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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

2 sur 41

1685-1687

 

 

Source : la Dépêche de Brest 18 juin 1928

 

M. Isaac Monod, sieur du Chesne, né en Suisse et naturalisé en 1669, avait exercé les fonctions de maire de Brest de 1676 à 1678, quand il fut réélu en 1685, par 45 voix sur 70 votants.

 

Le corps électoral est alors composé de tous ceux qui occupent des fonctions libérales :

juges, avocats, procureurs, notaires ;

les recteurs et marguilliers des paroisses ;

le gouverneur et son état-major, les directeurs des hôpitaux, les anciens membres de la Communauté, les officiers de la milice bourgeoise et deux délégués de chacune des professions industrielles et commerciales.

 

C'est sous l'administration de M. Monod que les Jésuites vinrent s'établir à Brest, pour y fonder un séminaire, où devaient être « instruits, logés et nourris, les prêtres séculiers qui serviraient d'aumôniers sur les vaisseaux de l'État », et que fut commencée l'église Saint-Louis, dont la construction devait éprouver tant de vicissitudes.

 

Brest n'avait qu'une seule église, les Sept-Saints, qui ne pouvait guère contenir plus de quatre cents personnes.

Son insuffisance était démontrée par l'accroissement de la population.

 

Cédant aux sollicitations pressantes de la Communauté, le Roi ordonna qu'il serait perçu, pendant neuf ans, pour la construction de la nouvelle église, un droit supplémentaire d'octroi de 8 livres par tonneau de vin, et 4 livres par tonneau de cidre et de bière, entrant tant par terre que par mer, à Brest et à Recouvrance.

 

C'était une recette annuelle d'environ 8.000 livres, mais il fallait trouver des particuliers qui fissent l'avance des fonds nécessaires.

 

M. Dupille, un riche munitionnaire des vivres de la marine, se présenta et offrit d'avancer en deux ans, soit la somme de 72.000 livres, passible d'un intérêt de 14 pour cent, soit celle de 56.000 livres, sans intérêts, à la condition que, dans l'un comme dans l'autre cas, il jouirait de la recette des nouveaux droits d'octroi.

 

Vauban avait choisi comme emplacement de l'église Saint-Louis, la terre de Kéravel sur laquelle l'édifice aurait dominé la rade et le port, à l'endroit qu'occupe aujourd'hui le Bureau de bienfaisance.

 

Et sur les plans de l'architecte Garanjeau, les travaux avaient été adjugés en juin 1687, à l'entrepreneur Perrot.

 

Les fondations étaient terminées et les murs commençaient à s'élever, quand brusquement tout s'arrêta.

Les Jésuites, nous le verrons dans la prochaine mairie, étaient parvenus à circonvenir le Roi et ses ministres et à faire déplacer l'église, dans un but combien intéressé.

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Quelques travaux urbains sont à signaler sous l'administration de M. Monod, qui eut à s'occuper de la police des marchés et menaça du carcan « les beurriers qui mettent dans leurs pots de beurre, sable, pierres et autres choses que soit, pour les rendre plus pesants ».

 

La Grande-Rue est élargie et prolongée de la place Médisance jusqu'à la porte de ville,

 

Un escalier voûté, passant sous la Vieille Corderie, est construit pour mettre en communication le quartier Kéravel avec la Grande-Rue.

C'est l'escalier actuel de la Voûte, reconstruit et élargi, lorsqu'on fit, en 1718, la Voûte elle-même.

 

Le 4 mai 1686, la duchesse de Portsmouth, célèbre par sa beauté et ses amours et qui avait un pied-à-terre à Brest, posa la première pierre de l'hospice civil, à l'encoignure des rues Traverse et Saint-Yves.

 

C'était l'emplacement de deux petites maisons qui servaient d'hôpital et avaient été incendiées en 1667, par l'imprudence des soldats du duc de Beaufort qui s'y trouvaient en traitement.

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Les P. Carmes, établis à Brest depuis 1652, offrent à la ville de reconstruire, à leurs frais, un hôpital à Recouvrance,

« ne pouvant, disent-ils, vu les difficultés de passer l'eau, la nuit, le passage étant fermé, porter secours aux habitants de Recouvrance. »

 

Le corps de ville s'empresse d'accorder l'autorisation, mais le ministre de la marine Seignelay, peu favorable au développement des Communautés, refuse la création de ce nouvel établissement.

 

Sur l'ordre du ministre, « afin de faire cesser l'inconvénient qui se rencontre en enterrant tout le monde dans l'église des Sept-Saints », un cimetière est créé dans le champ de Parc-ar-Vennic, qui s'étendait près des fortifications dans la rue Algésiras actuelle, entre les rues Kéréon et Duquesne.

 

Enfin, pendant cette époque, des arbres sont plantés sur les remparts du côté de Brest, dont l'enceinte est presque achevée, et on commence les fortifications du côté de Recouvrance.

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C'est en 1686 que les vaisseaux l'Oiseau et la Maligne amenèrent à Brest les ambassadeurs du roi de Siam, porteurs de nombreux présents et de la lettre à Louis XIV « renfermée dans une machine », qui devait cimenter l'alliance entre la France et le royaume de Siam.

 

Ils descendirent à l'Hôtel Saint-Pierre et, pour commémorer un tel événement la rue Saint-Pierre devint la rue de Siam.

 

Sous l'impulsion du ministre Seignelay, l'intendant Desclouzeaux entreprend la construction d'une nouvelle corderie « sur le rocher de Lanouron » (la corderie basse de l'arsenal) et confie les travaux à l'architecte Bedoy, qui, moyennant 24.900 livres, acquiert la vieille corderie et toute la terre de Kéravel sur laquelle il fit immédiatement établir les huit rangs de maisons, séparées par les venelles que nous voyons encore aujourd'hui.

 

Vauban, revenu à Brest en 1685, s'y rencontre avec Seignelay et insiste avec une nouvelle force sur l'urgence nécessité des forts et batteries à élever des deux côtés du goulet.

 

Il s'inquiète des travaux en cours et en particulier de la construction de la Forme ou bassin de radoub, dans la crique de Troulan (aujourd'hui bassin Tourville).

 

Et la lenteur, dans l'exécution de cet ouvrage, est attestée par lettre sévère que Seignelay écrit à l'intendant Desclouzeaux, le 30 avril 1687 :

 

«... Quant à ce que vous dites que vous n'avez jamais tant travaillé que  vous avez fait à Brest, cela ne vous disculpe pas et ne prouve rien à votre avantage.

Quand on voit, en même temps, un ouvrage conduit avec si peu d'ordre que l'a été celui de cette forme et qu'il paraît à S.M. qu'au lieu de 96,566 livres qu'il devait coûter, il lui en coûte déjà 147,592, sans compter ce qui est dû à l'entrepreneur et la dépense qu'il faudra faire pour la mettre en état de servir, je suis bien aise de vous dire que vous vous trompez, si vous croyez n'être pas responsable des inconvénients de cette nature qui arrivent dans les travaux dont vous avez la principale direction ».

 

Quelques jours après, l'ingénieur Lavoye était emprisonné au Château pour « son peu de fidélité dans la direction de l'ouvrage de la Forme », et l'architecte Bedoy subit le même sort, « jusqu'à ce qu'il eût restitué ce qu'il avait reçu de trop sur ladite construction. »

 

(À suivre)

 

Ollivier LODEL.

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