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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

5 sur 41

1694-1695

 

 

Source : la Dépêche de Brest 9 juillet 1928

 

Sous prétexte que « la cabale et les intrigues avaient eu, le plus souvent, beaucoup de part à l'élection des maires de ses bonnes villes », et pour permettre aux magistrats municipaux « d'acquérir une connaissance parfaite des affaires de leur Communauté », Louis XIV avait décrété, par édit du mois d'août 1692, que les maires seraient « perpétuels ».

 

C'était dissimuler, sous des apparences de bonne raison, le caractère fiscal de cet édit, qui n'avait qu'un but :

Faire rentrer de l'argent dans les caisses du Trésor.

 

Et, en effet, M. Lars, sieur de Poulrinou, natif de Recouvrance, 2e échevin sous l'administration de M. Le Gac de l'Armorique, est nommé maire de Brest par commission royale et installé le 27 avril 1694 ;

mais il lui faut payer sa charge 6.600 livres et, quelques années après, il devra débourser 4.400 livres pour l'office de conseiller du roi, qui a été réuni à celui de maire perpétuel.

 

Ces créations de charges municipales, que les villes doivent racheter, si elles ne trouvent pas preneur, sont l'œuvre du ministre Pontchartrain, auquel on attribue cette spirituelle réponse à Louis XIV, qui s'étonnait de son inépuisable fécondité d'expédients :

« Sire, quand Votre Majesté crée une charge, Dieu crée un sot pour l'acheter. »

Portrait de Louis II Phélypeaux de Pontchartrain

Huile sur toile

Robert Le Vrac Tournières (1628-1707)

 

Les finances brestoises eurent grandement à souffrir des exigences de la fiscalité royale.

 

La ville doit payer 8.300 livres pour conserver le droit d'élire ses échevins et conseillers, et 4.500 livres pour acquérir un vague office de conseiller garde-scel, créé en 1696.

 

Les charges de colonel, major, capitaines et lieutenants de la milice bourgeoise sont taxées, coût, 17.100 livres ;

celle de lieutenant de maire, 8.300 livres.

 

L'office de juré mouleur, visiteur, compteur, mesureur, et peseur de charbon et bois à brûler est payé 18.000 livres.

 

Entre tous les expédients dont usa la fiscalité du XVIIe siècle, le plus ingénieux fut l'édit des « lanternes » du 18 juin 1697.

 

En vertu de cet édit, le Roi ordonne que les principales villes seront éclairées la nuit, à l'instar de Paris.

Et, pour assurer le service de « l'illumination », il crée un fonds d'abonnement qui s'élève pour Brest à 3.379 livres.

 

Mais, en retour, propriétaires et locataires sont tenus de se racheter du fonds des lanternes, en versant au Trésor le capital au denier vingt et les deux sols pour livre.

C'est un emprunt forcé et 77.232 livres que la ville doit remettre dans les caisses de l'État.

 

La municipalité est dans l'impossibilité d'effectuer ce rachat et elle supplie le Roi de l'en exempter.

 

« Votre Majesté, écrit-elle en décembre 1697, ayant fait, pour le repos de ses sujets, une paix générale avec tous les ennemis de la Couronne, tout le royaume en trouve une entière tranquillité et profit, à l'exception de la ville de Brest, qui ne peut subsister et supporter la rigueur de toutes ses impositions, que par le moyen des grands armements que les guerres faisaient faire au port de Brest.

 

« Ce qu'ayant cessé par le moyen de la paix, la plus grande partie des habitants de la ville en sont sortis et l'ont abandonnée, tant marchands, artisans, que plusieurs autres qui n'avaient lieu de vivre qu'au moyen des dits armements.

 

« La ville est déjà comme un désert et, sous peu, le sera tout à fait si Votre Majesté n'y pourvoit, par y établir le commerce et quelques juridictions consulaires ou présidiales.

 

« D'un autre côté, la plus grande partie des propriétaires sont hors d'état de payer la somme à laquelle ils sont taxés pour l'affranchissement de l'édit des lanternes, d'autant qu'ils n'ont fait bâtir leurs maisons que d'argent emprunté. »

 

La ville n'obtient pour toute réponse que le droit de percevoir un nouveau droit d'octroi de 8 deniers par pot de vin et 1 sol par pot de cidre et bière, se vendant au détail, lequel est adjugé pour douze ans, à charge au traitant de payer la somme totale de 85.040 livres, pour permettre le rachat et le premier établissement des lanternes.

 

Deux cent cinquante lanternes sont donc installées dans les rues et sur les quais.

Mais on ne tarde pas à reconnaître leur inutilité.

 

« Les grands vents les agitent tellement que les chandelles sont presque toujours éteintes.

De plus, les habitants n'ont pas la faculté de sortir le soir, sans lumière, à moins de s'exposer à être arrêtés par les patrouilles et à coucher aux corps de garde. »

 

Après maintes requêtes, la ville obtiendra, en 1701, l'autorisation de cesser son éclairage.

Les lanternes qui avaient coûté 6.000 livres seront revendues 1.300 et il sera permis à la municipalité de consacrer le fonds annuel de 3.379 livres à la construction de casernes pour le logement des troupes.

La paix de Ryswick

Le château du Nieuwburg et ses jardins pendant les négociations du traité.

Gravure de Jan van Vianen.

 

C'est en 1695 que le gouvernement de Louis XIV innova la capitation, imposition personnelle sur les revenus et ressources de chacun.

 

L'impôt sur les rentes et appointements connus est au denier 15 (6.66 pour cent), « parce que 10 pour cent serait trop rude, et 5, malheureusement trop peu pour soulager l'État. »

 

Pour les revenus inconnus, comme ceux du clergé, des fermiers généraux, etc., la déclaration royale les suppute, « ne voulant pas fouiller dans le secret des familles », et elle frappe proportionnellement à la valeur qu'elle leur donne.

 

Tous les sujets du Roi, divisés en 22 classes, payent la capitation, sans distinction de privilèges, depuis les princes du sang qui versent 2.000 livres, jusqu'aux soldats, manœuvres et journaliers, dont la capitation n'est que d'une livre.

 

Sont seuls exempts les pauvres mendiants, dont les curés des paroisses donnent des rôles signés et certifiés, et les sujets taillables qui paient une cote inférieure à 40 sous.

 

Cette contribution, supprimée après la paix de Ryswick, sera rétablie définitivement à la reprise des hostilités, en 1701, lorsque le duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, voulut recueillir le riche héritage que Charles II lui avait légué dans son testament.

 

Le montant de la capitation fut à Brest d'environ 30.000 livres pendant les premières années de sa perception.

Elle fut abaissée, en 1706, à 10.000 livres, somme qui ne varia que d'une manière peu sensible jusqu'en 1789.

 

Peu de travaux importants furent entrepris pendant cette première période de l'administration de M. Lars de Poulrinou, qui dura vingt-cinq ans.

 

Toutes les recettes passent, nous l'avons vu, à remplir les caisses du trésor royal.

Cependant, la Communauté consacra 1.550 livres pour la construction, par Gilles Nourichal, menuisier et maître tourneur, d'une pompe à incendie, inventée par Vauban.

 

Son matériel d'incendie est, en effet, bien sommaire, car Brest, à cette époque, ne possède que cent « seillots » de cuir, quelques crocs et échelles.

Et les Anglais qui louvoient sur les côtes nous menacent de leurs « bombes et feux d'artifice. »

 

C'est alors que Vauban donne à la ville, en 1695, le plan d'une « machine à jeter de l'eau pour éteindre le feu. »

 

Elle consistait en un coffre en chêne, doublé de plomb, d'environ 2 m. 60 de long, sur 1 m. 30 de hauteur et de largeur, divisé en deux compartiments par une cloison de bois, percée de trous.

 

Les deux corps de pompes étaient en « bon airain, moitié jaune et moitié rouge » ;

les « refouloirs » faits en bois de gaïac et garnis de liège et de cuir, étaient actionnés par deux grands crochets en fer, et le tout était monté sur un traîneau.

 

Nous ignorons les services que put rendre cette pompe.

Toujours est-il qu'en 1706, la Communauté la déclarera inutile.

« Par sa trop grande pesanteur et grandeur, on ne peut la transférer dans les rues hautes et basses de la ville, et encore moins du côté de Recouvrance, par la trajet de mer. »

 

C'est en 1694 que Mme de Penfeunten vint fonder à Brest, la « communauté des filles du Sacré-Cœur de Jésus de l'Union chrétienne. »

 

Le but de cette institution était « d'offrir un asile aux femmes et aux veuves de qualité, sans fortune ;

de donner uns éducation chrétienne aux petites filles pauvres ;

de leur apprendre à lire, écrire et travailler. »

 

La communauté fut ouverte le 1er avril 1694, dans une maison de la rue de Siam, louée 1.000 livres par an à M. Navarre, chirurgien-major du Château ;

mais deux ans plus tard, elle quitta cette demeure « peu convenable pour servir de refuge à des jeunes filles, en raison de sa situation au cœur d'une ville de guerre et dans la plus grande foule du monde. »

 

La communauté vint s'établir, rue du Château, dans une maison nouvellement construite par M. de Portarieu, sur la grange de Quilbignon, « endroit reculé, qui était une espèce de solitude », et que Mme de Penfeunten acquit pour 12.000 livres.

 

Ces terrains et édifices furent appelés Petit-Couvent, par opposition au grand couvent des Carmes.

Mais l'établissement prit une telle extension qu'en 1789, la communauté possédait tout l'îlot compris entre les rues du Château, Voltaire, Rampe et Aiguillon.

 

(À suivre)

 

Ollivier LODEL.

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