqués (dix livres d'amende et confiscation).
Le marché est soigneusement réglementé.
Tous les poissonniers doivent porter leur poisson directement au marché, pour l'y vendre sans l'intermédiaire des revendeuses (dix livres d'amende).
Défense aux revendeuses et traiteurs, sous peine de confiscation et de dix livres d'amende, « d'aller sur les chemins, devancer les marchandes de légumes, beurre, etc., ni les acheter ou marchander, qu'elles ne soient rendues au marché. »
Les bouchers doivent éviter de souiller les rues et établir leurs tueries, dans les trois mois, le long de la grève de Porstrein ;
ils porteront ensuite leur viande préparée à la place Keravel, où elle sera vendue.
Chaque boulanger doit avoir sa marque particulière, portée sur chacun de ses pains, et le poids doit en être indiqué par autant de trous qu'il pèse de livres.
Il est défendu à tous boulangers « d'en continuer la profession, s'ils ne sont sains de corps et exempts d'ulcères » ;
de se servir de mauvais blé, de falsifier le pain qui doit être bien façonné et cuit à point.
Il leur est également interdit de vendre les dimanches et fêtes, passé neuf heures du matin.
(À suivre).
Ollivier LODEL.